D'une imagination fabuleuse et d'une créativité prolifique, l'auteur du " Livre de sable" est l'un des rares écrivains au monde qui a eu un parcours aussi singulier. D'une imagination fabuleuse et d'une créativité prolifique, l'auteur du " Livre de sable" est l'un des rares écrivains au monde qui a eu un parcours aussi singulier. C'est le 24 août en 1899 que vient au monde, prématurément, Jorge Luis Borges (Georgie pour ses proches), à Buenos Aires en Argentine, dans la petite maison familiale, 840, rue Tucuman. Sa mère, Leonor, y était née en 1876. Elle y vivait avec ses parents et son mari, Jorge Guillermo Borges, avocat et aussi professeur de psychologie à l'Ecole normale de langues modernes, où il faisait ses cours en anglais. L'inquiétude ne quitte guère son père qui craint une cécité précoce, un mal endémique dont souffrent les Borges depuis cinq générations. Ancêtres liés à l'histoire de l'Argentine. Côté maternel, Francisco Narciso de Laprida avait présidé en 1816 le Congrès de Tucuman qui proclama l'Indépendance des Provinces Unies d'Amérique du Sud (Borges lui consacrera son " Poème conjectural ") ; le colonel Isidoro Suarez, lui aussi, avait participé à la guerre d'Indépendance (Borges l'exaltera dans " Page pour commémorer le colonel Suarez, vainqueur à Junin ") ; Isidoro de Acevedo Laprida, le grand-père, avait combattu le dictateur Rosas (1835-1852) jusqu'à la victoire (il mourut en 1905 et inspirera à Borges sa nouvelle " L'autre mort "). Côté paternel : Jeronimo Luis de Cordoba, fondateur de la ville argentine du même nom; l'autre grand-père, le colonel Francisco Borges, protecteur des régions frontalières, marié à une Anglaise, Fanny Haslam, avait été tué en 1874 durant une des guerres civiles (certaines expériences de Fanny Haslam seront reprises dans " Histoire du guerrier et de la captive "). Dans " Les Borges " (L'auteur et autres textes), Borges évoque également des " ancêtres portugais " auxquels il doit son nom Borges signifiant " bourgeois ", habitant des villes ( burgos ) en portugais. En 1909, les Borges s'installent au 21, rue Serrano, à Palermo, un faubourg du nord de Buenos Aires, abritant de nombreux immigrants italiens. Thème obsessionnel A Palermo vivaient des gens pauvres mais décents ainsi que des éléments beaucoup moins désirables. "Il y avait aussi un Palermo de truands que l'on appelait les compadritos fameux par leurs rixes au couteau, mais ce Palermo-là n'a frappé mon imagination que plus tard, car on faisait tout à la maison pour que nous l'ignorions... " (Essai d'autobiographie de l'aureur ; ce Palermo des compadritos et du tango sera le thème d'Evaristo Carriego. Entre 1902-1907 le jeune garçon apprend à lire, en anglais d'abord, avec sa grand-mère Fanny et sa gouvernante anglaise, Miss Tink ; puis en espagnol avec sa mère. Les malaises de Borges se peuplent avec l'apparition d'un léger bégaiement (qui s'accentuera plus tard quand il se trouvera en compagnie d'inconnus ou devra parler en public). Enfant timide et réservé, a pour compagne unique sa soeur Norah avec laquelle il inventera durant toute son enfance et son adolescence de nombreux jeux et partagera rêves et émotions. Horreur des masques et des déguisements (liés plus tard dans ses nouvelles aux meurtres et à la mort). Autre terreur, source d'un thème obsessionnel : les miroirs. L'origine de cette dernière serait due, selon Norah, à la vision de son visage sur l'acajou bien ciré de son lit d'enfant. Le garçon " perturbé " sort peu, en dehors de visites régulières au zoo ; et approuve une attirance particulière pour les animaux, spécifiquement avec les bêtes féroces (le tigre, futur élément-clef de sa mythologie intime). Grand passionné de lecture, il le précise, lui-même : " La vérité est que j'ai grandi dans un jardin, derrière une grille en fers de lance, et dans une bibliothèque