Compléter l'éducation reçue dans une école publique et gratuite en Algérie par des cours extrascolaires onéreux et animés par des professeurs de soutien est un phénomène qui se propage de manière palpable au cours de ces dernières années. Si autrefois ce phénomène ne touchait que les lycéens des classes terminales qui bûchaient les mathématiques et la physique à dessein de décrocher haut la main leur diplôme pour pouvoir accéder à la fac, aujourd'hui, aucun niveau scolaire n'échappe à cet état de fait : du primaire au secondaire en passant par le moyen et surtout les adolescents préparant le baccalauréat, chacun se sent obligé d'éffectuer des cours supplémentaires. Compléter l'éducation reçue dans une école publique et gratuite en Algérie par des cours extrascolaires onéreux et animés par des professeurs de soutien est un phénomène qui se propage de manière palpable au cours de ces dernières années. Si autrefois ce phénomène ne touchait que les lycéens des classes terminales qui bûchaient les mathématiques et la physique à dessein de décrocher haut la main leur diplôme pour pouvoir accéder à la fac, aujourd'hui, aucun niveau scolaire n'échappe à cet état de fait : du primaire au secondaire en passant par le moyen et surtout les adolescents préparant le baccalauréat, chacun se sent obligé d'éffectuer des cours supplémentaires. En effet, un nombre croissant d'Algériens, parents et enfants, considèrent dorénavant les professeurs de soutien et les cours particuliers comme essentiels à la réussite scolaire de leurs enfants. Cependant, alors que ce qui était considéré jusqu'ici comme un luxe se démocratise, de nombreuses familles doivent faire face à ce fardeau financier supplémentaire auquel ils se disent " contraints " pour diverses raisons. Payer plus pour étudier mieux Pour plusieurs élèves, les cours particuliers servent à rattraper le manque d'assimilation du cours en classe. Ainsi, payer "à l'extérieur" de l'école est la seule manière de pallier le manque de concentration en classe en raison de la surcharge du programme, la non disponibilité des professeurs qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts dans une classe qui dépassent souvent les quarante élèves. «Je ne comprends absolument rien aux mathématiques et aux physiques en classe. Je suis dure à la détente et mes enseignants ne peuvent pas me réserver un temps uniquement pour moi. Les cours supplémentaires sont donc l'unique formule susceptible de me permettre de rattraper mon retard», nous confie cette lycéenne en première année scientifique qui suit ses cours supplémentaires à Descartes, une école privée de renom sise à Vieux Kouba. Pour Linda, élève en troisième année moyenne, les sciences naturelles sont sa bête noire. Cette jeunette, avouant se retrouver perdue en classe, a opté pour la formule des cours privés afin d'améliorer son niveau d'apprentissage et éviter de rater son année. «Contrairement à mes copines qui profitent de cours privés, j'ai de sérieuses difficultés à comprendre mes cours. Mes parents, considérant avec effroi mes notes catastrophiques, ont décidé de me payer des cours privés dans cette matière», certifie-t-elle. Les petites bourses dépassées Nombreux sont aujourd'hui les parents contraints à travailler avec acharnement pour arrondir leur fin de mois en vue de pouvoir garantir à leurs enfants ce luxe très onéreux. Pour eux, malgré tout, il s'agit d'un fardeau financier lourd qu'elles supportent difficilement notamment s'il y a plusieurs enfants scolarisés. En ce sens, Karima, secrétaire administrative, mariée et mère de quatre enfants âgés respectivement de 16, 14, 10 et 9 ans, admet que les cours scolaires représentent une véritable charge. Soucieuse de la réussite de ses enfants en fin d'année, cette mère certifie devoir recourir à cette méthode. «Je débourse plus de 5000 DA pour payer les cours supplémentaires de mes enfants dont le cadet est en primaire. N'étant pas disponible pour revoir leur cours avec eux en fin de journée, je suis obligée de charger des instituteurs qualifiés», déclare-t-elle. Cette maman dépassée par les dépenses du foyer est contrainte de mettre de côté une somme importante de son salaire pour garantir la réussite de sa progéniture. Des professeurs astucieux A la non disponibilité des parents vient s'ajouter un facteur non moins négligeable. Il s'agit de l'obligation que font certains professeurs aux élèves de suivre des cours supplémentaires, sans quoi ils risquent d'avoir de très mauvaises