Le président Bouteflika a décidé de rouvrir, ou plutôt d'ouvrir, le dossier de certains assassinats politiques, et peut être même celui du carnage des populations par des groupes islamiques…Créés par les généraux « janvièristes ». C'est, comme le sait tout un chacun, l'arme fatale qu'il a utilisée pour convaincre les généraux de l'adouber à un deuxième mandat, lorsque ceux-ci, ou du moins les plus influents d'entre eux, avaient décidé d' »élire » Ali Benflis. Il leur avait promis, à ce moment, de mettre en œuvre un dispositif légal qui les absoudrait totalement des crimes contre l'humanité qu'ils avaient commis, et qu'il ferait en sorte que ce soit le peuple souverain lui même qui effacerait l'ardoise. On dit même que pour les convaincre de le désigner à la tête du pays, plutôt que Benflis, Bouteflika s'était arrangé pour qu'ils sachent qu'il disposait d'un dossier accablant sur eux, qui prouvait indéniablement le rôle actif qu'ils avaient joué dans la création de groupes terroristes, dans le carnage des populations, dans la confection des fetwas qui appelaient au meurtre, et même dans leur collaboration active avec des services occidentaux et israélien, dans l'utilisation du terrorisme international. Le deal fut donc rondement mené, puisque la Charte sur la réconciliation nationale, et les lois y afferant, rendent illégales toute poursuite, voire même toute investigation, serait-elle universitaire, sur le rôle des « agents honorables » de l'Etat qui ont sauvé la République et bla bla bla… Bouteflika et les généraux s'étaient donc entendus sur le dos des Algériens, pour se soustraire les uns les autres à toute poursuite devant les juridictions pénales internationales. Du moins le croient-ils. Et ils ont ouvert une nouvelle ère, toute de prospérité et de partage, où les milliards de dollars pleuvaient sur les uns et les autres, copains comme cochons. Chakib Khalil avait mis à la disposition de Bouteflika une sorte de casssette personnelle, dont les fonds proviennent de Sonatrach, et plus particulièrement des mouvements de fonds internationaux sur les ventes des hydrocarbures. C »est avec cet argent, qu'il distribuait sans compter, que Bouteflika avait réussi à rallier à son clan personnel la plupart des généraux, qu'il arrosait en dizaines de millions de dollars. Les lignes de crédit qui étaient allouées à leurs parentèles, et à leurs clientèles, procédaient des mêmes visées. Bouteflika avait réussi à capter les dispositifs de la rente, et agissait comme un souverain de droit divin. Le cas de l'évacuation du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, en dit long sur la puissance « financière » de ce Président qui se faisait Monarque, et qui se comportait comme tel. Entretemps, par contamination naturelle, tous ceux qui gravitaient autour du cercle présidentiel se mirent à puiser à pleins paniers de l'argent public qui leur était confié. Ce fut une gabegie inimaginable, illimitée, effrénée. Une compétition à qui prendrait le plus. Puis vint le viol de la Constitution et un troisième mandat pour le Président-Roi. Les déprédations continuaient à aller leur train habituel. Marchés gré à gré en violation de la reglementation, grosses, très grosses commissions, « droits » d'entrée en sous main exigés des opérateurs étrangers, gros marchés raflés sous des prête-nom, et autres combines à fabriquer des millions de dollars, allaient tellement se généraliser dans le sérail que cela en devint flagrant. Et puis, soudainement, voilà que des enquêtes du DRS sont diligentées contre des barons du régime, qui sont très proches du Clan présidentiel. La presse » indépendante » affilié à ce clan tenta de noyer le poisson,en affirmant que c'est le président lui même qui avait « ordonné » au DRS de mener ces investigations. Mais la ficelle ne tarda pas à être éventée. Nous découvrons aujourd'hui que le DRS n'a pas été sollicité par le Président Bouteflika. Bien au contraire, puisque ce sont les « hommes » du président qui sont ciblés. Même Saïd Bouteflika, le frère du président, et son dauphin presque attitré, serait sur la ligne de mire, nous dit-on. Et c'est cette éventualité qui a fait sortir le loup du bois, puisque Bouteflika menace aujourd'hui de faire enquêter sur les crimes des généraux, et même de désigner une commmission « indépendante ». Bouteflika se sert donc de la tragédie algérienne pour se prémunir, et protéger son clan. Nos morts, nos torturés, nos disparus, notre argent volé, et toutes les indicibles atrocités que l'on a fait endurer à nos compatriotes sont donc une matière à chantage. Notre quatre quarts de Président les éclipsé lorsque on le laisse piller le pays, l'offrir en pâture à ses clientèles et à ses parentèles, et il menace de les réactiver lorsqu'on leur demande comptes. Curieuse disposition de l'esprit pour un homme qui dit vouloir réconcilier les Algériens, et leur construire un Etat de droit. Mais, au délà de toute cette immense forfaiture, qui illustre, de toute façon, la vraie nature de ce régime, des questions lancinantes nous taraudent l'esprit. Est-ce bien le général Toufik Mediène, patron du DRS, qui est derrière ces enquêtes ? Et si oui, pourquoi ? Est-il mû par un besoin de rétablir un équilibre qui avait penché du côté du Président Bouteflika ? Ce Casus belli est-il le fait de généraux du DRS qui ont fait pression sur le Général Toufik, pour récupérer des espaces décisionnels dans la distribution de la rente? Est-ce que cette guerre ouverte est survenue à la suite de la volonté de Saïd Bouteflika de créer un parti politique, pour se préparer une voie royale à la succession de son frère, initiative que les généraux du DRS ont refusée ? Ou bien, comme le suggère une information qui circule, le Général Toufik a-t-il été pris de remords, devant une telle incurie ? On raconte, en effet, et cela reste une rumeur incontrôlée, que le général Toufik, qui sait tout sur le pillage des richesses nationales, et même des connivences de certains barons du régime avec des lobbies américains, aurait décidé de prendre les choses en main, et de nettoyer les écuries d'Augias. Il aurait, dit-on, réussi à convaincre les généraux les plus importants du DRS d'en finir avec le clan Bouteflika, en l'attaquant sur son flanc le plus vulnérable, la corruption. Cette version est très interessante et pourrait représenter un espoir de renouveau, si elle se confirme, et si elle n'est pas elle même une opération d'intox. Mais, question cruciale s'il en est, et peut être même naïve, existe-t-il des généraux intègres au DRS ? D.Benchenouf