aux innombrables livres anglais. Si on me demandait ce qui a compté le plus dans ma vie, je répondrais : la bibliothèque de mon père. Il m'arrive de penser qu'en fait je ne suis jamais sorti de cette bibliothèque ". De ses auteurs et livres préférés, lus en anglais : Mark Twain, Huckleberry Finn ; Bret Harte, Roughing It et Flush Days in California; Stevenson, L'Ile au trésor; Wells, Les Premiers hommes dans la lune et La Machine à explorer le temps; Thomas Moore, Lalla Rookh, source du " Teinturier masqué "; Les Mille et Une Nuits, dans la traduction anglaise de Burton, érotiquement illustrée ; Dickens ; Hawthorne ; Jack London ; Poe ; Lewis Carroll ; Don Quichotte, version anglaise. A six ans, déclare solennellement: " Je veux devenir écrivain ". D'ailleurs, " je me suis toujours considéré comme un écrivain, même avant d'écrire " (A Richard Burgin). Compose " en très mauvais anglais une sorte de manuel sur la mythologie classique " et un premier conte, " une histoire assez farfelue, écrite à la manière de Cervantès, un roman de chevalerie démodé, intitulé " La Visière fatale ". Pour les vacances, il les passait chaque été à Adrogué, près de Buenos Aires, un endroit d'inspiration. Durant l'été 1914 c'est le départ pour l'Europe dans le but de faire poursuivre à Jorge et à Norah leurs études à Genève. Le père, retraité, et devenu presque aveugle, désire être soigné par un oculiste genevois en renom. La Première Guerre mondiale retiendra pendant toute sa durée la famille à Genève. Borges apprend le français. Externe au Collège Calvin, dont "la matière principale était le latin". Un condisciple, Maurice Abramowicz, lui révèle Rimbaud, un immense poète français. Découvre la littérature française en lisant pêle-mêle Daudet (Tartarin de Tarascon), Gyp ( La Femme passionnée), Hugo, Flaubert, Maupassant, Remy de Gourmont, Baudelaire, Verlaine. Se passionne pour les écrivains sociaux : Zola, Barbusse (L'Enfer, Le Feu), Romain Rolland (Jean-Christophe), qui fomentèrent dans un premier temps son enthousiasme pour la Révolution russe de 1917. Ne néglige pas pour autant ses lectures anglaises. Impact de Carlyle (qu'il rejettera plus tard en l'accusant d'avoir inventé le nazisme), de Chesterton, de Whitman et Thomas de Quincey. " J'ai lu De Quincey quand j'avais seize ans ; depuis lors, je l'ai lu et relu à d'innombrables reprises. C'est un écrivain très suggestif, doué d'une curiosité et d'une érudition presque inépuisables". L'etape décisive Le 24 février 1938 son père meurt. Borges est depuis quelques mois employé à la bibliothèque municipale Miguel Cané, située dans un quartier éloigné de son domicile. Il lit pendant les deux heures de trajet en tramway La Divine Comédie et le Roland Furieux. La veille de Noël, c'est le drame. " Alors que je montais l'escalier en courant, je sentis soudain quelque chose érafler mon cuir chevelu. Je m'étais écorché contre le battant d'une fenêtre ouverte et fraîchement repeinte. Malgré un premier pansement, la blessure s'infecta et pendant une semaine environ je passai mes nuits sans dormir. J'eus des hallucinations et une très forte fièvre, Un soir, je perdis l'usage de la parole et on dut me conduire en hâte à l'hôpital pour une opération d'urgence. Une septicémie s'était déclarée, et pendant un mois je planais sans m'en douter entre la vie et la mort. Je relatais cela beaucoup plus tard dans ma nouvelle (Le Sud)", raconte-t-il. Pendant sa convalescence, craignant d'avoir perdu ses facultés mentales, il écrit pour se rassurer un conte fantastique : Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Ce n'est qu'en 1939 que s'effectue la première traduction, par Nestor Ibarra, d'un texte de Borges en français : L'approche du caché (Mesures, Paris, 15 avril). Sa vue s'affaiblit considérablement. En 1956, Borges devient professeur de littérature anglaise à