La paupérisation se généralise-elle en Algérie ? A la lumière des résultats des enquêtes réalisées sur les dépenses et le pouvoir d'achat, nous sommes tentés de répondre par l'affirmatif. Entre légumes secs, lait et pain, le couffin de l'Algérien ne semble pas avoir de la place pour les autres denrées alimentaires, ironisent des citoyens. Devant la flambée des prix des produits de large consommation, comment l'Algérien arrive-t-il à faire face aux multiples dépenses ? La paupérisation se généralise-elle en Algérie ? A la lumière des résultats des enquêtes réalisées sur les dépenses et le pouvoir d'achat, nous sommes tentés de répondre par l'affirmatif. Entre légumes secs, lait et pain, le couffin de l'Algérien ne semble pas avoir de la place pour les autres denrées alimentaires, ironisent des citoyens. Devant la flambée des prix des produits de large consommation, comment l'Algérien arrive-t-il à faire face aux multiples dépenses ? Selon des statistiques officielles, de 1995 à 2006, le taux de pauvreté en Algérie est passé de 22 à 17%. Le niveau de vie, note-t-on, a connu une nette amélioration, au cours de ces dernières années. Mais, encore une fois, la réalité du terrain dément le monde des idées. «Il est très difficile de faire face aux dépenses quotidiennes (électricité, eau et loyer) avec une paie qui ne dépasse pas 18.000 dinars. Je suis marié et père de 4 enfants. Ma femme ne travaille pas», confie Lyazid, technicien supérieur de la santé. Tout en affirmant que sa paie ne lui permet pas de subvenir convenablement aux besoins croissants de sa famille, il a toutefois reconnu qu'il est mieux loti que d'autres. Rencontrée au marché Ali Melah, situé dans la commune de Sidi M'hamed, Mme Zoubida a soupiré avant de répondre à notre question. «Nous vivons un temps difficile. Subvenir aux besoins de sa famille est devenu la grande préoccupation. Les prix des produits de large consommation ont connu une augmentation vertigineuse. Les produits laitiers, la viande et le poulet sont devenus des produits de luxe pour la bourse moyenne (...). Nous sommes devenus conditionnés par le téléphone portable. Vieux, jeune, travailleur ou chômeur, tout le monde en possède. Il est devenu indispensable dans notre vie. Mais, ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est qu'il constitue aussi une autre dépense, mais pas des moindres», dit-elle. Notre interlocutrice estime que ce changement dans le comportement des citoyens est lié directement au passage de l'Algérie du socialisme au capitalisme. Un passage qui ne s'est pas opéré sans conséquences négatives sur les individus, notamment ceux de revenus modestes. «L'Algérien ne mange plus à sa faim et il ne mange plus varié. Pâtes, pommes de terre et légumes secs constituent l'essentiel de son couffin. L'entraide et la solidarité sociale entre les membres de la même famille ont disparu. Cette situation explique en partie l'augmentation des pauvres en Algérie», poursuit une autre dame. Enseignant, Noureddine, père de deux enfants, estime qu'il ne sert absolument à rien d'augmenter les salaires, si les prix des produits de première nécessité ne sont pas stables. «Les salaires actuels ne peuvent garantir que le minimum des besoins. Ce sont des salaires de subsistance. Ils ne peuvent subvenir qu'aux produits de première nécessité et de base. Le reste, qui dépasse les produits de première nécessité, est relégué au second plan. L'accès au confort, achat de voiture, vie culturelle, loisirs et détente, est lié directement à des revenus parallèles, soit une aide familiale ou une pension pour certains», souligne-t-il. Et de commenter : «Nous sommes deux à travailler, ma femme et moi, et nous bouclons difficilement le mois. La facture de la bouffe avale le plus gros de nos dépenses. Et ne croyez surtout pas que nous ne mangeons que de la viande!» Les carnets de crédit, monnaie courante «Nos voisins ont acheté une bûche, du chocolat et de la dinde pour fêter le réveillon. Chez-nous, on s'est contenté des frites. Mon père n'a pas d'argent pour nous acheter du poulet. Après le dîner, je me suis endormi. Je pense qu'il n'y a pas de raison d'assister à cet