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Fetta Tacennayt ou le cri d'une femme soumise
Parcours d'une Algérienne battante
Publié dans Le Midi Libre le 24 - 03 - 2008

L'histoire qui va suivre est le récit d'une bataille, d'une lutte féroce contre la condition misérable dans laquelle subsiste la femme dans notre société, d'une souffrance terrible, d'une douleur physique et morale atroce et d'une belle réussite. C'est aussi l'histoire d'une femme exceptionnelle, courageuse, qui a su surpasser les obstacles rencontrés depuis son jeune âge et tout au long de sa vie et qui a fini par trouver la force de se relever malgré les coups du sort qu'elle a vécus.
L'histoire qui va suivre est le récit d'une bataille, d'une lutte féroce contre la condition misérable dans laquelle subsiste la femme dans notre société, d'une souffrance terrible, d'une douleur physique et morale atroce et d'une belle réussite. C'est aussi l'histoire d'une femme exceptionnelle, courageuse, qui a su surpasser les obstacles rencontrés depuis son jeune âge et tout au long de sa vie et qui a fini par trouver la force de se relever malgré les coups du sort qu'elle a vécus.
Fetta Tacennayt est une femme algérienne qui trimballe avec elle un parcours émouvant que son regard marron profond, chargé de douleur et de peine malgré la réussite qu'elle a réalisée aujourd'hui, ne parvient à dissimuler. Native d'un village de la Grande Kabylie, dans la commune de Tikoubine, cette femme, aujourd'hui artiste, nous a livré son parcours de battante dans une société régie par l'injustice, le machisme et la violence. Un vrai parcours du combattant d'une femme qui, longtemps, a lutté pour briser les murs de sa prison, une geôle dans laquelle elle a demeuré des années durant.
Mme Fetta, qui a préféré taire son vrai nom, a désiré nous faire part de son vécu douloureux. Son unique objectif, dit-elle, est de porter le cri de détresse des femmes victimes de violences, exposées à l'ignorance de leurs droits et soumises à la volonté et au machisme du patriarcat.
Comment la décrire ? Une personne combative et dynamique, solide, dotée d'un fort caractère et surtout d'une capacité d'endurance jusqu'ici incomparable. Alors que toutes les conditions dans lesquelles cette femme a évolué étaient contre sa percée, sa force singulière ne l'a pas empêchée de sortir du cachot dans lequel l'a enfermé un contexte traditionaliste et rigoriste pour pénétrer dans le monde artistique et chanter l'amour, le bonheur et la beauté.
le calvaire d'une fille
Ce bout de femme, brune, rondelette, au sourire tendre et au regard profond n'est-elle pas l'exemple vivant de la femme courageuse, battante et déterminée à changer sa condition contre les ennemis du changement, de l'évolution et des partisans de la violence comme unique voie de communication ?
Le parcours de Fetta commence par une enfance traumatisante auprès d'un père alcoolique, brutal qui, lors de ses accès colériques, s'acharnait contre sa femme et sa progéniture.
Empêchée de fréquenter l'école et livrée à l'ignorance, la petite se retrouva engagée, dès son jeune âge, dans les lourdes corvées ménagères et les tâches rudes de la campagne. A 12 ans, la jeunette qui ignorait tout de la vie, fut mariée de force à un homme plus âgé et de surcroît handicapé, ce qui la traumatisa davantage.
«Je n'avais point d'idées sur la vie d'un couple et encore moins sur les rapports qui pouvaient exister entre un homme et une femme. Mon mariage fut arrangé par mon père et j'étais, bien entendu, la dernière à prendre part de la nouvelle. Assommée par une telle réalité, mes pleurs et mes cris ne dissuadèrent point mon père et encore moins mon mari qui réclama, la nuit, son droit légitime de la manière la plus brutale. Les larmes étaient mon unique refuge. Dégoûtée de la sexualité, je refusais que mon époux s'approche de moi. Chose que sa virilité d'homme n'a pas supportée. Pendant trois mois, maltraitée par un homme que je haïssais, je me réfugiais dans la douleur. Un jour, j'ai menacé mes parents de mettre fin à mon existence si je continuais à vivre auprès de cet homme et j'ai fini par le quitter. Mon divorce ne fut prononcé que deux ans après. De retour dans la demeure familiale, je pensais enfin trouver la paix. Malheureusement, ma famille ne tarda pas à revenir à la charge en m'imposant encore une fois une union qui n'annonçait rien de bon. Le prétendant n'était autre que mon cousin que je considérais d'ailleurs comme un frère. Une seconde étape de ma vie, encore plus sombre que la précédente s'annonçait, je le savais», confie notre interlocutrice.
