Fort de sa conviction de servir la cause de la guerre de Libération nationale, Zighoud Youcef se sacrifia corps et âme pour mener à bien cette mission qui a touché exclusivement le nord Constantinois, un des points les plus chauds de tout le territoire national. Fort de sa conviction de servir la cause de la guerre de Libération nationale, Zighoud Youcef se sacrifia corps et âme pour mener à bien cette mission qui a touché exclusivement le nord Constantinois, un des points les plus chauds de tout le territoire national. Mois de juin 1955, le temps doux et ensoleillé semblait offrir l‘opportunité de mettre les idées en place pour concocter une réaction d‘envergure conséquente aux correspondances adressées par les responsables de la zone des Aurès, où une très forte pression est exercée sur le maquis par la soldatesque de l‘occupant. Ainsi, le choix a été pris de faire appel au moudjahid Zighoud Youcef, afin d‘entreprendre des manœuvres subversives d‘envergure pour desserrer le goulet d‘étranglement qui semble tenir en étau les moudjahiddine de la région des Hauts-Plateaux. Après mûres réflexions, l‘idée, encore vague, a commencé à prendre forme dans l‘esprit de Si Zighoud, responsable de la zone du nord constantinois, pour la mise en place d‘une diversion spectaculaire qui toucherait plusieurs points névralgiques. A partir de là, fort de sa conviction de servir la cause de la guerre de Libération nationale, Zighoud Youcef se sacrifia corps et âme pour mener à bien cette mission qui a touché exclusivement le nord Constantinois, un des points les plus chauds de tout le territoire national et précurseur engagé à la règle de «La France nous a colonisés par les armes et c‘est par les armes qu‘elle doit sortir» et que, par conséquent, le colonialisme doit-être chassé comme tel. L‘histoire retiendra que le mois d‘août a été porteur d‘espoirs à Skikda, ville qui s‘est distinguée par un premier coup d‘éclat dans la lutte anti-coloniale pour avoir enregistré à la date du 28/08/1910 lors de la grève des dockers du port, l‘apparition d‘un drapeau vert avec un croissant, une première en Algérie probablement. Cette grève, faut-il le rappeler, a débouché sur des revendications politiques avec la naissance en 1933 du mouvement nationaliste et à la création d‘une branche de l‘Etoile Nord Africaine en 1935 avant d‘être interdite quelque mois plus tard et ses militants arrêtés, pour réapparaître sous la bannière du PPA avec un premier rassemblement en date du 04/08/1937(1). Après cet intermède à titre indicatif, l‘on recense une double portée des événements et non des moindres en l‘état actuel des choses, le facteur politique a été un élément déterminant dans le but de faire adopter la révolution par la population civile, et par la même de voir de nouvelles recrues intégrées les rangs de la glorieuse ALN (Armée de Libération Nationale), notamment après les humiliations des déportations massives et les difficultés de contact nées de cette situation. Militairement, il fallait coûte que coûte saborder le mythe de l‘invincibilité des forces coloniales et contrer ses visées d‘étouffer la révolution dans son oeuf. Pour preuve, en réponse au déclenchement de la révolution de Novembre, l‘occupant a concentré ses forces sur le maquis des Aurès qui ont supporté le poids de la guerre durant les premiers mois, comme pour matérialiser sur le terrain la phrase d‘un général français : «La révolution doit périr sur les lieux même de sa naissance». L‘IMPOT DU SANG ! Pendant ce temps, à l‘intérieur du pays, le calme plat qui a prévalu dans les autres régions du pays a permis à la puissance coloniale de concentrer ses forces sur le maquis dense des Aurès d‘où l‘insistance pressante du Moudjahid Chihani Bachir d‘envoyer plusieurs lettres à Zighoud Youcef à travers lesquelles, il lui est demandé expressément de trouver une solution pour alléger les dispositifs mis en place par l‘occupant, pour tenir la région des Hauts-Plateaux sous des pressions