El Watan 31 mai 2010 Ali Yahia Abdenour. Avocat : « Le remaniement ministériel a accentué le verrouillage de la société » Beaucoup de choses ont été dites à propos du dernier remaniement ministériel. Certains analystes croient déceler, dans la nouvelle architecture du gouvernement, le signe d'un compromis au sommet de l'Etat. Des observateurs épiloguent sur l'affaiblissement du clan présidentiel contraint à lâcher du lest… et certains de ses puissants ministres, d'autres concluent carrément au début de la fin de l'ère Bouteflika. Pensez-vous que les lignes aient véritablement bougé ? Le 3e mandat de Bouteflika n'est pas qu'un 3e quinquennat. C'est le mandat de la succession par excellence. Or, cette question, lancinante, n'a pas été réglée par le dernier remaniement. Pourquoi ? Il y a lieu de s'interroger sur la désignation de Zerhouni comme vice-Premier ministre. Bouteflika n'a qu'une obsession depuis l'entame de ce mandat : réunir tous les corps de sécurité dans un seul département, sous une autorité unique, Zerhouni en l'occurrence. Est-ce qu'on sera dans cette configuration après la publication du décret présidentiel précisant les attributions du vice-Premier ministre ? On le saura bientôt. Ce qu'il faut dire aussi, c'est que le remaniement s'est opéré sous un rapport de forces largement à l'avantage du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), en défaveur du président de la République. Bouteflika était en situation d'infériorité qui ne lui permettait pas de dicter sa politique. Pour revenir au remaniement, si celui-ci avait été effectué normalement, le Président aurait d'abord préparé le décret précisant les attributions du 1er vice-Premier ministre. On ne nomme pas quelqu'un vice-Premier ministre pour lui préciser ensuite ses prérogatives et attributions. Prendre de cette façon, de travers sa propre politique, fixer Zerhouni vice-Premier ministre en attendant qu'il coiffe tous les services de sécurité, le DRS ne l'accepterait jamais. La disparition du DRS est une chose inconcevable. Historique, il a désigné, depuis l'indépendance, tous les présidents de la République, y compris Bouteflika. Dans ce face-à-face, c'est le Président qui trinque. Le général Toufik, tel qu'on le décrit, est un homme qui agit dans le cadre de la légalité. Tout porte à croire qu'il y aura une deuxième phase. Le changement n'aura pas lieu durant le Mondial, ni l'été, ni durant le Ramadhan. S'il doit avoir lieu, c'est à la rentrée sociale. Cependant, il ne faudrait pas enterré trop vite le Président. Bouteflika est un politique. Quand il ne peut pas affronter un adversaire, un obstacle, il le contourne. Bouteflika garde la main sur le gouvernement. Tayeb Belaïz, bien que souffrant, est maintenu à son poste de ministre de la Justice. Le ministre de la Solidarité reste également au gouvernement. Onze ministres, dont certains sont à la tête des ministères de souveraineté, lui demeurent acquis, issus pour la plupart de la même région que lui :Tlemcen. Croyez-vous que les Algériens s'intéressent encore à la « cuisine interne » au régime ? Ce remaniement n'est-il pas en soi un « non-événement » ? Oui. C'est un « non-événement », dès lors qu'il n'opère aucune ouverture. C'est tout le contraire qui s'est produit. Un verrouillage. Un enfermement de la société dans un jeu sordide de lutte de pouvoir opposant la Présidence au DRS. Or, en Algérie, il n'y a pas que des clans qui s'affrontent. Il y a la société civile. Des partis politiques, des associations, des ONG, des Algériens qui aspirent au changement.