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Le paradoxe grandeur nature
Oran
Publié dans Le Midi Libre le 18 - 03 - 2008

C'est le même réceptionniste de l'hôtel qui vous souhaite la bienvenue dans la cité du bonheur et de la quiétude qui vous recommandera de regagner votre chambre à la première heure de la nuit parce que dehors, tous les périls vous guettent et qu'il n'y a pas grand-chose à faire.
C'est le même réceptionniste de l'hôtel qui vous souhaite la bienvenue dans la cité du bonheur et de la quiétude qui vous recommandera de regagner votre chambre à la première heure de la nuit parce que dehors, tous les périls vous guettent et qu'il n'y a pas grand-chose à faire.
Oran ne changera décidément pas. La ville traîne derrière elle d'indécrottables illusions contre lesquelles la réalité, pourtant bien problématique, avoue souvent son impuissance. Un peu par miracle, le bonheur mythique parvient encore à masquer une misère rampante que la pudeur, à moins que ce ne soit une certaine exubérance dans la conjuration, relègue au rang de belle plaisanterie. Alors, transcendant une vieille rivalité qui aurait voulu qu'ils n'ont rien à demander aux Algérois, les Oranais troquent volontiers l'honneur mal placé contre un réalisme bien venu pour dire aussi bien que ne le font les jeunes de Bab El Oued: «Nous n'avons rien et nous ne manquons de rien». Oran a encore de beaux restes bien sûr et ses enfants s'en accommodent, faute de mieux. D'abord pour suggérer aux autres que s'«ils ne demandent rien», c'est qu'ils ont quand même quelque chose, ensuite, pour se convaincre eux-mêmes que les lendemains qui chantent sont encore possibles. Oran est un paradoxe grandeur nature. C'est le même réceptionniste de l'hôtel qui vous souhaite la bienvenue dans la cité du bonheur et de la quiétude qui vous recommandera de regagner votre chambre à la première heure de la nuit parce que dehors, tous les périls vous guettent et qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Si l'insécurité est désormais sur toutes les bouches des Oranais, blasés et mortellement nostalgiques, il n'est pas difficile de vérifier une certaine exagération dans le propos. La ville n'est pas un havre de paix, mais ce n'est pas non plus un coupe-gorge aux dimensions de la cité. Ne vous avisez surtout pas de stigmatiser un quartier particulier et lui jeter l'opprobre. Oran a horreur des clichés faciles, surtout lorsqu'ils en viennent à accentuer la détresse d'un espace comme Sidi El Houari, jaloux de son patrimoine et soucieux d'offrir d'autres repères que celui des pestiférés. Ce ne sont pourtant pas les raisons qui manquent pour expliquer la marginalité et l'exclusion sociale, la matrice la plus féconde de la délinquance. Kada sait de quoi il parle quand il évoque la situation des jeunes des quartiers défavorisés. «Nous n'avons ni des connaissances bien placées ni les moyens de donner la tchipa. Et ce sont les deux seuls moyens de s'en sortir à Oran.» Kada a la colère tranquille, de ces colères trop profondes pour être soulagées dans de vains coups de gueule, trop vitales pour être apaisées ailleurs que dans la dignité oranaise. Kada nous montre son gagne-pain, une vieille Golf rongée par la rouille. «Elle a le même âge que moi», plaisante-il, de bon cœur, «je l'ai prise à un garagiste qui croyait me faire travailler gratuitement. Ah, j'ai oublié de vous le dire, j'ai un diplôme de mécanique, mais pour ce que ça m'a apporté…» Kada lève la tête et dirige le regard vers les hauteurs. On ne lui demandera pas si c'est Dieu ou Santa Cruz qu'il voulait prendre à témoin.
