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«La littérature dénonce subtilement les barbaries»
Chabane Chouitem, écrivain
Publié dans Le Midi Libre le 25 - 11 - 2007

Nul n'est en mesure de minimiser le rôle incontournable des nouvelles plumes dans le renouvellement des formes littéraires. Et pour cause, la vitalité et le prestige littéraire de chaque pays dépendent largement de l'apport de ces nouvelles signatures qui seront, pour quelques-unes d'entre elles, les grandes plumes de demain. Chabane Chouitem en fait partie. Ce jeune écrivain algérien installé depuis quelques années en France est déjà l'auteur d'un premier roman, «Les adieux de Noël», paru aux éditions La Société des écrivains. De passage à Alger, Chabane Chouitem nous livre ses impressions, ses appréhensions et ses réflexions sur la littérature.
Nul n'est en mesure de minimiser le rôle incontournable des nouvelles plumes dans le renouvellement des formes littéraires. Et pour cause, la vitalité et le prestige littéraire de chaque pays dépendent largement de l'apport de ces nouvelles signatures qui seront, pour quelques-unes d'entre elles, les grandes plumes de demain. Chabane Chouitem en fait partie. Ce jeune écrivain algérien installé depuis quelques années en France est déjà l'auteur d'un premier roman, «Les adieux de Noël», paru aux éditions La Société des écrivains. De passage à Alger, Chabane Chouitem nous livre ses impressions, ses appréhensions et ses réflexions sur la littérature.
Midi Libre : Vous venez de sortir votre premier roman en France. Pourquoi la France et de quoi parle-t-il ?
Chabane Chouitem : «Les adieux de Noël» est une création qui devait voir le jour en France. En France, parce que là-bas la littérature garde toujours sa notoriété, mais aussi le thème abordé, qui rattache les deux extrémités de la Méditerranée, à savoir notre pays et notre ex colon, y a trouvé un grand épanouissement. C'est, en effet, un roman qui revisite l'Histoire et dénonce subtilement les barbaries et les grossièretés que l'homme n'arrête pas de léguer de génération en génération. Mais, et cela me semble très important, le roman s'intéresse surtout aux répercussions desdites barbaries et à leurs traductions sociologiques, aux clichés qui en découlent et à toutes les souffrances accablantes qui ne cessent de traumatiser nos sociétés déchiquetées, ainsi qu'aux Pouvoirs de notre époque à degré moindre. Par ailleurs, en dehors de quelques passages, quelque peu virulents, il n'est pas directement question d'Histoire dans le roman, mais elle est implicitement évoquée par les personnages qui en souffrent.
Les adieux de Noël, est-ce un titre évocateur justement ?
Oui, et même très symbolique. C'est le titre qui définit, de prime abord déjà, l'univers dans lequel baignent l'histoire et les personnages qui la portent. Car il y a effectivement des «adieux» au tout début, ce qui ne laisse donc aucune échappatoire, et «Noël», qui évoque directement la Bible. A partir du titre, avant même d'ouvrir l'histoire, l'univers des hostilités et des rivalités accueille le lecteur, et la religion en sera le maître d'œuvre. Elle est représentée par deux antagonistes, qui, à leur tour, représentent chacun son pays : M'hammed, l'Algérien – une allusion au prophète Mahomet— et Marie, la Française — un renvoi à la Vierge—. Ces deux univers religieux opposés sont corrompus par l'amour pour n'en faire qu'un et chaque personnage doit, le long de tout le texte, savoir tirer son épingle du jeu. A la religion s'ajoute l'histoire coloniale, dont plusieurs plaies ne se sont pas encore refermées aujourd'hui.
Ainsi, le schéma du texte ne pouvait, à mon sens, qu'être tracé en boucle, où le début et la fin ne font que le même point. J'en fais une boucle sans issue, où les personnages qui s'aiment passionnément s'affrontent sans merci, selon les incontournables règles du Dogme. L'incipit et la sortie garantissent à l'évidence la stagnation de toutes choses après trois ans de relation ; et les personnages se retrouvent en aval comme en amont condamnés à leur destin social, appuyés par l'écartement de leurs religions respectives. J'essaie par cette démarche de prouver finalement que nos sociétés, de plus en plus figées, ne veulent pas laisser tomber la morale et les traditions d'antan, elles tiennent avec rigueur à tout ce que disent les «anciens» ; et le roman prouve mathématiquement qu'après trois longues années d'amour et de passion, les deux personnages n'ont pas évolué d'un iota, bien que beaucoup d'événements se soient acharnés sur leur destin.