constantes. Première réaction pour baliser le terrain, le moral des troupes est remonté par quelques mots sur le sujet. «Aujourd‘hui, il est désormais question de vie ou de mort, car si au début de Novembre, notre responsabilité se limite à libérer le pays du joug de l‘oppresseur en exécutant les ordres, maintenant c‘est un devoir de choisir entre deux options, celle d‘opérer des attaques généralisées, prélude à un soulèvement populaire de toutes les régions par la multiplication des opérations pour porter au loin la voix de l‘Algérie aussi bien à l‘intérieur qu‘à l‘extérieur ou bien, qu‘à cela ne tienne, de montrer notre incapacité à mener ce peuple à l‘indépendance et par conséquent; cela sera l‘ultime combat qui s‘apparente en définitif à une opération suicide». Plus loin, il évoqua les principaux soulèvements qui ont tous échoué. Aussi, dira-t-il, notre combat est le prolongement logique des guerres précédentes mais pour nous, il est temps de payer «l‘impôt du sang» pour sortir la révolution de son état comateux. Finalement, l‘on retient que l‘impôt du sang a bel et bien été payé par la mort de 5000 victimes civiles (1) les sources restent variables mais bien loin de la vérité selon les termes du Dr Boukhalkhal Abdellah et néanmoins recteur de l‘université islamique de Constantine qui avance le chiffre de 18.000 morts dont 12.000 pour la seule région de Skikda, lors de la tenue des travaux d‘une conférence historique en date du 13/08/2007 au sein de la salle Aissat Idir. Les martyrs ont été enterrés dans une fosse commune, dans l‘enceinte du stade municipal éponyme. L‘engin, qui a servi pour cette basse besogne macabre, est exposé sur les lieux même du l‘assassinat collectif. A Ain-Abid, une agglomération relevant de circonscription administrative de Constantine et limitrophe de la wilaya de Skikda, l‘on dénombre sur les 1.200 habitants recensés la mort de 742 citoyens tués (2). La Dépêche quotidienne d‘Algérie fait état dans son édition du 21/22 août 55 de 500 rebelles tués, 70 blessés et un nombre effarant de plus de 1000 prisonniers. Branle-bas de combat dans ce qui s‘apparente à une véritable course contre le temps, la préparation et la planification des attaques ont commencé leur petit bonhomme de chemin durant les premiers jours du mois de juillet 55, lorsque tous les responsables de l‘ALN opérant dans le nord Constantinois ont rallié le lieu dit Boussatour, une localité proche de la commune de Sidi Mezghich, elle-même distante de 35 kilomètres au nord ouest de Skikda. La tentative de ralliement est tombée à l‘eau, après le bouclage systématique des voies d‘accès par les militaires français. La deuxième du genre, la réunion tenue au lieu dit Djebel Ezzamen dans les environs de la commune d‘El-Hadaiek (ex-Saint Antoine), distante de 4 km de Skikda, un point hautement stratégique dominant les alentours de Koudiat Daoud, pratiquement éloigné des routes et des chemins et qui, de surcroît, se distingue principalement par la présence d‘une forêt très dense qui protège efficacement les moudjahiddine conviés à la réunion. Les travaux de préparation ont commencé exactement à la date du 27 juillet 55 pour ne s‘achever que vers la fin du même mois sous le commandement de Zighoud Youcef en présence d‘une centaine de farouches combattants parmi lesquels l‘on cite des figures de proue de la guerre de libération dont Abdellah Bentobbal, Amar Benaouda, Ali Kafi, Mohamed Salah Mihoub, Boudersa Amar, Smain Zighet Si Messaoud Ksentini de son vrai Messaoud Boudjerrou, Salah Boubnider plus connu sous le pseudonyme de Saout -el- Arab, Bachir Boukadoum, Amar Chetaibi, Mohamed Rouai. Riche débat où la ferveur et la fraternité ont régné en maître, chacun par sa contribution a apporté une pierre à l‘édifice d‘un plan d‘attaque réglé avec une précision d‘horloge suisse, en prenant en compte le côté politique de la chose et son impact sur les scènes nationale et internationale. Sur le sujet de la réunion, le chef militaire de la wilaya