événement, car rien ne va changer. L'année 2008 sera certainement semblable à ses précédentes.» Ces propos sortent de la bouche d'un enfant de dix ans. Un enfant qui parle déjà du désespoir et de malvie. Cette famille, comme des milliers d'autres, vit dans la misère et la pauvreté. Elle est composée de neuf membres, six enfants, le père, la mère et la grand-mère. Omar, le père, est le seul à travailler pour les nourrir. Son salaire ne dépasse pas les 15.000 dinars et il trouve d'immenses difficultés à boucler les fins du mois. Il ne ménage aucun effort pour subvenir aux besoins de ses enfants. Ses enfants sont encore à l'école. Les frais de scolarisation augmentent d'année en année, mais Ammi Omar ne veut pas que sa progéniture quitte les bancs de l'école. «C'est vrai qu'on mange juste pour ne pas mourir et on s'habille avec du moins cher sur le marché, mais je tiens à ce que mes enfants soient instruits. Cela leur assurera un avenir», lâche-t-il. La famille de A. B. est aussi déshéritée. Dix enfants, une mère malade et un père désarmé. Il a perdu son poste de travail, après la fermeture de l'entreprise où il a travaillé durant 25 ans. Son fils aîné, Karim, âgé de 29, a pris la relève. Désormais, c'est à lui de subvenir aux besoins de la famille. «Je ne sais vraiment pas sur quel pied danser. Entre la nourriture, les médicaments et les frais scolaires, je me perds. Je n'ai pas un travail stable. Je vends des cigarettes. Notre situation financière est très délicate», nous dit-il. En dépit de toutes ces difficultés, Hocine ne se plaint pas et prend son mal en patience. La pauvreté est apparante, mais ne se discute pas. Faute de moyens financiers suffisants, des familles se procurent leurs provisions alimentaires par crédits. Les carnets sont devenus une pratique courante dans certains quartiers populaires de la capitale. «90% de mes clients ne payent pas leurs achats dans l'immédiat. Je sais que la cherté de la vie impose cette situation. Ils n'ont pas de quoi payer leur lait et leur pain. Les achats se limitent généralement à ces deux produits élémentaires, en plus de la pomme de terre et des légumes secs (pois chiches, lentilles et haricots blancs). Une ardoise qui dépasse, parfois, les 20.000 DA. Certains ne payent pas pendant plusieurs mois, ce qui se répercute négativement sur mon travail. Parfois, je ne trouve pas de quoi approvisionner mon magasin, parce que la majorité de mes clients n'honorent pas leur crédit. A ce rythme, je risque de déclarer faillite et fermer mon commerce», déclare un propriétaire d'alimentation générale. 56% des ménages ne consomment pas de viande Les dispositifs de la protection sociale à travers notamment le «filet social», mis en place en 1992, ont tous montré leurs limites quant à la capacité à contenir le phénomène de la pauvreté. Qu'il s'agisse de l'indemnité aux catégories sociales sans revenu (ICSR) instituée en 1992, de l'indemnité d'activité d'intérêt général (IAIG) ou encore de l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS) instaurées en 1994, tous les dispositifs de soutien aux revenus des catégories sociales vulnérables ont connu des limites imposées par la modicité des montants financiers alloués aux ménages. Ainsi, selon une étude, réalisée sur la base des données de l'enquête menée par l'ONS, la baisse, en termes réels du pouvoir d'achat et des revenus salariaux, tourne autour de 45%. Conséquences : les dépenses de consommation des ménages ont rétréci de manière brutale. Les dépenses de consommation se caractérisent, en outre, par leur caractère inégalitaire dans la mesure où, 10% des ménages les plus pauvres de la population consomment l'équivalent monétaire du dixième de ce que consomment les 10% les plus riches. La réduction des fréquences de consommation traduit la tendance à la réduction des achats de produits. Selon les résultats de cette enquête, 42% de la population interrogée affirme avoir diminué ses achats d'aliments et 14% des personnes enquêtées déclare ne plus effectuer d'achats pour certains produits. Ainsi, plus d'un ménage sur deux (56%) déclare avoir soit restreint ses achats, soit renoncé à l'achat de certains