Cette fois, les sévices de Fetta allaient crescendo auprès d'un conjoint alcoolique, insensible, et brutal. Sa conception rétrograde de la femme n'accordait à cette dernière aucun droit. Son rôle était encore limité à la procréation et au ménage. Les grossesses successives de la jeune femme n'ont pas atténué les agissements barbares d'un mâle acharné et brusque.
«Six gosses furent le fruit d'une union imposée au cours de laquelle je n'ai jamais connu la paix. J'étais tout sauf un être humain considéré dignement. Croyez-moi, j'ai vu de toutes les couleurs auprès de mon ex-mari et personne de ma famille n'a osé lever le petit doigt pour me défendre. J'étais le souffre-douleur de tous. Je souffrais en silence et j'implorais le bon Dieu d'apaiser le calvaire que je subissais au quotidien, mais les brutalités de mon compagnon s'amplifiaient.
Un jour, atteinte d'une hernie discale, j'ai été hospitalisée pour subir une délicate intervention chirurgicale. Peu de temps après mon intervention, de retour à la maison alors que j'étais encore en période de convalescence, je fus battue à mort par mon mari. Cette fois, j'ai failli y passer. Le cou dans le plâtre, je ne pouvais plus revenir, car je risquais réellement la mort.
J'ai décidé alors de le quitter définitivement et d'affronter, seule, mon contexte. En rentrant de l'hôpital, une terrible nouvelle m'attendait, mon mari mariait mon fils aîné sans même me tenir au courant. Prisonnière de mon lit, immobilisée par mon plâtre, je voulais crier ma rage, mon désespoir et ma colère. Cette nouvelle était, à elle seule, suffisante pour me pousser à me révolter contre ma condition de femme victime de violence. J'avais ras-le-bol et je devais réagir. J'ai essuyé mes malheurs, affronté mon mari au tribunal en demandant le divorce, j'ai renoncé à mes droits ainsi qu'à mes enfants. Je ne réclamais que la paix pour mon corps épuisé et mon âme meurtrie. J'étais décidée à changer ma vie, à faire mon destin», poursuit Fetta Tacennayt, la mine triste.
pourchassée par les idées rétrogrades
Comment cette femme victime de violence s'est libérée de son contexte pour pénétrer dans l'univers artistique ? Terrorisée des années durant par un vécu pénible, Fetta a trouvé en les mots le remède à ses blessures encore saignantes. Elle a découvert en sa voix la force d'exorciser les démons du passé et la capacité de parler au non d'une frange sociétale marginalisée.
«Dans ma solitude, mon impuissance, j'ai découvert que je pouvais écrire des textes entiers qui relataient la souffrance de la femme opprimée. Progressivement, mes textes qui dénotaient d'un pessimisme outrancier évoluaient vers des hymnes à la vie traduites par des chansons destinées à célébrer les cérémonies de mariage. Je me croyais enfin libérée, mais par malheur mon passé troublant et les idées rétrogrades de toute ma famille continuaient à me pourchasser là où j'allais. Je commençais à devenir réputée dans ma commune, lorsque je fus sujette à des menaces de mort émanant des miens qui portaient de sévères préjugés sur ma carrière artistique. J'étais offensée par tant d'inhumanité. Mon contexte était toujours là pour me pourrir la vie, mais jamais présent lorsque j'étais autrefois violentée. Pour échapper à la pression, j'ai décidé de quitter mon village natal vers d'autres cieux. Douloureuse, mais inévitable séparation. Aujourd'hui, je me retrouve déracinée à cause d'une mentalité obscurantiste qui enlève à la femme le droit à la dignité, à la liberté et à la réussite», dira sur un ton empreint de déception mêlé de colère Mme Fetta.
artiste par la force des choses
Le premier album disque de Fetta Tacennayt, une série de chansons kabyles Spécial henni pour les cérémonies de mariage, est sorti le 20 juillet dernier de la maison de disques Akbou production. L'artiste prépare dans les jours qui suivent la sortie de son deuxième opus qui regroupe des chansons du folklore kabyle. Entre autres projets, la chanteuse prépare l'édition de son autobiographie qui retracera toutes les étapes de sa vie.