Passe d'arme sur la Place d'Armes
Oran sort de deux journées glaciales et ce matin promettait un soleil d'hiver devenu une seconde nature par la grâce d'une mutation climatique qui continue à inquiéter sans étonner outre mesure. La Place d'Armes a encore convoqué ses permanents, ses pigistes et ses accidentels. Les pigeons ne sont pas là, peut être parce que le cœur n'y est plus, mais surtout parce que les généreuses mains ridées qui les nourrissaient jadis ne sont plus de ce monde. Le pain rassis, lui, prend d'autres destinations et se découvre une autre vocation. «La baguette sèche se quémande maintenant par le procédé du porte-à-porte avant d'être proposée aux éleveurs de bétail et de volaille contre de la menue monnaie.Elle a même ses grossistes qui récupèrent le butin d'une armée d'enfants et de vieilles qui font le tour des ménages, avant de revendre le tout au kilo», nous confie Mourad, d'une association à caractère sociale pour qui «seule la pudeur atténue l'ampleur de la pauvreté». Le marché de la Bastille, au cœur d'Oran, a perdu quelques couleurs tout en en «gagnant» une dont il se serait passé volontiers. La boue s'est invitée dans cette longiligne allée marchande. Si l'exiguïté est une marque de fabrique en ces lieux dont elle constitue même le charme secret, la mélasse, elle, pousse à son paroxysme l'angoisse du couffin vide. Par miracle, on y trouve encore des choux de Bruxelles et des artichauts rouges, mais ce ne sont plus les petites gâteries qui font le bonheur de la ménagère oranaise plutôt attentive à l'évolution des prix de la patate et de la tomate. La viande et le poisson ont rejoint, depuis longtemps déjà, l'école du surréalisme. La Bastille est un baromètre social et en ces temps-ci, ses indications refroidissent jusqu'au gel les palpitations joyeuses dont les lieux sont encore fertiles. Un peu plus loin, la rue Marcel Cerdan, orpheline de son bitume et de ses petites échoppes d'artisans emportés par la récession et la négligence, offre une image de désolation. Entre deux immeubles lépreux se dresse une baraque faite de bric et de broc qui attire la curiosité du passant étranger au quartier. Ce sont des familles restées sans toit depuis le dernier tremblement de terre dont le jeune homme qui nous renseigne ne se rappelle même pas la date. Une jeune fille, belle et pudique, soulève un pan de toile pour y rentrer après avoir jeté un regard humide sur l'emblème national qui surplombe le bric et le broc. Tout un programme.
Oran ne changera décidément pas. La ville traîne derrière elle d'indécrottables illusions contre lesquelles la réalité, pourtant bien problématique, avoue souvent son impuissance. Un peu par miracle, le bonheur mythique parvient encore à masquer une misère rampante que la pudeur, à moins que ce ne soit une certaine exubérance dans la conjuration, relègue au rang de belle plaisanterie. Alors, transcendant une vieille rivalité qui aurait voulu qu'ils n'ont rien à demander aux Algérois, les Oranais troquent volontiers l'honneur mal placé contre un réalisme bien venu pour dire aussi bien que ne le font les jeunes de Bab El Oued: «Nous n'avons rien et nous ne manquons de rien». Oran a encore de beaux restes bien sûr et ses enfants s'en accommodent, faute de mieux. D'abord pour suggérer aux autres que s'«ils ne demandent rien», c'est qu'ils ont quand même quelque chose, ensuite, pour se convaincre eux-mêmes que les lendemains qui chantent sont encore possibles. Oran est un paradoxe grandeur nature. C'est le même réceptionniste de l'hôtel qui vous souhaite la bienvenue dans la cité du bonheur et de la quiétude qui vous recommandera de regagner votre chambre à la première heure de la nuit parce que dehors, tous les périls vous guettent et qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Si l'insécurité est désormais sur toutes les bouches des Oranais, blasés et mortellement nostalgiques, il n'est pas difficile de vérifier une certaine exagération dans le