Tissée d'Algérie, de roses et de femmes, l'écriture raffinée de Yamilé Ghebalou-Haraoui explore le réel jusqu'en ses retranchements les plus mystérieux. On s'aventure dès lors dans un monde peuplé d'imperceptibles froissements rilkéens. Tissée d'Algérie, de roses et de femmes, l'écriture raffinée de Yamilé Ghebalou-Haraoui explore le réel jusqu'en ses retranchements les plus mystérieux. On s'aventure dès lors dans un monde peuplé d'imperceptibles froissements rilkéens. Les onze nouvelles qui composent «Grenade», le second opus de l'universitaire Yamilé Ghebalou-Haraoui témoignent d'une belle maîtrise de l'écriture. Pour parler un langage de cinéaste, à chacune de ses nouvelles, il se passe quelque chose. Sur le plan esthétique, s'entend. Dans une prose apurée où aucun mot n'est superflu, l'approche qui est la sienne déclenche l'émotion du lecteur dès les premiers mots. La moindre virgule participe, mais alors vraiment, de l'équilibre de l'ensemble. Ses personnages, parfois désincarnés, sont d'une individualité tangible. Le réel sous quelque angle qu'elle l'aborde fait craquer, par le chatoiement de ses reliefs, sa vibration polychrome, la saturation olfactive transmise par la fragrance puissante et raffinée des roses, la terne réalité. Et l'on s'aventure désormais dans un monde peuplé d'imperceptibles froissements rilkéens. L'invisible règne. Et le palpable masque l'évident sans jamais cesser d'y mener. Jeux de pistes bordées de feux spirituels. Une vieille dame agonise : «Puis des lieux la traversent, éventés aux quatre coins de son corps, des maisons basses et fraîches, aux murs bleuis de chaux prodigue et étincelante ; sa main tient une terrasse lumineuse où la faïence verte palpite sous le soleil ; des escaliers secrets mènent vers des pièces de cristal où des femmes chantent et brodent. A l'extrémité de son corps, là-bas, près de ce feu et même en son milieu, la vieille voit toujours cet arbre de lumière : elle ne sait plus si ses feuilles sont devenues des pierreries, mais il irradie tranquillement dans ce coin dénudé de la pièce, près de la couche à même le sol que, chaque matin, des mains bienfaisantes lui refont.» Pas de doute, ce paysage d'écriture est fait d'éternité, d'Algérie et de femmes. Qu'elles évoluent dans l'onde marine, pour y dissoudre leur peine ou que déjà âgées elles se contentent d'épier celui sur qui pèse «la malédiction de trop plaire», les femmes sont là. Et les arbres. Et les roseraies. La dernière nouvelle intitulée «Temps végétal» donne la parole à un arbre plus que millénaire. Il s'agit de l'Arbre primordial. Celui qui abrita de ses fécondes frondaisons les jeux innocents d'Adam et Eve. Puis, ceux, terribles, de l'humanité séduite par le fruit de la connaissance. L'arbre parle : «Je me souvenais alors avec nostalgie de ce couple premier qui venait me regarder, car les autres hommes ne le faisaient que pour estimer s'ils pouvaient se cacher derrière moi, s'ils pouvaient utiliser mes branches pour pendre un malheureux aussi cruel qu'eux et qui ne leur avait pas échappé.» L'encre devient nourricière quand Yamilé G-H écrit : «La terre est chaude : des sucs précieux et noirâtres montent d'elle. Je le sens. Tout en haut près du bleu indolent où frémissent mes feuilles d'ambre ou d'émeraude suivant la saison, il monte, ce suc ardent et je le sens comme une sorte de poussée si dense, si forte, incompressible et ardente. Je l'entends aussi : dans le lointain du bois, il cogne et s'émeut lorsque le soleil le réveille. Il glisse et il caresse, à l'intérieur de moi, toutes les parois presque antiques de ce vieil être que je suis , soumis depuis si longtemps aux variations des saisons. Parfois même il me brûle, lorsque trop longtemps soumise aux ardeurs du soleil, la terre se craquelle et ne laisse plus voir que l'humeur profonde qui la constitue : c'est un feu que je sens me parvenir et alors je cherche plus loin encore l'humidité incertaine mais bienfaisante de l'eau.» La nouvelle «Lucidité» exprime la prise de conscience d'une femme qui se découvre dévorée par les prédateurs qui constituent son entourage. «Tous l'avaient si longtemps bernée, oui, c'était le mot, elle avait cherché et il n'y en avait pas d'autre plus précis, plus intense pour dire cette sensation de dépossession. Elle avait tant donné en pensant que ces gens voyaient ce qu'elle tendait d'elle, profond et naïf, doux et illuminé, comme ces objets que les enfants encensent et transforment en talismans, qu'ils tendent alors aux autres, pleins de murmures et d'aveux lovés, et avec lesquels ils transmettent leur amour.» Et comme ces enfants qu'elle décrit, c'est avec simplicité, sincérité et élégance que Yamilé Ghebalou-Haraoui offre au lecteur ce premier recueil de nouvelles qui augure d'une heureuse moisson d'œuvres à venir. «Grenade» qui tire son intitulé d'une des nouvelles du recueil