Aussi dans cette histoire d'amour «impossible» et voué à l'échec dans tous les cas de figure, M'hammed est l'ambassadeur de l'Algérie, son porte-voix ; Marie, elle, c'est la France, le colon qui venait «nous civiliser et nous apprendre les règles de vie, hier.» On le constate effectivement tous les jours, et avec toutes ces années passées, l'Algérie et la France ne peuvent se séparer en aucune manière, mais leur amour est entaché de haine et de beaucoup de souffrances.
Vous vous êtes beaucoup appuyé sur les échanges épistolaires et le discours dans votre roman. Pourquoi ?
Le côté épistolaire du roman est capital à l'accomplissement du sens dans la mesure où les lettres, en plus du fait qu'elles dégagent beaucoup de sincérité, accentuent, à plus d'un titre, l'effet du réel et rendent aussi bien crédible qu'authentique le travail de la fiction en permettant aux personnages de créer, eux-mêmes, des petites intrigues fines et subtiles qui complètent le schéma de l'auteur. Elles sont également essentielles à partir du moment où le démiurge disparaît sans difficulté pour laisser place aux épistoliers qui deviennent maîtres de leurs destins et de leurs propos. Et quand la lettre n'intervient pas, c'est le discours qui prend sa place.
Mais dans le cas des «adieux de Noël», il y a une sorte de jeu entre l'auteur, ses personnages et le lecteur. Le dispositif romanesque est donc très variable, fragile et solide à la fois, et chaque fois que la lettre intervient, elle m'invite à partir pour mettre le lecteur à ma place. Elle l'appelle, l'interpelle, pour que celui-ci participe avec l'épistolier à la construction du sens. C'est en ce sens que le roman est polyphonique. Parfois, le lecteur est subjectif malgré lui, d'autres fois, il est tout à fait d'accord avec «son ami le personnage», et généralement le lien entre eux est direct ; c'est tout ce qui m'intéresse dans mon statut d'auteur du texte. Le fait de permettre au lecteur de s'immiscer dans l'intimité des personnages — qu'il considère souvent comme réels— et de faire (ou défaire) , à chaque phrase parcourue, le sens à sa guise et comme il l'entend individuellement et le plus librement possible, est pour moi toute la beauté de la littérature. Le lecteur écrit, finalement, avec moi et avec les personnages, le texte, et chaque lecteur l'écrit à sa manière dans la mesure où je considère qu'il n'est aucun texte littéraire achevé, et moins encore figé. J'entends par roman, histoire ou récit, par texte littéraire tout court, une société de mots organisée plus ou moins comme la nôtre. Comme les hommes, les mots sont à mon avis vivants à leur manière : ils s'affrontent, s'entrechoquent, s'entre-déchirent, et, enfin, se font la guerre. Le roman, c'est enfin, l'arène des combats les plus virulents, c'est la cour où chaque mot défend son plaidoyer avec élégance et beaucoup de résilience. Tout cela s'applique on ne peut mieux à l'histoire de M'hammed et de Marie, «Les adieux du Noël».
Pourquoi n'avez-vous pas participé au Salon international du livre d'Alger ?
J'aurais vraiment souhaité être présent au SILA, mais mon roman n'ayant pas été disponible en Algérie et tout un concours de circonstances sont bien les raisons qui ne m'ont pas permis de participer. Je suis, en effet, entré en contact avec les éditeurs algériens très tardivement ; par ailleurs, plusieurs d'entre eux veulent «Les adieux de Noël» et j'attends de recevoir leurs réponses dans les jours à venir. Cela est très important pour moi car, et c'est plus qu'une certitude, le lectorat algérien est le public qui m'intéresse le plus, celui pour qui et avec qui ce roman est écrit. J'ose donc espérer pouvoir rendre le livre disponible auprès de tous mes compatriotes, c'est tout ce qu'il m'est possible de rêver en ce moment, en attendant d'achever le deuxième.
Est-il facile pour un Algérien d'écrire en France ? Est-il bien accueilli ?