II, Ahmed Mihoub révèle (2) ‘‘après quatre jours de campement sur les lieux, Zighoud Youcef, Benaouda Mohamed Rouai et moi-même sommes partis en laissant les moudjahiddine sous la Direction de Bentobbal‘‘. A trois, après le départ de Rouai Mohamed, une réunion informelle pour mettre les dernières retouches, a été organisée dans une maison précaire à l‘abandon en prenant en compte le volet de la politique prônée par le Gouverneur de France en Algérie Jacques Soustelle au sein des instances onusiennes qui consiste à faire admettre que l‘insurrection est fomentée de l‘extérieur et par conséquent, le peuple Algérien n‘est pour rien. L‘on recense militairement huit points d‘importance capitale pour contrecarrer les visées de l‘ennemi, à savoir : - créer une diversion pour desserrer l‘encerclement qui s‘exerce sur les régions des Aurès ; - mettre fin au mythe de l‘invincibilité de l‘armée d‘occupation qui, faut-il le rappeler, a déserté le champ de bataille au Vietnam, pour se consacrer exclusivement à la guerre d‘Algérie ; - affirmer la continuité de la guerre de Libération sur toutes les régions d‘Algérie profondes contrairement aux allégations de la propagande de l‘occupant ; - insuffler à tout le peuple et aux mouvements de masse à s‘investir dans le soutien indéfectible à L‘ALN ; - rendre coup pour coup aux opérations barbares de l‘ennemi qui s‘est lancé dans des tueries collectives, les déportations massives et les interdictions de séjour après l‘annonce de l‘état de siège. - faire adopter la révolution par la population au moyen de l‘impact des opérations du 20/08/55 ; - permettre une meilleure organisation des convois vers le pays frère, la Tunisie, pour alimenter les troupes au maquis en armes et munitions ; - restaurer la confiance et développer l‘esprit guerrier des combattants de l‘ALN, mais également créer une forme d‘insécurité sur fond de terreur chez le colonialisme. Sur le plan politique, c‘est d‘abord un moyen interne d‘assistance aux responsables politiques à l‘étranger d‘affirmer le nationalisme de la révolution pour récuser les thèses des milieux politiques français, sur de prétendues implications de capitales étrangères et enfin, de concentrer tous les efforts des forces vives du pays vers un dénominateur commun : l‘indépendance du pays. C‘est aussi, une manière de contrer la politique des réformes de «Soustelle», initiée dans le but de faire avorter la révolution. Les objectifs énumérés, l‘indisponibilité de l‘armement et de l‘habillement militaire sont accentués par l‘impossibilité de pouvoir disposer des armes civiles des citoyens en présence d‘une vaste opération de contrôle et de pressions exercées sur les détenteurs probables d‘armes ainsi que l‘interdiction de vente de l‘essence aux Algériens pour pallier toute manœuvre tendant à confectionner des bombes Molotov, ont grandement perturbé la préparation. Pour parer à cette situation, des responsables ont été désignés pour superviser les opérations d‘organisation militaire pour distribuer les rôles et mission de tous les chefs de zone afin de garantir l‘utilisation adéquate des moyens humains et matériels pour la réussite totale de l‘opération. Il y a lieu aussu de citer la collecte et l‘inventaire des armes de guerre et munitions et la collecte des médicaments et du matériel soignant pour le jour fatidique. Avec les moyens du bord, des artificiers ont été instruits pour la confection et la préparation de bombes Molotov et de grenades artisanales à base de boîtes de tomate vide et ce, en petit nombre par manque de lubrifiants. Il s‘agissait, par ailleurs, de faire le recensement de centres et de cantonnements de l‘ennemi, sans omettre de connaître éventuellement le nombre de militaires, procéder dans la foulée à l‘initiation et au maniement des armes pour les civils volontaires, en insistant principalement sur des attaques éclairs dans le style de la guérilla. Avec une farouche détermination de réussir, des faucilles, des serpes, des