est la deuxième publication de Y-G-H. Elle a publié «Kawn», un recueil de poèmes en 2005. L'auteur est universitaire et native de Cherchell. «Grenade» de Yamilé Ghebalou-Haraoui Editions Chihab 2007, 102 pages. Prix public : 320 dinars. Les onze nouvelles qui composent «Grenade», le second opus de l'universitaire Yamilé Ghebalou-Haraoui témoignent d'une belle maîtrise de l'écriture. Pour parler un langage de cinéaste, à chacune de ses nouvelles, il se passe quelque chose. Sur le plan esthétique, s'entend. Dans une prose apurée où aucun mot n'est superflu, l'approche qui est la sienne déclenche l'émotion du lecteur dès les premiers mots. La moindre virgule participe, mais alors vraiment, de l'équilibre de l'ensemble. Ses personnages, parfois désincarnés, sont d'une individualité tangible. Le réel sous quelque angle qu'elle l'aborde fait craquer, par le chatoiement de ses reliefs, sa vibration polychrome, la saturation olfactive transmise par la fragrance puissante et raffinée des roses, la terne réalité. Et l'on s'aventure désormais dans un monde peuplé d'imperceptibles froissements rilkéens. L'invisible règne. Et le palpable masque l'évident sans jamais cesser d'y mener. Jeux de pistes bordées de feux spirituels. Une vieille dame agonise : «Puis des lieux la traversent, éventés aux quatre coins de son corps, des maisons basses et fraîches, aux murs bleuis de chaux prodigue et étincelante ; sa main tient une terrasse lumineuse où la faïence verte palpite sous le soleil ; des escaliers secrets mènent vers des pièces de cristal où des femmes chantent et brodent. A l'extrémité de son corps, là-bas, près de ce feu et même en son milieu, la vieille voit toujours cet arbre de lumière : elle ne sait plus si ses feuilles sont devenues des pierreries, mais il irradie tranquillement dans ce coin dénudé de la pièce, près de la couche à même le sol que, chaque matin, des mains bienfaisantes lui refont.» Pas de doute, ce paysage d'écriture est fait d'éternité, d'Algérie et de femmes. Qu'elles évoluent dans l'onde marine, pour y dissoudre leur peine ou que déjà âgées elles se contentent d'épier celui sur qui pèse «la malédiction de trop plaire», les femmes sont là. Et les arbres. Et les roseraies. La dernière nouvelle intitulée «Temps végétal» donne la parole à un arbre plus que millénaire. Il s'agit de l'Arbre primordial. Celui qui abrita de ses fécondes frondaisons les jeux innocents d'Adam et Eve. Puis, ceux, terribles, de l'humanité séduite par le fruit de la connaissance. L'arbre parle : «Je me souvenais alors avec nostalgie de ce couple premier qui venait me regarder, car les autres hommes ne le faisaient que pour estimer s'ils pouvaient se cacher derrière moi, s'ils pouvaient utiliser mes branches pour pendre un malheureux aussi cruel qu'eux et qui ne leur avait pas échappé.» L'encre devient nourricière quand Yamilé G-H écrit : «La terre est chaude : des sucs précieux et noirâtres montent d'elle. Je le sens. Tout en haut près du bleu indolent où frémissent mes feuilles d'ambre ou d'émeraude suivant la saison, il monte, ce suc ardent et je le sens comme une sorte de poussée si dense, si forte, incompressible et ardente. Je l'entends aussi : dans le lointain du bois, il cogne et s'émeut lorsque le soleil le réveille. Il glisse et il caresse, à l'intérieur de moi, toutes les parois presque antiques de ce vieil être que je suis , soumis depuis si longtemps aux variations des saisons. Parfois même il me brûle, lorsque trop longtemps soumise aux ardeurs du soleil, la terre se craquelle et ne laisse plus voir que l'humeur profonde qui la constitue : c'est un feu que je sens me parvenir et alors je cherche plus loin encore l'humidité incertaine mais bienfaisante de l'eau.» La nouvelle «Lucidité» exprime la prise de conscience d'une femme qui se découvre dévorée par les prédateurs qui constituent son entourage. «Tous l'avaient si longtemps bernée, oui, c'était le mot, elle avait cherché et il n'y en avait pas d'autre plus précis, plus intense pour dire cette sensation de dépossession. Elle avait tant donné en pensant que ces gens voyaient ce qu'elle tendait d'elle, profond et naïf, doux et illuminé, comme ces objets que les enfants encensent et transforment en talismans, qu'ils tendent alors aux autres, pleins de murmures et d'aveux lovés, et avec lesquels ils transmettent leur amour.» Et comme ces enfants qu'elle décrit, c'est avec simplicité, sincérité et élégance que Yamilé Ghebalou-Haraoui offre au lecteur ce premier recueil de nouvelles qui augure d'une heureuse moisson d'œuvres à venir. «Grenade» qui tire son intitulé d'une des nouvelles du recueil est la deuxième publication de Y-G-H. Elle a publié «Kawn», un recueil de poèmes en 2005. L'auteur est universitaire et native de Cherchell. «Grenade» de Yamilé Ghebalou-Haraoui Editions Chihab 2007, 102 pages. Prix public : 320 dinars.