notes aux examens. «Certains enseignants vont même jusqu'à obliger implicitement les élèves à suivre des cours supplémentaires pour leur octroyer des bonnes notes même si leur niveau est bon», nous dira une maman. Elle explique comment leur tactique est bien mûrie puisqu'au début de chaque année scolaire, ils insistent auprès des élèves pour qu'ils s'inscrivent aux cours privés afin de mieux assimiler les cours. Ceux qui y consentent bénéficient d'un traitement privilégié de la part des professeurs et leurs résultats scolaires sont réjouissants, tandis que les autres élèves, sont carrément saqués, ce qui les obligent à capituler en fin de compte et à rejoindre le groupe. «C'est le cas de mes enfants qui étaient sans cesse harcelés par leurs maîtresses car ils ne faisaient pas de cours supplémentaires au départ. Mais, ils ont fini par faire partie des élèves qui suivent les cours de soutien", dit-elle. Une autre maman raconte comment le professeur de physique de son fils en troisième année moyenne faisait pression sur lui pour le pousser à faire des cours chez lui. « Il ne lui expliquait pas exprès le cours en classe, ne répondait pas à ses questions. Constatant les résultats médiocres de notre fils en début d'année, j'ai été à sa rencontre. Il m'a insinué que ceux qui veulent réussir et améliorer leur niveau n'ont qu'à faire des heures supplémentaires chez lui. Il exigeait 2.500 DA par mois", s'indigne-t-elle. Le plaidoyer des enseignants Face aux accusations des parents, les enseignants qui recourent à cette pratique avancent plusieurs excuses. Radia, qui complète son revenu en donnant des cours particuliers à ses heures perdues, signale que le fait d'être sous-payé, d'avoir des charges familiales nombreuses justifie largement le recours des instituteurs à ce commerce. D'autres professeurs se sont également défendus expliquant leur conduite par la surcharge des classes, l'encombrement du programme scolaire et le statut minable de l'enseignant encore sous-payé. «L'enseignant est aussi victime du système scolaire. Beaucoup de parents l'accusent aujourd'hui d'être un commerçant assoiffé de gain. Mais, n'a-t-il pas le droit de gagner sa vie ?», se plaint-elle. Et d'ajouter que de nombreux instituteurs épuisent presque toutes leurs ressources phisiques en classe. Une autre enseignante n'a pas manque de signaler que la surcharge des classes est également responsable de l'incapacité des enseignants à donner parfaitement leur cours scolaire. «Il est vraiment impossible pour un enseignant de bien faire assimiler le cours à plus d'une quarantaine d'élèves, chacun avec un rythme d'assimilation différent», souligne-t-elle. Dans ce sillage, il est utile de rappeler que, malgré les instructions du ministre de l'éducation nationale portant interdiction à tout enseignant du secteur public de dispenser des cours aux élèves à titre privé sans autorisation délivrée par la tutelle, plusieurs instituteurs, déjà en poste dans les établissements publics, ne s'empêchent pas de le faire transformant leur maison en une véritable école privée. C'est dire que cette pratique prend de plus en plus de l'ampleur. Selon S. bourouba, enseignante, il est vraiment indigne qu'un membre de la famille de l'enseignement s'adonne à un tel commerce. «Pour une personne censée se charger de l'éducation de plusieurs génération, cette conduite est condamnable ". Malheureusement, nous vivons une époque où la question pécuniaire l'emporte sur les valeurs éthiques", dit-elle. Rabah, enseignant, explique quant à lui qu'il arrive difficilement à joindre les deux bouts avec son salaire. Ayant épousé une femme au foyer, ce professeur se dit contraint d'avoir une autre ressource pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Et d'ajouter, tout de même, que tout professeur honnête doit inciter uniquement ses élèves faibles à suivre des cours privés pour améliorer leur niveau scolaire. Pour les sociologues, la famille fuit ses responsabilités Selon Mme Selmi, sociologue, le phénomène des cours extrascolaires qui prend une grande ampleur s'explique par plusieurs facteurs. Le phénomène va de pair avec les mutations sociales que connaît la société algérienne, sans oublier effectivement, les suites de la réforme du système éducatif dont de nombreux élèves se plaignent jusqu'à ce jour. «Cela ne sert à rien d'incriminer uniquement les professeurs. Les parents ont aussi leur part de responsabilité», affirme-t-elle. La sociologue explique comment ces deniers, trop