l'université de Buenos Aires. Le 21 septembre 1967 il se marie avec Elsa, une amie d'enfance qu'il ne pouvait voir qu'avec les yeux du souvenir. En 1971 il est docteur d'honneur de l'université de Columbia puis de l'université d'Oxford. C'est en 1975 il publie "Le livre de sable", treize nouvelle pour lesquelles il a toujours éprouvé une préférence. Huit ans plus tard, c'est-à- dire en 1983, il est invité par le président François Mitterrand. Il reçoit la légion d'honneur et obtient le prix de la fondation Ingersoll aux Etats-Unis. A la fin janvier 1986, l'auteur de " Rose et bleu " subit une hospitalisation à l'hôpital cantonal. Le 22 avri se marie, une seconde fois, mais par procuration (au Paraguay) avec Maria Kodama, à qui il a dédié son dernier recueil, les Conjurés (Madrid, 1985): "... Ce livre vous appartient, Maria Kodama. Est-il besoin de vous dire que cette inscription comprend les crépuscules, les cerfs de Nara, la nuit qui reste seule et les matins peuplés, les îles partagées, les mers, les déserts et les jardins, tout ce que disperse l'oubli et ce que la mémoire transforme, la voix haute du muezzin, la mort d'Hawkwood, les livres et les estampes ? Nous ne pouvons donner que ce que nous avons donné déjà. Nous ne pouvons donner que ce qui, déjà, appartient à l'autre. Dans ce livre se trouvent les choses qui furent toujours les vôtres. Quel mystère qu'une dédicace, une donation de symboles ! "Le 11 juin 1986, il emménage dans un appartement du Vieux Genève, où il meurt trois jours après, le matin du 14 juin. Veillé la dernière nuit par Maria Kodama et son compatriote Hector Bianciotti. "Il est mort en dormant. Une mort très douce, quelque chose de magique jusqu'à la fin". Toute la nuit ce fut la même respiration, calme, sans soubresauts. "Puis ça s'est arrêté... Il ne voulait surtout pas mourir à l'hôpital ", écrit Bianciotti. La mort serait due, selon la presse européenne, à l'emphysème pulmonaire, à un cancer du foie, selon son agent littéraire argentin. Borges ne fait que quitter son corps pour aller droit vers l'interminable ciel de la gloire. C'est le 24 août en 1899 que vient au monde, prématurément, Jorge Luis Borges (Georgie pour ses proches), à Buenos Aires en Argentine, dans la petite maison familiale, 840, rue Tucuman. Sa mère, Leonor, y était née en 1876. Elle y vivait avec ses parents et son mari, Jorge Guillermo Borges, avocat et aussi professeur de psychologie à l'Ecole normale de langues modernes, où il faisait ses cours en anglais. L'inquiétude ne quitte guère son père qui craint une cécité précoce, un mal endémique dont souffrent les Borges depuis cinq générations. Ancêtres liés à l'histoire de l'Argentine. Côté maternel, Francisco Narciso de Laprida avait présidé en 1816 le Congrès de Tucuman qui proclama l'Indépendance des Provinces Unies d'Amérique du Sud (Borges lui consacrera son " Poème conjectural ") ; le colonel Isidoro Suarez, lui aussi, avait participé à la guerre d'Indépendance (Borges l'exaltera dans " Page pour commémorer le colonel Suarez, vainqueur à Junin ") ; Isidoro de Acevedo Laprida, le grand-père, avait combattu le dictateur Rosas (1835-1852) jusqu'à la victoire (il mourut en 1905 et inspirera à Borges sa nouvelle " L'autre mort "). Côté paternel : Jeronimo Luis de Cordoba, fondateur de la ville argentine du même nom; l'autre grand-père, le colonel Francisco Borges, protecteur des régions frontalières, marié à une Anglaise, Fanny Haslam, avait été tué en 1874 durant une des guerres civiles (certaines expériences de Fanny Haslam seront reprises dans " Histoire du guerrier et de la captive "). Dans " Les Borges " (L'auteur et autres textes), Borges évoque également des " ancêtres portugais " auxquels il doit son nom Borges signifiant " bourgeois ", habitant des villes ( burgos ) en portugais. En 1909, les Borges s'installent au 21, rue