poignards, des bêches, des haches, ont été rassemblés au nez et à la barbe des militaires français qui ne pouvaient s‘y faire à l‘idée d‘un usage autre que celui pour lequel ils sont destinés. Sur le plan humain, une opération de sensibilisation a eu lieu en zone rurale, le tout sous le sceau du secret absolu et avec une recommandation extrême, celle de hisser en premier lieu «l‘emblème national» avant toute opération. L‘ASSAUT AU JOUR «J» Sous les clameurs de vive l‘Algérie et d‘un enchaînement interminable de youyous, à faire galvaniser les énergies, les assaillants venus de Jeanne d‘Arc, Merdj-eddib, Zef-Zef, la gare routière, la Carrière romaine, la rue Saint-Antoine, Oued Souah, El-Fetoui, les Sept puits, Bengana et l‘Abattoir ont pris en étau Skikda avant que le commissariat de police, les bureaux de la Gendarmerie, les casernes de l‘armée et de la Garde mobile, la banque centrale, la centrale électrique, etc., ne soient pris d‘assaut. Durant l‘après-midi de ce jour béni, une déferlante humaine en furie a occasionné des pertes considérables à l‘ennemi, malgré l‘intervention des colons qui ont tiré sur les manifestants à partir de leurs balcons. Bilan, à Fil-fila, plusieurs colons ont été tués et les manifestants ont réussi à s‘approprier d‘un lot d‘armements ainsi que de sommes d‘argent. La mine a, depuis, été fermée jusqu‘à l‘Indépendance du pays. Dans la cité l‘Espérance, des colons ont également été tués et des maisons incendiées et à l‘aéroport, des avions ont été endommagés au sol. Dans les principales artères de la rue Didouche-Mourad, les commerçants avaient baissé rideau. Il n‘y avait pas âme qui vive, à l‘exception des véhicules militaires stationnés dans les endroits stratégiques, après l‘arrivée des renforts des villes limitrophes. Une soixantaine de soldats et de colons français ont trouvé la mort à Skikda, tandis que du côté des combattants, l‘on dénombre la perte de 37 moudjahids (1). A Sidi- Mezghich, les moudjahidine ont tendu une embuscade aux forces de l‘ennemi qui commençaient à se douter que quelque chose se tramait sous le manteau. Un véhicule militaire a été incendié ainsi que des aliments pour bétail et un silo de stockage de blé. L‘on déplore, malheureusement, la perte de 16 personnes dont 9 moudjahidine. A El-Harrouch, le palais de justice a été incendié après un âpre combat qui a opposé les soldats français dotés d‘armes sophistiquées et les assaillants. A Collo, les casernes de la gendarmerie ont été assaillies. Bilan, un officier a été tué et trois importants stocks de liège et de bois ont été incendiés. Ramdane-Djamel (ex-St-Charles, Djendel, le village de Boussatour, Ain-Abid ont également connu des actes de sabotage, créant une certaine panique chez les colons qui exploitaient des fermes dans la région. Des poteaux téléphoniques, des pylônes électriques, le réseau d‘Aep et un immeuble de colons ont été endommagés par les manifestants. Dans la globalité l‘on estime les pertes de l‘ennemi à 150 Européens tués (2) durant les événements du 20/0/55. Des événements résumés par un responsable français comme ‘‘Le jour des couteaux‘‘. L‘impact psychologique fait ressortir clairement que les événements sanglants du 20/08/55 de Skikda ont été déterminants dans le traitement du dossier algérien par les instances onusiennes qui ont conclu à un problème de décolonisation, contrairement aux allégations politiciennes de la puissance coloniale qui faisaient état de brigands et de hors-la-loi. Par ailleurs, un nouveau souffle a été donné pour la poursuite de la lutte pour la guerre de Libération, permettant à beaucoup de jeunes de rejoindre le maquis. Ainsi, le mythe de l‘invincibilité de l‘ennemi a été sérieusement ébranlé. La suite, comme chacun le sait, a été la libération du pays du joug de l‘oppresseur et la proclamation de l‘Indépendance de l‘Algérie au prix fort d‘un million et demi de chahids. Afin que nul n‘oublie, la commémoration du 20/08/55 se doit à chaque fois d‘être à la hauteur de