Facile, non, point du tout. C'est un exercice très ardu car l'Algérien peut accaparer la langue française autant que possible, il peut la savoir de bout en bout (rires)… Nous avons des repères culturels différents, des paramètres sociaux tout à fait dissemblables — pour ne pas dire opposés — et cela nous rend l'écriture, à nous Algériens, très difficile. En outre, chose à ne pas négliger, même si le lecteur français est beaucoup moins exigeant que celui algérien, l'auteur algérien est sans cesse éprouvé par des appréhensions et des incertitudes vis-à-vis de la langue étrangère. Il rencontre très souvent des problèmes de translation, il a plusieurs fois recours au dictionnaire en dépit de la maîtrise de la langue. Mais cela me semble très logique : nous sommes étrangers à la langue française, et la langue française est étrangère aux Algériens, sans que cela remette en cause nos capacités rédactionnelles, bien sûr.
Quant au second volet de la question, je ne pense pas, très sincèrement, que l'écriture algérienne (maghrébine ou africaine de façon générale) soit toujours très bien accueillie en France. Le nom de l'écrivain est généralement mal vu, et son origine, avec tout ce qu'elle suggère au lecteur français comme toutes sortes d'idées préconçues, de gênes et tutti quanti, ne soutiennent pas son dévouement. Il nous est donc fait obligation d'y mettre beaucoup de volonté et de détermination.
Par ailleurs, ces faux obstacles, fussent-ils insurmontables, n'ont pas enlevé le prix Goncourt à Tahar Ben Jelloun ni à Amin Maalouf. Je pense enfin que la littérature n'est autre que le pouvoir de la plume quand elle est écrite, la magie de la parole quand elle est parlée ou dite, et cela n'a aucune origine. «Elle a l'aptitude de rendre les choses absentes», disait Maurice Blanchot, mais elle peut les rendre plus présentes et vivantes tout autant, et c'est en cela qu'elle peut dénoncer ou revendiquer. Quand on perçoit la littérature, de la sorte, dans toute sa beauté, on dépasse sans doute les obstacles, d'autant que le livre est peut-être la seule chose qui ne connaisse aucune frontière : il traverse les espaces comme les millénaires.
Pour conclure en quelques mots, pouvez-vous nous parler de votre prochain roman ?
Le premier rencontre de plus en plus de succès en France, et j'espère le mettre entre les mains du lecteur algérien le plus diligemment possible. Quant au deuxième, il se tourne vers l'écologie, un problème qui s'impose de plus en plus.
Loin d'être une thèse scientifique ou une étude, celui-ci donne une voix et une vie à la planète, il la pourvoit de tous les sens de l'homme. C'est finalement, la Terre qui souffre avant l'homme, et mon idée veut que la Terre accuse l'homme et lui reproche tous ses malheurs ; elle va ainsi instruire son procès le long de plus de 200 pages accablantes sans le ménager.
Midi Libre : Vous venez de sortir votre premier roman en France. Pourquoi la France et de quoi parle-t-il ?
Chabane Chouitem : «Les adieux de Noël» est une création qui devait voir le jour en France. En France, parce que là-bas la littérature garde toujours sa notoriété, mais aussi le thème abordé, qui rattache les deux extrémités de la Méditerranée, à savoir notre pays et notre ex colon, y a trouvé un grand épanouissement. C'est, en effet, un roman qui revisite l'Histoire et dénonce subtilement les barbaries et les grossièretés que l'homme n'arrête pas de léguer de génération en génération. Mais, et cela me semble très important, le roman s'intéresse surtout aux répercussions desdites barbaries et à leurs traductions sociologiques, aux clichés qui en découlent et à toutes les souffrances accablantes qui ne cessent de traumatiser nos sociétés déchiquetées, ainsi qu'aux Pouvoirs de notre époque à degré moindre. Par ailleurs, en dehors de quelques passages, quelque peu virulents, il n'est pas directement question d'Histoire dans le roman, mais elle est implicitement évoquée par les personnages qui en souffrent.
Les adieux de Noël, est-ce un titre évocateur justement ?