Le message de Fetta à toutes les femmes algériennes exposées à la violence sous toutes ses formes est de se révolter contre leur condition de statut inférieur, briser les maillons de la chaine de silence, de dénoncer leurs bourreaux quel qu'ils soient sans aucune peur, de dire basta à l'injustice sociale... Elle tient aussi à demander pardon à ses enfants qu'elle n'a pas choisi de quitter et qui, malheureusement, ont été privés de la tendresse de leur maman. L'artiste lance un SOS et réclame l'aide de l'Etat afin de sortir de son ‘'terrier'', car jusqu'à présent elle ne peut retourner dans son village de peur d'être confrontée à la violence.
«Je veux qu'on me laisse terminer mes jours en paix, j'en ai marre de me dissimuler des regards, de vivre dans la peur, terrorisée à l'idée de pouvoir être guettée ou aperçue par un proche. Je porte, à travers votre journal, le cri de toutes les femmes victimes de violence, je réclame la protection de l'Etat. Que les slogans et les efforts sur la promotion de la condition de la femme au sein de notre contexte commencent par la protection des femmes exposées au terrorisme social. Basta à l'injustice, nous voulons du concret», clame la chanteuse, les larmes aux yeux.
Le plus grand rêve de Fetta aujourd'hui est de pouvoir enregistrer d'autres chansons qui plaident la cause de la gent féminine opprimée, résume-t-elle.
Si Fetta Tacennayt a trouvé la force dans son malheur et est sortie de la prison de la violence, nombreuses sont celles qui subsistent encore dans leur retraite, incapables de défendre leur droit et exposées aux diverses formes de barbarie. Pour toutes ces femmes anéanties qui représentent l'autre visage de l'Algérie, elles doivent toutes s'unir, déployer leurs forces non seulement en renforçant la législation concernant les victimes de violence, mais aussi en sensibilisant la société civile sur un phénomène ravageur et en permettant à toute cette frange sociétale d'avoir accès à l'information sur ses droits les plus élémentaires. La promotion de la condition de la femme en Algérie passe d'abord par la rupture du silence sur un fait alarmant, mais ô combien dommageable.
Fetta Tacennayt est une femme algérienne qui trimballe avec elle un parcours émouvant que son regard marron profond, chargé de douleur et de peine malgré la réussite qu'elle a réalisée aujourd'hui, ne parvient à dissimuler. Native d'un village de la Grande Kabylie, dans la commune de Tikoubine, cette femme, aujourd'hui artiste, nous a livré son parcours de battante dans une société régie par l'injustice, le machisme et la violence. Un vrai parcours du combattant d'une femme qui, longtemps, a lutté pour briser les murs de sa prison, une geôle dans laquelle elle a demeuré des années durant.
Mme Fetta, qui a préféré taire son vrai nom, a désiré nous faire part de son vécu douloureux. Son unique objectif, dit-elle, est de porter le cri de détresse des femmes victimes de violences, exposées à l'ignorance de leurs droits et soumises à la volonté et au machisme du patriarcat.
Comment la décrire ? Une personne combative et dynamique, solide, dotée d'un fort caractère et surtout d'une capacité d'endurance jusqu'ici incomparable. Alors que toutes les conditions dans lesquelles cette femme a évolué étaient contre sa percée, sa force singulière ne l'a pas empêchée de sortir du cachot dans lequel l'a enfermé un contexte traditionaliste et rigoriste pour pénétrer dans le monde artistique et chanter l'amour, le bonheur et la beauté.
le calvaire d'une fille
Ce bout de femme, brune, rondelette, au sourire tendre et au regard profond n'est-elle pas l'exemple vivant de la femme courageuse, battante et déterminée à changer sa condition contre les ennemis du changement, de l'évolution et des partisans de la violence comme unique voie de communication ?