propos. La ville n'est pas un havre de paix, mais ce n'est pas non plus un coupe-gorge aux dimensions de la cité. Ne vous avisez surtout pas de stigmatiser un quartier particulier et lui jeter l'opprobre. Oran a horreur des clichés faciles, surtout lorsqu'ils en viennent à accentuer la détresse d'un espace comme Sidi El Houari, jaloux de son patrimoine et soucieux d'offrir d'autres repères que celui des pestiférés. Ce ne sont pourtant pas les raisons qui manquent pour expliquer la marginalité et l'exclusion sociale, la matrice la plus féconde de la délinquance. Kada sait de quoi il parle quand il évoque la situation des jeunes des quartiers défavorisés. «Nous n'avons ni des connaissances bien placées ni les moyens de donner la tchipa. Et ce sont les deux seuls moyens de s'en sortir à Oran.» Kada a la colère tranquille, de ces colères trop profondes pour être soulagées dans de vains coups de gueule, trop vitales pour être apaisées ailleurs que dans la dignité oranaise. Kada nous montre son gagne-pain, une vieille Golf rongée par la rouille. «Elle a le même âge que moi», plaisante-il, de bon cœur, «je l'ai prise à un garagiste qui croyait me faire travailler gratuitement. Ah, j'ai oublié de vous le dire, j'ai un diplôme de mécanique, mais pour ce que ça m'a apporté…» Kada lève la tête et dirige le regard vers les hauteurs. On ne lui demandera pas si c'est Dieu ou Santa Cruz qu'il voulait prendre à témoin.
Passe d'arme sur la Place d'Armes
Oran sort de deux journées glaciales et ce matin promettait un soleil d'hiver devenu une seconde nature par la grâce d'une mutation climatique qui continue à inquiéter sans étonner outre mesure. La Place d'Armes a encore convoqué ses permanents, ses pigistes et ses accidentels. Les pigeons ne sont pas là, peut être parce que le cœur n'y est plus, mais surtout parce que les généreuses mains ridées qui les nourrissaient jadis ne sont plus de ce monde. Le pain rassis, lui, prend d'autres destinations et se découvre une autre vocation. «La baguette sèche se quémande maintenant par le procédé du porte-à-porte avant d'être proposée aux éleveurs de bétail et de volaille contre de la menue monnaie.Elle a même ses grossistes qui récupèrent le butin d'une armée d'enfants et de vieilles qui font le tour des ménages, avant de revendre le tout au kilo», nous confie Mourad, d'une association à caractère sociale pour qui «seule la pudeur atténue l'ampleur de la pauvreté». Le marché de la Bastille, au cœur d'Oran, a perdu quelques couleurs tout en en «gagnant» une dont il se serait passé volontiers. La boue s'est invitée dans cette longiligne allée marchande. Si l'exiguïté est une marque de fabrique en ces lieux dont elle constitue même le charme secret, la mélasse, elle, pousse à son paroxysme l'angoisse du couffin vide. Par miracle, on y trouve encore des choux de Bruxelles et des artichauts rouges, mais ce ne sont plus les petites gâteries qui font le bonheur de la ménagère oranaise plutôt attentive à l'évolution des prix de la patate et de la tomate. La viande et le poisson ont rejoint, depuis longtemps déjà, l'école du surréalisme. La Bastille est un baromètre social et en ces temps-ci, ses indications refroidissent jusqu'au gel les palpitations joyeuses dont les lieux sont encore fertiles. Un peu plus loin, la rue Marcel Cerdan, orpheline de son bitume et de ses petites échoppes d'artisans emportés par la récession et la négligence, offre une image de désolation. Entre deux immeubles lépreux se dresse une baraque faite de bric et de broc qui attire la curiosité du passant étranger au quartier. Ce sont des familles restées sans toit depuis le dernier tremblement de terre dont le jeune homme qui nous renseigne ne se rappelle même pas la date. Une jeune fille, belle et pudique, soulève un pan de toile pour y rentrer après avoir jeté un regard humide sur l'emblème national qui surplombe le bric et le broc. Tout un programme.


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