Oui, et même très symbolique. C'est le titre qui définit, de prime abord déjà, l'univers dans lequel baignent l'histoire et les personnages qui la portent. Car il y a effectivement des «adieux» au tout début, ce qui ne laisse donc aucune échappatoire, et «Noël», qui évoque directement la Bible. A partir du titre, avant même d'ouvrir l'histoire, l'univers des hostilités et des rivalités accueille le lecteur, et la religion en sera le maître d'œuvre. Elle est représentée par deux antagonistes, qui, à leur tour, représentent chacun son pays : M'hammed, l'Algérien – une allusion au prophète Mahomet— et Marie, la Française — un renvoi à la Vierge—. Ces deux univers religieux opposés sont corrompus par l'amour pour n'en faire qu'un et chaque personnage doit, le long de tout le texte, savoir tirer son épingle du jeu. A la religion s'ajoute l'histoire coloniale, dont plusieurs plaies ne se sont pas encore refermées aujourd'hui.
Ainsi, le schéma du texte ne pouvait, à mon sens, qu'être tracé en boucle, où le début et la fin ne font que le même point. J'en fais une boucle sans issue, où les personnages qui s'aiment passionnément s'affrontent sans merci, selon les incontournables règles du Dogme. L'incipit et la sortie garantissent à l'évidence la stagnation de toutes choses après trois ans de relation ; et les personnages se retrouvent en aval comme en amont condamnés à leur destin social, appuyés par l'écartement de leurs religions respectives. J'essaie par cette démarche de prouver finalement que nos sociétés, de plus en plus figées, ne veulent pas laisser tomber la morale et les traditions d'antan, elles tiennent avec rigueur à tout ce que disent les «anciens» ; et le roman prouve mathématiquement qu'après trois longues années d'amour et de passion, les deux personnages n'ont pas évolué d'un iota, bien que beaucoup d'événements se soient acharnés sur leur destin.
Aussi dans cette histoire d'amour «impossible» et voué à l'échec dans tous les cas de figure, M'hammed est l'ambassadeur de l'Algérie, son porte-voix ; Marie, elle, c'est la France, le colon qui venait «nous civiliser et nous apprendre les règles de vie, hier.» On le constate effectivement tous les jours, et avec toutes ces années passées, l'Algérie et la France ne peuvent se séparer en aucune manière, mais leur amour est entaché de haine et de beaucoup de souffrances.
Vous vous êtes beaucoup appuyé sur les échanges épistolaires et le discours dans votre roman. Pourquoi ?
Le côté épistolaire du roman est capital à l'accomplissement du sens dans la mesure où les lettres, en plus du fait qu'elles dégagent beaucoup de sincérité, accentuent, à plus d'un titre, l'effet du réel et rendent aussi bien crédible qu'authentique le travail de la fiction en permettant aux personnages de créer, eux-mêmes, des petites intrigues fines et subtiles qui complètent le schéma de l'auteur. Elles sont également essentielles à partir du moment où le démiurge disparaît sans difficulté pour laisser place aux épistoliers qui deviennent maîtres de leurs destins et de leurs propos. Et quand la lettre n'intervient pas, c'est le discours qui prend sa place.
Mais dans le cas des «adieux de Noël», il y a une sorte de jeu entre l'auteur, ses personnages et le lecteur. Le dispositif romanesque est donc très variable, fragile et solide à la fois, et chaque fois que la lettre intervient, elle m'invite à partir pour mettre le lecteur à ma place. Elle l'appelle, l'interpelle, pour que celui-ci participe avec l'épistolier à la construction du sens. C'est en ce sens que le roman est polyphonique. Parfois, le lecteur est subjectif malgré lui, d'autres fois, il est tout à fait d'accord avec «son ami le personnage», et généralement le lien entre eux est direct ; c'est tout ce qui m'intéresse dans mon statut d'auteur du texte. Le fait de permettre au lecteur de s'immiscer dans l'intimité des personnages — qu'il considère souvent comme réels— et de faire (ou défaire) , à chaque phrase parcourue, le sens à sa guise et comme il l'entend individuellement et le plus librement possible, est pour moi toute la beauté de la littérature. Le lecteur écrit, finalement, avec moi et avec les personnages, le texte, et chaque lecteur l'écrit à sa manière dans la mesure où je considère qu'il n'est aucun texte littéraire achevé, et moins encore figé. J'entends par roman, histoire ou récit, par texte littéraire tout court, une société de mots organisée plus ou moins comme la nôtre. Comme les hommes, les mots sont à mon avis vivants à leur manière : ils s'affrontent, s'entrechoquent, s'entre-déchirent, et, enfin, se font la guerre. Le roman, c'est enfin, l'arène des combats les plus virulents, c'est la cour où chaque mot défend son plaidoyer avec élégance et beaucoup de résilience. Tout cela s'applique on ne peut mieux à l'histoire de M'hammed et de Marie, «Les adieux du Noël».