l‘impôt du sang payé pour que vive l‘Algérie libre et indépendante. S. O. Sources: (1): Publication ministère des Moudjahiddine, Centre National des Etudes et Recherches sur la guerre de libération Nationale. Août 2000. (2) Intervention du Dr Boukhalkhal Abdellah. Mois de juin 1955, le temps doux et ensoleillé semblait offrir l‘opportunité de mettre les idées en place pour concocter une réaction d‘envergure conséquente aux correspondances adressées par les responsables de la zone des Aurès, où une très forte pression est exercée sur le maquis par la soldatesque de l‘occupant. Ainsi, le choix a été pris de faire appel au moudjahid Zighoud Youcef, afin d‘entreprendre des manœuvres subversives d‘envergure pour desserrer le goulet d‘étranglement qui semble tenir en étau les moudjahiddine de la région des Hauts-Plateaux. Après mûres réflexions, l‘idée, encore vague, a commencé à prendre forme dans l‘esprit de Si Zighoud, responsable de la zone du nord constantinois, pour la mise en place d‘une diversion spectaculaire qui toucherait plusieurs points névralgiques. A partir de là, fort de sa conviction de servir la cause de la guerre de Libération nationale, Zighoud Youcef se sacrifia corps et âme pour mener à bien cette mission qui a touché exclusivement le nord Constantinois, un des points les plus chauds de tout le territoire national et précurseur engagé à la règle de «La France nous a colonisés par les armes et c‘est par les armes qu‘elle doit sortir» et que, par conséquent, le colonialisme doit-être chassé comme tel. L‘histoire retiendra que le mois d‘août a été porteur d‘espoirs à Skikda, ville qui s‘est distinguée par un premier coup d‘éclat dans la lutte anti-coloniale pour avoir enregistré à la date du 28/08/1910 lors de la grève des dockers du port, l‘apparition d‘un drapeau vert avec un croissant, une première en Algérie probablement. Cette grève, faut-il le rappeler, a débouché sur des revendications politiques avec la naissance en 1933 du mouvement nationaliste et à la création d‘une branche de l‘Etoile Nord Africaine en 1935 avant d‘être interdite quelque mois plus tard et ses militants arrêtés, pour réapparaître sous la bannière du PPA avec un premier rassemblement en date du 04/08/1937(1). Après cet intermède à titre indicatif, l‘on recense une double portée des événements et non des moindres en l‘état actuel des choses, le facteur politique a été un élément déterminant dans le but de faire adopter la révolution par la population civile, et par la même de voir de nouvelles recrues intégrées les rangs de la glorieuse ALN (Armée de Libération Nationale), notamment après les humiliations des déportations massives et les difficultés de contact nées de cette situation. Militairement, il fallait coûte que coûte saborder le mythe de l‘invincibilité des forces coloniales et contrer ses visées d‘étouffer la révolution dans son oeuf. Pour preuve, en réponse au déclenchement de la révolution de Novembre, l‘occupant a concentré ses forces sur le maquis des Aurès qui ont supporté le poids de la guerre durant les premiers mois, comme pour matérialiser sur le terrain la phrase d‘un général français : «La révolution doit périr sur les lieux même de sa naissance». L‘IMPOT DU SANG ! Pendant ce temps, à l‘intérieur du pays, le calme plat qui a prévalu dans les autres régions du pays a permis à la puissance coloniale de concentrer ses forces sur le maquis dense des Aurès d‘où l‘insistance pressante du Moudjahid Chihani Bachir d‘envoyer plusieurs lettres à Zighoud Youcef à travers lesquelles, il lui est demandé expressément de trouver une solution pour alléger les dispositifs mis en place par l‘occupant, pour tenir la région des Hauts-Plateaux sous des pressions constantes. Première réaction pour baliser le terrain, le moral des troupes est remonté par quelques mots sur le sujet. «Aujourd‘hui, il est désormais question de vie ou de mort, car si au début de Novembre, notre responsabilité se limite à libérer le pays du joug de