Serrano, à Palermo, un faubourg du nord de Buenos Aires, abritant de nombreux immigrants italiens. Thème obsessionnel A Palermo vivaient des gens pauvres mais décents ainsi que des éléments beaucoup moins désirables. "Il y avait aussi un Palermo de truands que l'on appelait les compadritos fameux par leurs rixes au couteau, mais ce Palermo-là n'a frappé mon imagination que plus tard, car on faisait tout à la maison pour que nous l'ignorions... " (Essai d'autobiographie de l'aureur ; ce Palermo des compadritos et du tango sera le thème d'Evaristo Carriego. Entre 1902-1907 le jeune garçon apprend à lire, en anglais d'abord, avec sa grand-mère Fanny et sa gouvernante anglaise, Miss Tink ; puis en espagnol avec sa mère. Les malaises de Borges se peuplent avec l'apparition d'un léger bégaiement (qui s'accentuera plus tard quand il se trouvera en compagnie d'inconnus ou devra parler en public). Enfant timide et réservé, a pour compagne unique sa soeur Norah avec laquelle il inventera durant toute son enfance et son adolescence de nombreux jeux et partagera rêves et émotions. Horreur des masques et des déguisements (liés plus tard dans ses nouvelles aux meurtres et à la mort). Autre terreur, source d'un thème obsessionnel : les miroirs. L'origine de cette dernière serait due, selon Norah, à la vision de son visage sur l'acajou bien ciré de son lit d'enfant. Le garçon " perturbé " sort peu, en dehors de visites régulières au zoo ; et approuve une attirance particulière pour les animaux, spécifiquement avec les bêtes féroces (le tigre, futur élément-clef de sa mythologie intime). Grand passionné de lecture, il le précise, lui-même : " La vérité est que j'ai grandi dans un jardin, derrière une grille en fers de lance, et dans une bibliothèque aux innombrables livres anglais. Si on me demandait ce qui a compté le plus dans ma vie, je répondrais : la bibliothèque de mon père. Il m'arrive de penser qu'en fait je ne suis jamais sorti de cette bibliothèque ". De ses auteurs et livres préférés, lus en anglais : Mark Twain, Huckleberry Finn ; Bret Harte, Roughing It et Flush Days in California; Stevenson, L'Ile au trésor; Wells, Les Premiers hommes dans la lune et La Machine à explorer le temps; Thomas Moore, Lalla Rookh, source du " Teinturier masqué "; Les Mille et Une Nuits, dans la traduction anglaise de Burton, érotiquement illustrée ; Dickens ; Hawthorne ; Jack London ; Poe ; Lewis Carroll ; Don Quichotte, version anglaise. A six ans, déclare solennellement: " Je veux devenir écrivain ". D'ailleurs, " je me suis toujours considéré comme un écrivain, même avant d'écrire " (A Richard Burgin). Compose " en très mauvais anglais une sorte de manuel sur la mythologie classique " et un premier conte, " une histoire assez farfelue, écrite à la manière de Cervantès, un roman de chevalerie démodé, intitulé " La Visière fatale ". Pour les vacances, il les passait chaque été à Adrogué, près de Buenos Aires, un endroit d'inspiration. Durant l'été 1914 c'est le départ pour l'Europe dans le but de faire poursuivre à Jorge et à Norah leurs études à Genève. Le père, retraité, et devenu presque aveugle, désire être soigné par un oculiste genevois en renom. La Première Guerre mondiale retiendra pendant toute sa durée la famille à Genève. Borges apprend le français. Externe au Collège Calvin, dont "la matière principale était le latin". Un condisciple, Maurice Abramowicz, lui révèle Rimbaud, un immense poète français. Découvre la littérature française en lisant pêle-mêle Daudet (Tartarin de Tarascon), Gyp ( La Femme passionnée), Hugo, Flaubert, Maupassant, Remy de Gourmont, Baudelaire, Verlaine. Se passionne pour les écrivains sociaux : Zola, Barbusse (L'Enfer, Le Feu), Romain Rolland (Jean-Christophe), qui fomentèrent dans un premier temps son enthousiasme pour la Révolution russe de 1917. Ne néglige pas pour