Pourquoi n'avez-vous pas participé au Salon international du livre d'Alger ?
J'aurais vraiment souhaité être présent au SILA, mais mon roman n'ayant pas été disponible en Algérie et tout un concours de circonstances sont bien les raisons qui ne m'ont pas permis de participer. Je suis, en effet, entré en contact avec les éditeurs algériens très tardivement ; par ailleurs, plusieurs d'entre eux veulent «Les adieux de Noël» et j'attends de recevoir leurs réponses dans les jours à venir. Cela est très important pour moi car, et c'est plus qu'une certitude, le lectorat algérien est le public qui m'intéresse le plus, celui pour qui et avec qui ce roman est écrit. J'ose donc espérer pouvoir rendre le livre disponible auprès de tous mes compatriotes, c'est tout ce qu'il m'est possible de rêver en ce moment, en attendant d'achever le deuxième.
Est-il facile pour un Algérien d'écrire en France ? Est-il bien accueilli ?
Facile, non, point du tout. C'est un exercice très ardu car l'Algérien peut accaparer la langue française autant que possible, il peut la savoir de bout en bout (rires)… Nous avons des repères culturels différents, des paramètres sociaux tout à fait dissemblables — pour ne pas dire opposés — et cela nous rend l'écriture, à nous Algériens, très difficile. En outre, chose à ne pas négliger, même si le lecteur français est beaucoup moins exigeant que celui algérien, l'auteur algérien est sans cesse éprouvé par des appréhensions et des incertitudes vis-à-vis de la langue étrangère. Il rencontre très souvent des problèmes de translation, il a plusieurs fois recours au dictionnaire en dépit de la maîtrise de la langue. Mais cela me semble très logique : nous sommes étrangers à la langue française, et la langue française est étrangère aux Algériens, sans que cela remette en cause nos capacités rédactionnelles, bien sûr.
Quant au second volet de la question, je ne pense pas, très sincèrement, que l'écriture algérienne (maghrébine ou africaine de façon générale) soit toujours très bien accueillie en France. Le nom de l'écrivain est généralement mal vu, et son origine, avec tout ce qu'elle suggère au lecteur français comme toutes sortes d'idées préconçues, de gênes et tutti quanti, ne soutiennent pas son dévouement. Il nous est donc fait obligation d'y mettre beaucoup de volonté et de détermination.
Par ailleurs, ces faux obstacles, fussent-ils insurmontables, n'ont pas enlevé le prix Goncourt à Tahar Ben Jelloun ni à Amin Maalouf. Je pense enfin que la littérature n'est autre que le pouvoir de la plume quand elle est écrite, la magie de la parole quand elle est parlée ou dite, et cela n'a aucune origine. «Elle a l'aptitude de rendre les choses absentes», disait Maurice Blanchot, mais elle peut les rendre plus présentes et vivantes tout autant, et c'est en cela qu'elle peut dénoncer ou revendiquer. Quand on perçoit la littérature, de la sorte, dans toute sa beauté, on dépasse sans doute les obstacles, d'autant que le livre est peut-être la seule chose qui ne connaisse aucune frontière : il traverse les espaces comme les millénaires.
Pour conclure en quelques mots, pouvez-vous nous parler de votre prochain roman ?
Le premier rencontre de plus en plus de succès en France, et j'espère le mettre entre les mains du lecteur algérien le plus diligemment possible. Quant au deuxième, il se tourne vers l'écologie, un problème qui s'impose de plus en plus.
Loin d'être une thèse scientifique ou une étude, celui-ci donne une voix et une vie à la planète, il la pourvoit de tous les sens de l'homme. C'est finalement, la Terre qui souffre avant l'homme, et mon idée veut que la Terre accuse l'homme et lui reproche tous ses malheurs ; elle va ainsi instruire son procès le long de plus de 200 pages accablantes sans le ménager.


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