l‘oppresseur en exécutant les ordres, maintenant c‘est un devoir de choisir entre deux options, celle d‘opérer des attaques généralisées, prélude à un soulèvement populaire de toutes les régions par la multiplication des opérations pour porter au loin la voix de l‘Algérie aussi bien à l‘intérieur qu‘à l‘extérieur ou bien, qu‘à cela ne tienne, de montrer notre incapacité à mener ce peuple à l‘indépendance et par conséquent; cela sera l‘ultime combat qui s‘apparente en définitif à une opération suicide». Plus loin, il évoqua les principaux soulèvements qui ont tous échoué. Aussi, dira-t-il, notre combat est le prolongement logique des guerres précédentes mais pour nous, il est temps de payer «l‘impôt du sang» pour sortir la révolution de son état comateux. Finalement, l‘on retient que l‘impôt du sang a bel et bien été payé par la mort de 5000 victimes civiles (1) les sources restent variables mais bien loin de la vérité selon les termes du Dr Boukhalkhal Abdellah et néanmoins recteur de l‘université islamique de Constantine qui avance le chiffre de 18.000 morts dont 12.000 pour la seule région de Skikda, lors de la tenue des travaux d‘une conférence historique en date du 13/08/2007 au sein de la salle Aissat Idir. Les martyrs ont été enterrés dans une fosse commune, dans l‘enceinte du stade municipal éponyme. L‘engin, qui a servi pour cette basse besogne macabre, est exposé sur les lieux même du l‘assassinat collectif. A Ain-Abid, une agglomération relevant de circonscription administrative de Constantine et limitrophe de la wilaya de Skikda, l‘on dénombre sur les 1.200 habitants recensés la mort de 742 citoyens tués (2). La Dépêche quotidienne d‘Algérie fait état dans son édition du 21/22 août 55 de 500 rebelles tués, 70 blessés et un nombre effarant de plus de 1000 prisonniers. Branle-bas de combat dans ce qui s‘apparente à une véritable course contre le temps, la préparation et la planification des attaques ont commencé leur petit bonhomme de chemin durant les premiers jours du mois de juillet 55, lorsque tous les responsables de l‘ALN opérant dans le nord Constantinois ont rallié le lieu dit Boussatour, une localité proche de la commune de Sidi Mezghich, elle-même distante de 35 kilomètres au nord ouest de Skikda. La tentative de ralliement est tombée à l‘eau, après le bouclage systématique des voies d‘accès par les militaires français. La deuxième du genre, la réunion tenue au lieu dit Djebel Ezzamen dans les environs de la commune d‘El-Hadaiek (ex-Saint Antoine), distante de 4 km de Skikda, un point hautement stratégique dominant les alentours de Koudiat Daoud, pratiquement éloigné des routes et des chemins et qui, de surcroît, se distingue principalement par la présence d‘une forêt très dense qui protège efficacement les moudjahiddine conviés à la réunion. Les travaux de préparation ont commencé exactement à la date du 27 juillet 55 pour ne s‘achever que vers la fin du même mois sous le commandement de Zighoud Youcef en présence d‘une centaine de farouches combattants parmi lesquels l‘on cite des figures de proue de la guerre de libération dont Abdellah Bentobbal, Amar Benaouda, Ali Kafi, Mohamed Salah Mihoub, Boudersa Amar, Smain Zighet Si Messaoud Ksentini de son vrai Messaoud Boudjerrou, Salah Boubnider plus connu sous le pseudonyme de Saout -el- Arab, Bachir Boukadoum, Amar Chetaibi, Mohamed Rouai. Riche débat où la ferveur et la fraternité ont régné en maître, chacun par sa contribution a apporté une pierre à l‘édifice d‘un plan d‘attaque réglé avec une précision d‘horloge suisse, en prenant en compte le côté politique de la chose et son impact sur les scènes nationale et internationale. Sur le sujet de la réunion, le chef militaire de la wilaya II, Ahmed Mihoub révèle (2) ‘‘après quatre jours de campement sur les lieux, Zighoud Youcef, Benaouda Mohamed Rouai et moi-même sommes partis en laissant les moudjahiddine sous la Direction de Bentobbal‘‘. A trois, après le départ de Rouai Mohamed, une réunion