produits tels que la viande, les fruits et l'huile. Ce constat est également conforté par l'étude «filet social» CENEAP, qui révèle que 67% des bénéficiaires du filet social consacrent la totalité de leurs indemnités aux dépenses alimentaires, 70% des personnes âgées dépensent leur allocation en alimentation. Ces structures éclairent sur la faiblesse des allocations, le renchérissement de l'alimentation et les difficultés d'accès à une ration alimentaire équilibrée. Selon des statistiques officielles, de 1995 à 2006, le taux de pauvreté en Algérie est passé de 22 à 17%. Le niveau de vie, note-t-on, a connu une nette amélioration, au cours de ces dernières années. Mais, encore une fois, la réalité du terrain dément le monde des idées. «Il est très difficile de faire face aux dépenses quotidiennes (électricité, eau et loyer) avec une paie qui ne dépasse pas 18.000 dinars. Je suis marié et père de 4 enfants. Ma femme ne travaille pas», confie Lyazid, technicien supérieur de la santé. Tout en affirmant que sa paie ne lui permet pas de subvenir convenablement aux besoins croissants de sa famille, il a toutefois reconnu qu'il est mieux loti que d'autres. Rencontrée au marché Ali Melah, situé dans la commune de Sidi M'hamed, Mme Zoubida a soupiré avant de répondre à notre question. «Nous vivons un temps difficile. Subvenir aux besoins de sa famille est devenu la grande préoccupation. Les prix des produits de large consommation ont connu une augmentation vertigineuse. Les produits laitiers, la viande et le poulet sont devenus des produits de luxe pour la bourse moyenne (...). Nous sommes devenus conditionnés par le téléphone portable. Vieux, jeune, travailleur ou chômeur, tout le monde en possède. Il est devenu indispensable dans notre vie. Mais, ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est qu'il constitue aussi une autre dépense, mais pas des moindres», dit-elle. Notre interlocutrice estime que ce changement dans le comportement des citoyens est lié directement au passage de l'Algérie du socialisme au capitalisme. Un passage qui ne s'est pas opéré sans conséquences négatives sur les individus, notamment ceux de revenus modestes. «L'Algérien ne mange plus à sa faim et il ne mange plus varié. Pâtes, pommes de terre et légumes secs constituent l'essentiel de son couffin. L'entraide et la solidarité sociale entre les membres de la même famille ont disparu. Cette situation explique en partie l'augmentation des pauvres en Algérie», poursuit une autre dame. Enseignant, Noureddine, père de deux enfants, estime qu'il ne sert absolument à rien d'augmenter les salaires, si les prix des produits de première nécessité ne sont pas stables. «Les salaires actuels ne peuvent garantir que le minimum des besoins. Ce sont des salaires de subsistance. Ils ne peuvent subvenir qu'aux produits de première nécessité et de base. Le reste, qui dépasse les produits de première nécessité, est relégué au second plan. L'accès au confort, achat de voiture, vie culturelle, loisirs et détente, est lié directement à des revenus parallèles, soit une aide familiale ou une pension pour certains», souligne-t-il. Et de commenter : «Nous sommes deux à travailler, ma femme et moi, et nous bouclons difficilement le mois. La facture de la bouffe avale le plus gros de nos dépenses. Et ne croyez surtout pas que nous ne mangeons que de la viande!» Les carnets de crédit, monnaie courante «Nos voisins ont acheté une bûche, du chocolat et de la dinde pour fêter le réveillon. Chez-nous, on s'est contenté des frites. Mon père n'a pas d'argent pour nous acheter du poulet. Après le dîner, je me suis endormi. Je pense qu'il n'y a pas de raison d'assister à cet événement, car rien ne va changer. L'année 2008 sera certainement semblable à ses précédentes.» Ces propos sortent de la bouche d'un enfant de dix ans. Un enfant qui parle déjà du désespoir et de malvie. Cette famille, comme des milliers d'autres, vit dans la misère et la pauvreté. Elle est composée de neuf membres, six enfants, le père, la mère et la grand-mère. Omar, le père, est le seul à travailler pour les nourrir. Son salaire ne dépasse pas les 15.000 dinars et il