occupés, n'ont plus le temps de bien suivre leurs enfants et préfèrent les solutions de facilités, comme charger un enseignant pour pouvoir bénéficier de leur temps libre et surtout ne pas souffrir de culpabilité vis-à-vis de leur enfant. «De ce fait, en payant les cours, ils se déchargent de l'opération de révision des leçons de leurs enfants», explique-t-il. Par ailleurs, Mme Selmi explique que l'idée que la société se faisait des cours supplémentaires a nettement changé au fil du temps. Ces cours sont devenus, à son avis, une mode à suivre alors qu'autrefois seuls les élèves paresseux, présentant des difficultés d'assimilation, étaient concernés par ce phénomène. D. S. En effet, un nombre croissant d'Algériens, parents et enfants, considèrent dorénavant les professeurs de soutien et les cours particuliers comme essentiels à la réussite scolaire de leurs enfants. Cependant, alors que ce qui était considéré jusqu'ici comme un luxe se démocratise, de nombreuses familles doivent faire face à ce fardeau financier supplémentaire auquel ils se disent " contraints " pour diverses raisons. Payer plus pour étudier mieux Pour plusieurs élèves, les cours particuliers servent à rattraper le manque d'assimilation du cours en classe. Ainsi, payer "à l'extérieur" de l'école est la seule manière de pallier le manque de concentration en classe en raison de la surcharge du programme, la non disponibilité des professeurs qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts dans une classe qui dépassent souvent les quarante élèves. «Je ne comprends absolument rien aux mathématiques et aux physiques en classe. Je suis dure à la détente et mes enseignants ne peuvent pas me réserver un temps uniquement pour moi. Les cours supplémentaires sont donc l'unique formule susceptible de me permettre de rattraper mon retard», nous confie cette lycéenne en première année scientifique qui suit ses cours supplémentaires à Descartes, une école privée de renom sise à Vieux Kouba. Pour Linda, élève en troisième année moyenne, les sciences naturelles sont sa bête noire. Cette jeunette, avouant se retrouver perdue en classe, a opté pour la formule des cours privés afin d'améliorer son niveau d'apprentissage et éviter de rater son année. «Contrairement à mes copines qui profitent de cours privés, j'ai de sérieuses difficultés à comprendre mes cours. Mes parents, considérant avec effroi mes notes catastrophiques, ont décidé de me payer des cours privés dans cette matière», certifie-t-elle. Les petites bourses dépassées Nombreux sont aujourd'hui les parents contraints à travailler avec acharnement pour arrondir leur fin de mois en vue de pouvoir garantir à leurs enfants ce luxe très onéreux. Pour eux, malgré tout, il s'agit d'un fardeau financier lourd qu'elles supportent difficilement notamment s'il y a plusieurs enfants scolarisés. En ce sens, Karima, secrétaire administrative, mariée et mère de quatre enfants âgés respectivement de 16, 14, 10 et 9 ans, admet que les cours scolaires représentent une véritable charge. Soucieuse de la réussite de ses enfants en fin d'année, cette mère certifie devoir recourir à cette méthode. «Je débourse plus de 5000 DA pour payer les cours supplémentaires de mes enfants dont le cadet est en primaire. N'étant pas disponible pour revoir leur cours avec eux en fin de journée, je suis obligée de charger des instituteurs qualifiés», déclare-t-elle. Cette maman dépassée par les dépenses du foyer est contrainte de mettre de côté une somme importante de son salaire pour garantir la réussite de sa progéniture. Des professeurs astucieux A la non disponibilité des parents vient s'ajouter un facteur non moins négligeable. Il s'agit de l'obligation que font certains professeurs aux élèves de suivre des cours supplémentaires, sans quoi ils risquent d'avoir de très mauvaises notes aux examens. «Certains enseignants vont même jusqu'à obliger implicitement les élèves à suivre des cours supplémentaires pour leur octroyer des bonnes notes même si leur niveau est bon», nous dira une maman. Elle explique comment leur tactique est bien mûrie puisqu'au début de chaque année scolaire, ils insistent auprès des élèves pour qu'ils s'inscrivent aux cours privés afin de mieux assimiler les cours. Ceux qui y consentent bénéficient d'un traitement privilégié de la part des professeurs et leurs résultats scolaires sont réjouissants, tandis que les autres élèves, sont carrément saqués, ce qui les obligent à capituler en fin de compte et à rejoindre le