informelle pour mettre les dernières retouches, a été organisée dans une maison précaire à l‘abandon en prenant en compte le volet de la politique prônée par le Gouverneur de France en Algérie Jacques Soustelle au sein des instances onusiennes qui consiste à faire admettre que l‘insurrection est fomentée de l‘extérieur et par conséquent, le peuple Algérien n‘est pour rien. L‘on recense militairement huit points d‘importance capitale pour contrecarrer les visées de l‘ennemi, à savoir : - créer une diversion pour desserrer l‘encerclement qui s‘exerce sur les régions des Aurès ; - mettre fin au mythe de l‘invincibilité de l‘armée d‘occupation qui, faut-il le rappeler, a déserté le champ de bataille au Vietnam, pour se consacrer exclusivement à la guerre d‘Algérie ; - affirmer la continuité de la guerre de Libération sur toutes les régions d‘Algérie profondes contrairement aux allégations de la propagande de l‘occupant ; - insuffler à tout le peuple et aux mouvements de masse à s‘investir dans le soutien indéfectible à L‘ALN ; - rendre coup pour coup aux opérations barbares de l‘ennemi qui s‘est lancé dans des tueries collectives, les déportations massives et les interdictions de séjour après l‘annonce de l‘état de siège. - faire adopter la révolution par la population au moyen de l‘impact des opérations du 20/08/55 ; - permettre une meilleure organisation des convois vers le pays frère, la Tunisie, pour alimenter les troupes au maquis en armes et munitions ; - restaurer la confiance et développer l‘esprit guerrier des combattants de l‘ALN, mais également créer une forme d‘insécurité sur fond de terreur chez le colonialisme. Sur le plan politique, c‘est d‘abord un moyen interne d‘assistance aux responsables politiques à l‘étranger d‘affirmer le nationalisme de la révolution pour récuser les thèses des milieux politiques français, sur de prétendues implications de capitales étrangères et enfin, de concentrer tous les efforts des forces vives du pays vers un dénominateur commun : l‘indépendance du pays. C‘est aussi, une manière de contrer la politique des réformes de «Soustelle», initiée dans le but de faire avorter la révolution. Les objectifs énumérés, l‘indisponibilité de l‘armement et de l‘habillement militaire sont accentués par l‘impossibilité de pouvoir disposer des armes civiles des citoyens en présence d‘une vaste opération de contrôle et de pressions exercées sur les détenteurs probables d‘armes ainsi que l‘interdiction de vente de l‘essence aux Algériens pour pallier toute manœuvre tendant à confectionner des bombes Molotov, ont grandement perturbé la préparation. Pour parer à cette situation, des responsables ont été désignés pour superviser les opérations d‘organisation militaire pour distribuer les rôles et mission de tous les chefs de zone afin de garantir l‘utilisation adéquate des moyens humains et matériels pour la réussite totale de l‘opération. Il y a lieu aussu de citer la collecte et l‘inventaire des armes de guerre et munitions et la collecte des médicaments et du matériel soignant pour le jour fatidique. Avec les moyens du bord, des artificiers ont été instruits pour la confection et la préparation de bombes Molotov et de grenades artisanales à base de boîtes de tomate vide et ce, en petit nombre par manque de lubrifiants. Il s‘agissait, par ailleurs, de faire le recensement de centres et de cantonnements de l‘ennemi, sans omettre de connaître éventuellement le nombre de militaires, procéder dans la foulée à l‘initiation et au maniement des armes pour les civils volontaires, en insistant principalement sur des attaques éclairs dans le style de la guérilla. Avec une farouche détermination de réussir, des faucilles, des serpes, des poignards, des bêches, des haches, ont été rassemblés au nez et à la barbe des militaires français qui ne pouvaient s‘y faire à l‘idée d‘un usage autre que celui pour lequel ils sont destinés. Sur le plan humain, une opération de sensibilisation a eu lieu en zone