Le parcours de Fetta commence par une enfance traumatisante auprès d'un père alcoolique, brutal qui, lors de ses accès colériques, s'acharnait contre sa femme et sa progéniture.
Empêchée de fréquenter l'école et livrée à l'ignorance, la petite se retrouva engagée, dès son jeune âge, dans les lourdes corvées ménagères et les tâches rudes de la campagne. A 12 ans, la jeunette qui ignorait tout de la vie, fut mariée de force à un homme plus âgé et de surcroît handicapé, ce qui la traumatisa davantage.
«Je n'avais point d'idées sur la vie d'un couple et encore moins sur les rapports qui pouvaient exister entre un homme et une femme. Mon mariage fut arrangé par mon père et j'étais, bien entendu, la dernière à prendre part de la nouvelle. Assommée par une telle réalité, mes pleurs et mes cris ne dissuadèrent point mon père et encore moins mon mari qui réclama, la nuit, son droit légitime de la manière la plus brutale. Les larmes étaient mon unique refuge. Dégoûtée de la sexualité, je refusais que mon époux s'approche de moi. Chose que sa virilité d'homme n'a pas supportée. Pendant trois mois, maltraitée par un homme que je haïssais, je me réfugiais dans la douleur. Un jour, j'ai menacé mes parents de mettre fin à mon existence si je continuais à vivre auprès de cet homme et j'ai fini par le quitter. Mon divorce ne fut prononcé que deux ans après. De retour dans la demeure familiale, je pensais enfin trouver la paix. Malheureusement, ma famille ne tarda pas à revenir à la charge en m'imposant encore une fois une union qui n'annonçait rien de bon. Le prétendant n'était autre que mon cousin que je considérais d'ailleurs comme un frère. Une seconde étape de ma vie, encore plus sombre que la précédente s'annonçait, je le savais», confie notre interlocutrice.
Cette fois, les sévices de Fetta allaient crescendo auprès d'un conjoint alcoolique, insensible, et brutal. Sa conception rétrograde de la femme n'accordait à cette dernière aucun droit. Son rôle était encore limité à la procréation et au ménage. Les grossesses successives de la jeune femme n'ont pas atténué les agissements barbares d'un mâle acharné et brusque.
«Six gosses furent le fruit d'une union imposée au cours de laquelle je n'ai jamais connu la paix. J'étais tout sauf un être humain considéré dignement. Croyez-moi, j'ai vu de toutes les couleurs auprès de mon ex-mari et personne de ma famille n'a osé lever le petit doigt pour me défendre. J'étais le souffre-douleur de tous. Je souffrais en silence et j'implorais le bon Dieu d'apaiser le calvaire que je subissais au quotidien, mais les brutalités de mon compagnon s'amplifiaient.
Un jour, atteinte d'une hernie discale, j'ai été hospitalisée pour subir une délicate intervention chirurgicale. Peu de temps après mon intervention, de retour à la maison alors que j'étais encore en période de convalescence, je fus battue à mort par mon mari. Cette fois, j'ai failli y passer. Le cou dans le plâtre, je ne pouvais plus revenir, car je risquais réellement la mort.
J'ai décidé alors de le quitter définitivement et d'affronter, seule, mon contexte. En rentrant de l'hôpital, une terrible nouvelle m'attendait, mon mari mariait mon fils aîné sans même me tenir au courant. Prisonnière de mon lit, immobilisée par mon plâtre, je voulais crier ma rage, mon désespoir et ma colère. Cette nouvelle était, à elle seule, suffisante pour me pousser à me révolter contre ma condition de femme victime de violence. J'avais ras-le-bol et je devais réagir. J'ai essuyé mes malheurs, affronté mon mari au tribunal en demandant le divorce, j'ai renoncé à mes droits ainsi qu'à mes enfants. Je ne réclamais que la paix pour mon corps épuisé et mon âme meurtrie. J'étais décidée à changer ma vie, à faire mon destin», poursuit Fetta Tacennayt, la mine triste.
pourchassée par les idées rétrogrades
Comment cette femme victime de violence s'est libérée de son contexte pour pénétrer dans l'univers artistique ? Terrorisée des années durant par un vécu pénible, Fetta a trouvé en les mots le remède à ses blessures encore saignantes. Elle a découvert en sa voix la force d'exorciser les démons du passé et la capacité de parler au non d'une frange sociétale marginalisée.