trouve d'immenses difficultés à boucler les fins du mois. Il ne ménage aucun effort pour subvenir aux besoins de ses enfants. Ses enfants sont encore à l'école. Les frais de scolarisation augmentent d'année en année, mais Ammi Omar ne veut pas que sa progéniture quitte les bancs de l'école. «C'est vrai qu'on mange juste pour ne pas mourir et on s'habille avec du moins cher sur le marché, mais je tiens à ce que mes enfants soient instruits. Cela leur assurera un avenir», lâche-t-il. La famille de A. B. est aussi déshéritée. Dix enfants, une mère malade et un père désarmé. Il a perdu son poste de travail, après la fermeture de l'entreprise où il a travaillé durant 25 ans. Son fils aîné, Karim, âgé de 29, a pris la relève. Désormais, c'est à lui de subvenir aux besoins de la famille. «Je ne sais vraiment pas sur quel pied danser. Entre la nourriture, les médicaments et les frais scolaires, je me perds. Je n'ai pas un travail stable. Je vends des cigarettes. Notre situation financière est très délicate», nous dit-il. En dépit de toutes ces difficultés, Hocine ne se plaint pas et prend son mal en patience. La pauvreté est apparante, mais ne se discute pas. Faute de moyens financiers suffisants, des familles se procurent leurs provisions alimentaires par crédits. Les carnets sont devenus une pratique courante dans certains quartiers populaires de la capitale. «90% de mes clients ne payent pas leurs achats dans l'immédiat. Je sais que la cherté de la vie impose cette situation. Ils n'ont pas de quoi payer leur lait et leur pain. Les achats se limitent généralement à ces deux produits élémentaires, en plus de la pomme de terre et des légumes secs (pois chiches, lentilles et haricots blancs). Une ardoise qui dépasse, parfois, les 20.000 DA. Certains ne payent pas pendant plusieurs mois, ce qui se répercute négativement sur mon travail. Parfois, je ne trouve pas de quoi approvisionner mon magasin, parce que la majorité de mes clients n'honorent pas leur crédit. A ce rythme, je risque de déclarer faillite et fermer mon commerce», déclare un propriétaire d'alimentation générale. 56% des ménages ne consomment pas de viande Les dispositifs de la protection sociale à travers notamment le «filet social», mis en place en 1992, ont tous montré leurs limites quant à la capacité à contenir le phénomène de la pauvreté. Qu'il s'agisse de l'indemnité aux catégories sociales sans revenu (ICSR) instituée en 1992, de l'indemnité d'activité d'intérêt général (IAIG) ou encore de l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS) instaurées en 1994, tous les dispositifs de soutien aux revenus des catégories sociales vulnérables ont connu des limites imposées par la modicité des montants financiers alloués aux ménages. Ainsi, selon une étude, réalisée sur la base des données de l'enquête menée par l'ONS, la baisse, en termes réels du pouvoir d'achat et des revenus salariaux, tourne autour de 45%. Conséquences : les dépenses de consommation des ménages ont rétréci de manière brutale. Les dépenses de consommation se caractérisent, en outre, par leur caractère inégalitaire dans la mesure où, 10% des ménages les plus pauvres de la population consomment l'équivalent monétaire du dixième de ce que consomment les 10% les plus riches. La réduction des fréquences de consommation traduit la tendance à la réduction des achats de produits. Selon les résultats de cette enquête, 42% de la population interrogée affirme avoir diminué ses achats d'aliments et 14% des personnes enquêtées déclare ne plus effectuer d'achats pour certains produits. Ainsi, plus d'un ménage sur deux (56%) déclare avoir soit restreint ses achats, soit renoncé à l'achat de certains produits tels que la viande, les fruits et l'huile. Ce constat est également conforté par l'étude «filet social» CENEAP, qui révèle que 67% des bénéficiaires du filet social consacrent la totalité de leurs indemnités aux dépenses alimentaires, 70% des personnes âgées dépensent leur allocation en alimentation. Ces structures éclairent sur la faiblesse des allocations, le renchérissement de l'alimentation et les difficultés d'accès à une ration alimentaire équilibrée.