rurale, le tout sous le sceau du secret absolu et avec une recommandation extrême, celle de hisser en premier lieu «l‘emblème national» avant toute opération. L‘ASSAUT AU JOUR «J» Sous les clameurs de vive l‘Algérie et d‘un enchaînement interminable de youyous, à faire galvaniser les énergies, les assaillants venus de Jeanne d‘Arc, Merdj-eddib, Zef-Zef, la gare routière, la Carrière romaine, la rue Saint-Antoine, Oued Souah, El-Fetoui, les Sept puits, Bengana et l‘Abattoir ont pris en étau Skikda avant que le commissariat de police, les bureaux de la Gendarmerie, les casernes de l‘armée et de la Garde mobile, la banque centrale, la centrale électrique, etc., ne soient pris d‘assaut. Durant l‘après-midi de ce jour béni, une déferlante humaine en furie a occasionné des pertes considérables à l‘ennemi, malgré l‘intervention des colons qui ont tiré sur les manifestants à partir de leurs balcons. Bilan, à Fil-fila, plusieurs colons ont été tués et les manifestants ont réussi à s‘approprier d‘un lot d‘armements ainsi que de sommes d‘argent. La mine a, depuis, été fermée jusqu‘à l‘Indépendance du pays. Dans la cité l‘Espérance, des colons ont également été tués et des maisons incendiées et à l‘aéroport, des avions ont été endommagés au sol. Dans les principales artères de la rue Didouche-Mourad, les commerçants avaient baissé rideau. Il n‘y avait pas âme qui vive, à l‘exception des véhicules militaires stationnés dans les endroits stratégiques, après l‘arrivée des renforts des villes limitrophes. Une soixantaine de soldats et de colons français ont trouvé la mort à Skikda, tandis que du côté des combattants, l‘on dénombre la perte de 37 moudjahids (1). A Sidi- Mezghich, les moudjahidine ont tendu une embuscade aux forces de l‘ennemi qui commençaient à se douter que quelque chose se tramait sous le manteau. Un véhicule militaire a été incendié ainsi que des aliments pour bétail et un silo de stockage de blé. L‘on déplore, malheureusement, la perte de 16 personnes dont 9 moudjahidine. A El-Harrouch, le palais de justice a été incendié après un âpre combat qui a opposé les soldats français dotés d‘armes sophistiquées et les assaillants. A Collo, les casernes de la gendarmerie ont été assaillies. Bilan, un officier a été tué et trois importants stocks de liège et de bois ont été incendiés. Ramdane-Djamel (ex-St-Charles, Djendel, le village de Boussatour, Ain-Abid ont également connu des actes de sabotage, créant une certaine panique chez les colons qui exploitaient des fermes dans la région. Des poteaux téléphoniques, des pylônes électriques, le réseau d‘Aep et un immeuble de colons ont été endommagés par les manifestants. Dans la globalité l‘on estime les pertes de l‘ennemi à 150 Européens tués (2) durant les événements du 20/0/55. Des événements résumés par un responsable français comme ‘‘Le jour des couteaux‘‘. L‘impact psychologique fait ressortir clairement que les événements sanglants du 20/08/55 de Skikda ont été déterminants dans le traitement du dossier algérien par les instances onusiennes qui ont conclu à un problème de décolonisation, contrairement aux allégations politiciennes de la puissance coloniale qui faisaient état de brigands et de hors-la-loi. Par ailleurs, un nouveau souffle a été donné pour la poursuite de la lutte pour la guerre de Libération, permettant à beaucoup de jeunes de rejoindre le maquis. Ainsi, le mythe de l‘invincibilité de l‘ennemi a été sérieusement ébranlé. La suite, comme chacun le sait, a été la libération du pays du joug de l‘oppresseur et la proclamation de l‘Indépendance de l‘Algérie au prix fort d‘un million et demi de chahids. Afin que nul n‘oublie, la commémoration du 20/08/55 se doit à chaque fois d‘être à la hauteur de l‘impôt du sang payé pour que vive l‘Algérie libre et indépendante. S. O. Sources: (1): Publication ministère des Moudjahiddine, Centre National des Etudes et Recherches sur la guerre de libération Nationale. Août 2000. (2) Intervention du Dr Boukhalkhal Abdellah.