«Dans ma solitude, mon impuissance, j'ai découvert que je pouvais écrire des textes entiers qui relataient la souffrance de la femme opprimée. Progressivement, mes textes qui dénotaient d'un pessimisme outrancier évoluaient vers des hymnes à la vie traduites par des chansons destinées à célébrer les cérémonies de mariage. Je me croyais enfin libérée, mais par malheur mon passé troublant et les idées rétrogrades de toute ma famille continuaient à me pourchasser là où j'allais. Je commençais à devenir réputée dans ma commune, lorsque je fus sujette à des menaces de mort émanant des miens qui portaient de sévères préjugés sur ma carrière artistique. J'étais offensée par tant d'inhumanité. Mon contexte était toujours là pour me pourrir la vie, mais jamais présent lorsque j'étais autrefois violentée. Pour échapper à la pression, j'ai décidé de quitter mon village natal vers d'autres cieux. Douloureuse, mais inévitable séparation. Aujourd'hui, je me retrouve déracinée à cause d'une mentalité obscurantiste qui enlève à la femme le droit à la dignité, à la liberté et à la réussite», dira sur un ton empreint de déception mêlé de colère Mme Fetta.
artiste par la force des choses
Le premier album disque de Fetta Tacennayt, une série de chansons kabyles Spécial henni pour les cérémonies de mariage, est sorti le 20 juillet dernier de la maison de disques Akbou production. L'artiste prépare dans les jours qui suivent la sortie de son deuxième opus qui regroupe des chansons du folklore kabyle. Entre autres projets, la chanteuse prépare l'édition de son autobiographie qui retracera toutes les étapes de sa vie.
Le message de Fetta à toutes les femmes algériennes exposées à la violence sous toutes ses formes est de se révolter contre leur condition de statut inférieur, briser les maillons de la chaine de silence, de dénoncer leurs bourreaux quel qu'ils soient sans aucune peur, de dire basta à l'injustice sociale... Elle tient aussi à demander pardon à ses enfants qu'elle n'a pas choisi de quitter et qui, malheureusement, ont été privés de la tendresse de leur maman. L'artiste lance un SOS et réclame l'aide de l'Etat afin de sortir de son ‘'terrier'', car jusqu'à présent elle ne peut retourner dans son village de peur d'être confrontée à la violence.
«Je veux qu'on me laisse terminer mes jours en paix, j'en ai marre de me dissimuler des regards, de vivre dans la peur, terrorisée à l'idée de pouvoir être guettée ou aperçue par un proche. Je porte, à travers votre journal, le cri de toutes les femmes victimes de violence, je réclame la protection de l'Etat. Que les slogans et les efforts sur la promotion de la condition de la femme au sein de notre contexte commencent par la protection des femmes exposées au terrorisme social. Basta à l'injustice, nous voulons du concret», clame la chanteuse, les larmes aux yeux.
Le plus grand rêve de Fetta aujourd'hui est de pouvoir enregistrer d'autres chansons qui plaident la cause de la gent féminine opprimée, résume-t-elle.
Si Fetta Tacennayt a trouvé la force dans son malheur et est sortie de la prison de la violence, nombreuses sont celles qui subsistent encore dans leur retraite, incapables de défendre leur droit et exposées aux diverses formes de barbarie. Pour toutes ces femmes anéanties qui représentent l'autre visage de l'Algérie, elles doivent toutes s'unir, déployer leurs forces non seulement en renforçant la législation concernant les victimes de violence, mais aussi en sensibilisant la société civile sur un phénomène ravageur et en permettant à toute cette frange sociétale d'avoir accès à l'information sur ses droits les plus élémentaires. La promotion de la condition de la femme en Algérie passe d'abord par la rupture du silence sur un fait alarmant, mais ô combien dommageable.


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