autant ses lectures anglaises. Impact de Carlyle (qu'il rejettera plus tard en l'accusant d'avoir inventé le nazisme), de Chesterton, de Whitman et Thomas de Quincey. " J'ai lu De Quincey quand j'avais seize ans ; depuis lors, je l'ai lu et relu à d'innombrables reprises. C'est un écrivain très suggestif, doué d'une curiosité et d'une érudition presque inépuisables". L'etape décisive Le 24 février 1938 son père meurt. Borges est depuis quelques mois employé à la bibliothèque municipale Miguel Cané, située dans un quartier éloigné de son domicile. Il lit pendant les deux heures de trajet en tramway La Divine Comédie et le Roland Furieux. La veille de Noël, c'est le drame. " Alors que je montais l'escalier en courant, je sentis soudain quelque chose érafler mon cuir chevelu. Je m'étais écorché contre le battant d'une fenêtre ouverte et fraîchement repeinte. Malgré un premier pansement, la blessure s'infecta et pendant une semaine environ je passai mes nuits sans dormir. J'eus des hallucinations et une très forte fièvre, Un soir, je perdis l'usage de la parole et on dut me conduire en hâte à l'hôpital pour une opération d'urgence. Une septicémie s'était déclarée, et pendant un mois je planais sans m'en douter entre la vie et la mort. Je relatais cela beaucoup plus tard dans ma nouvelle (Le Sud)", raconte-t-il. Pendant sa convalescence, craignant d'avoir perdu ses facultés mentales, il écrit pour se rassurer un conte fantastique : Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Ce n'est qu'en 1939 que s'effectue la première traduction, par Nestor Ibarra, d'un texte de Borges en français : L'approche du caché (Mesures, Paris, 15 avril). Sa vue s'affaiblit considérablement. En 1956, Borges devient professeur de littérature anglaise à l'université de Buenos Aires. Le 21 septembre 1967 il se marie avec Elsa, une amie d'enfance qu'il ne pouvait voir qu'avec les yeux du souvenir. En 1971 il est docteur d'honneur de l'université de Columbia puis de l'université d'Oxford. C'est en 1975 il publie "Le livre de sable", treize nouvelle pour lesquelles il a toujours éprouvé une préférence. Huit ans plus tard, c'est-à- dire en 1983, il est invité par le président François Mitterrand. Il reçoit la légion d'honneur et obtient le prix de la fondation Ingersoll aux Etats-Unis. A la fin janvier 1986, l'auteur de " Rose et bleu " subit une hospitalisation à l'hôpital cantonal. Le 22 avri se marie, une seconde fois, mais par procuration (au Paraguay) avec Maria Kodama, à qui il a dédié son dernier recueil, les Conjurés (Madrid, 1985): "... Ce livre vous appartient, Maria Kodama. Est-il besoin de vous dire que cette inscription comprend les crépuscules, les cerfs de Nara, la nuit qui reste seule et les matins peuplés, les îles partagées, les mers, les déserts et les jardins, tout ce que disperse l'oubli et ce que la mémoire transforme, la voix haute du muezzin, la mort d'Hawkwood, les livres et les estampes ? Nous ne pouvons donner que ce que nous avons donné déjà. Nous ne pouvons donner que ce qui, déjà, appartient à l'autre. Dans ce livre se trouvent les choses qui furent toujours les vôtres. Quel mystère qu'une dédicace, une donation de symboles ! "Le 11 juin 1986, il emménage dans un appartement du Vieux Genève, où il meurt trois jours après, le matin du 14 juin. Veillé la dernière nuit par Maria Kodama et son compatriote Hector Bianciotti. "Il est mort en dormant. Une mort très douce, quelque chose de magique jusqu'à la fin". Toute la nuit ce fut la même respiration, calme, sans soubresauts. "Puis ça s'est arrêté... Il ne voulait surtout pas mourir à l'hôpital ", écrit Bianciotti. La mort serait due, selon la presse européenne, à l'emphysème pulmonaire, à un cancer du foie, selon son agent littéraire argentin. Borges ne fait que quitter son corps pour aller droit vers l'interminable ciel de la gloire.