groupe. «C'est le cas de mes enfants qui étaient sans cesse harcelés par leurs maîtresses car ils ne faisaient pas de cours supplémentaires au départ. Mais, ils ont fini par faire partie des élèves qui suivent les cours de soutien", dit-elle. Une autre maman raconte comment le professeur de physique de son fils en troisième année moyenne faisait pression sur lui pour le pousser à faire des cours chez lui. « Il ne lui expliquait pas exprès le cours en classe, ne répondait pas à ses questions. Constatant les résultats médiocres de notre fils en début d'année, j'ai été à sa rencontre. Il m'a insinué que ceux qui veulent réussir et améliorer leur niveau n'ont qu'à faire des heures supplémentaires chez lui. Il exigeait 2.500 DA par mois", s'indigne-t-elle. Le plaidoyer des enseignants Face aux accusations des parents, les enseignants qui recourent à cette pratique avancent plusieurs excuses. Radia, qui complète son revenu en donnant des cours particuliers à ses heures perdues, signale que le fait d'être sous-payé, d'avoir des charges familiales nombreuses justifie largement le recours des instituteurs à ce commerce. D'autres professeurs se sont également défendus expliquant leur conduite par la surcharge des classes, l'encombrement du programme scolaire et le statut minable de l'enseignant encore sous-payé. «L'enseignant est aussi victime du système scolaire. Beaucoup de parents l'accusent aujourd'hui d'être un commerçant assoiffé de gain. Mais, n'a-t-il pas le droit de gagner sa vie ?», se plaint-elle. Et d'ajouter que de nombreux instituteurs épuisent presque toutes leurs ressources phisiques en classe. Une autre enseignante n'a pas manque de signaler que la surcharge des classes est également responsable de l'incapacité des enseignants à donner parfaitement leur cours scolaire. «Il est vraiment impossible pour un enseignant de bien faire assimiler le cours à plus d'une quarantaine d'élèves, chacun avec un rythme d'assimilation différent», souligne-t-elle. Dans ce sillage, il est utile de rappeler que, malgré les instructions du ministre de l'éducation nationale portant interdiction à tout enseignant du secteur public de dispenser des cours aux élèves à titre privé sans autorisation délivrée par la tutelle, plusieurs instituteurs, déjà en poste dans les établissements publics, ne s'empêchent pas de le faire transformant leur maison en une véritable école privée. C'est dire que cette pratique prend de plus en plus de l'ampleur. Selon S. bourouba, enseignante, il est vraiment indigne qu'un membre de la famille de l'enseignement s'adonne à un tel commerce. «Pour une personne censée se charger de l'éducation de plusieurs génération, cette conduite est condamnable ". Malheureusement, nous vivons une époque où la question pécuniaire l'emporte sur les valeurs éthiques", dit-elle. Rabah, enseignant, explique quant à lui qu'il arrive difficilement à joindre les deux bouts avec son salaire. Ayant épousé une femme au foyer, ce professeur se dit contraint d'avoir une autre ressource pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Et d'ajouter, tout de même, que tout professeur honnête doit inciter uniquement ses élèves faibles à suivre des cours privés pour améliorer leur niveau scolaire. Pour les sociologues, la famille fuit ses responsabilités Selon Mme Selmi, sociologue, le phénomène des cours extrascolaires qui prend une grande ampleur s'explique par plusieurs facteurs. Le phénomène va de pair avec les mutations sociales que connaît la société algérienne, sans oublier effectivement, les suites de la réforme du système éducatif dont de nombreux élèves se plaignent jusqu'à ce jour. «Cela ne sert à rien d'incriminer uniquement les professeurs. Les parents ont aussi leur part de responsabilité», affirme-t-elle. La sociologue explique comment ces deniers, trop occupés, n'ont plus le temps de bien suivre leurs enfants et préfèrent les solutions de facilités, comme charger un enseignant pour pouvoir bénéficier de leur temps libre et surtout ne pas souffrir de culpabilité vis-à-vis de leur enfant. «De ce fait, en payant les cours, ils se déchargent de l'opération de révision des leçons de leurs enfants», explique-t-il. Par ailleurs, Mme Selmi explique que l'idée que la société se faisait des cours supplémentaires a nettement changé au fil du temps. Ces cours sont devenus, à son avis, une mode à suivre alors qu'autrefois seuls les élèves paresseux, présentant des difficultés d'assimilation, étaient concernés par ce phénomène. D. S.