Liban comme titre d'un premier roman relève d'un choix hautement significatif : Est-ce pour la méditerraneité ou le décor dominé par la violence dans un pays qui a longtemps servi de théâtre des opérations comme bouc émissaire. Il faut rappeler que ce Liban est un pays de vieille civilisation dont celle des Phéniciens qui a rayonné durant des siècles avant l'ère chrétienne, sur tout le pourtour méditerranéen. Et s'il n'avait pas connu, depuis des décennies, l'instabilité due aux guerres injustes, le Liban n'aurait rien à envier aux pays avancées. Et que d'allusions à l'Algérie ! Roman d'actualité ou historique ? Même s'il a une part de fiction, le récit donne l'illusion du réel par les actes de violence qui s'y sont passés au quotidien. La mort attend chacun au tournant. Tel a été le sort de Kamel pièce maîtresse du groupe bien parti pour la vie. Celui de Shehade, Omar, Yasser, Esmet, Faren. Cette mort de Kamel, pour le personnage historien, est un signe avant coureur que la longue tragédie que vit le pays depuis longtemps est loin de se terminer : «Ces errants qui sont la conscience obscure des Arabes, la figuration de leur reniement et de leurs compromissions». Ces propos font sûrement allusion aux Palestiniens pour lesquels l'auteur parle de peuple qui navigue encore : «Les derniers navigateurs qui cherchent encore leur patrie, spoliés qu'ils sont de leur histoire, de leur mémoire en plus de leur terre.» Et le roman se poursuit avec des doutes sur la chronologie, surtout lorsque Omar, suivant la technique de l'auteur, consiste à faire parler un personnage pour lui faire dire de manière dire de manière plus vivante des informations importantes, nous raconte qu'il est d'une ville lointaine, au bord de la Méditerranée, que ces règlements de compte ne cesseront jamais, que le vertige le saisit avec le route du soir qui vient à moi». Sitôt le récit de Omar fini, le climat de violence reprend dans toute son horreur : «La déflagration fit tomber un immeuble déjà criblé de balles et d'impacts d'obus. Les cris firent pénétrer l'horreur dans la ville entière recouverte de fumée et de poussière.» Du sang sur ses vêtements à deux pas, un corps de femme dénudée de manière obscène. Un pays martyrisé pour les autres «La déraison la plus tenace y prend sa force et s'implante ainsi», une phrase de l'auteur qui en dit long sur l'actualité, voire le futur, et à propos des ennemis de longue date qui s'affrontent, s'emploient à s'entretuer sans cesse par Beyrouth interposée. Puis, c'est l'imbroglio total, comme dans une pièce théâtrale dont l'intrigue est fuyante. Là, on entend la voix de Fairouz pour donner des consignes ; elle est le symbole d'une culture dans un pays de vieille civilisation. Ici, c'est Kamel qu'on avait dit mort, mais qui continue de hanter Omar. Sont-ce, là, des souvenirs du passé, alternant avec ceux du présent, comme dans le Nouveau Roman ? Tant les temps de la narration sont en nette prédominance. «Le visage de Kamel lors de cette soirée dans son château du Chouf ; il était vêtu de blanc, ses compagnons et sans doute ses subordonnés dans la chaîne initiatique qu'il commandait, l'entouraient avec déférence et devançaient toutes ses demandes.» Que de non-dits, dans ce texte littéraire écrit dans un style précis et dont la syntaxe est rigoureusement respectée. Ce qui fait revivre un passé glorieux où le rôle de chacun est mis en relief. Il faut savoir interpréter et apprécier le vocabulaire pour comprendre que chaque mot à une place déterminée dans un ensemble. Parlant de Kamel, Ghebalou offre l'occasion de penser à une diversité de signifiés : «Il caressait son arme, comme il l'eut fait sur un velours et il n'était plus là.» Lorsque la paix reprendra ses droits dans ce pays souverain, souhaitons qu'elle revienne au plus tôt, car le feu continue de couver, ce texte de facture classique aura acquis une plus grande valeur littéraire et historique. L'écriture s'appuie sur des faits et événements qui marqueront à jamais un pays, objet de convoitise pour des expansionnistes en guerre et qui en ont leur champ de bataille. Quant au roman, il sera d'autant plus valorisé qu'il aura été écrit dans un style relevé. Boumediene Abed Yamilé Ghebalou Haraoui, Liban, roman, Chihab éditions, 180 pages, 2009.