Message adressé par Mr Hocine Aït Ahmed au Conseil National du FFS. 5 juin 2010 Chers amis, Dans mon message adressé à la précédente session du Conseil National tenue le mois de mars dernier, je vous invitais à la préparation et à l'organisation de la Conférence Nationale d'Evaluation du parti. Dans ce message, je tentais de vous faire partager mes questionnements et vous indiquer quelques pistes de réflexion ; je me promettais également de vous transmettre mes propositions concernant cette conférence à laquelle j'attache une importance décisive. Avant d'entrer dans le détail de ces propositions, permettez moi de faire un détour ou un retour sur les aspects politiques de la situation dans le pays ainsi que dans le parti ; non par coquetterie intellectuelle, mais parce que je voudrais vous alerter, vous inviter à la vigilance et dénoncer l'exploitation faite de certains événements de l'actualité politique nationale. D'aucuns essayent de mobiliser sur des thèmes à caractère religieux, régionalistes et même ethniques. Ils poussent à une surenchère régionaliste, tout particulièrement en Kabylie, pendant que d'autres instrumentalisent l'extrémisme armé à des fins politiques surtout dans la région du Sahel. Ces menées aventureuses, ces politiques de hasard procèdent d'une même approche stratégique qui met en péril l'unité et la cohésion du pays. Un éclatement qui serait parfaitement conforme au remodelage des Etats, pensé et voulu par les plus puissants ; surtout quand l'Etat est fragilisé et le pouvoir illégitime. Les pouvoirs illégitimes, même s'ils auraient des velléités de résistance à ce mouvement, sont incapables de faire face ; ils n'ont d'autre choix que de se soumettre et de soumettre leur société par la violence. Je réaffirme avec force que les Algériennes et les Algériens ont mené une guerre de libération exemplaire qui a marqué l'histoire des peuples colonisés ; c'est bien la preuve qu'ils étaient une Nation jouissant d'une profondeur historique. Si les femmes et les hommes de notre pays ont refusé l'abdication et la soumission devant une des plus grandes puissances coloniales, non seulement sur toute l'étendue du territoire mais aussi en France, c'est qu'ils formaient un peuple uni et solidaire. Un grand peuple pour un grand pays. Les apprentis sorciers qui se livrent à ces surenchères oscillent tous entre le délire individuel et la dérive collective. Ne perdons pas de vue que l'actualité internationale montre que ces dérives politiques se situent, à tous les coups, en amont ou en aval de violations massives des droits de l'homme, de génocides, de crimes contre l'Humanité et de guerres civiles fratricides. Ni pureté religieuse, ni pureté ethnique et ni pureté idéologique, ne peuvent constituer un projet politique viable. Il n'appartient pas à un homme ou un parti politique conséquent de réaliser les fantasmes qu'ils soient individuels ou collectifs. Depuis l'indépendance, nous faisons face au même régime qui mène les mêmes politiques. Depuis le coup d'Etat de janvier 1992, l'histoire balbutie en Algérie. Le pays est malade du vide politique voulu et organisé et de l'absence de gouvernants légitimes. C'est le facteur principal d'instabilité dans le pays. Chers compatriotes Mes amis Demain sera aussi la conséquence et les résultats de nos actes d'aujourd'hui. Je sais que c'est presqu'un miracle que le peuple algérien ait survécu à ce siècle. C'est presque un miracle que chaque enfant, chaque femme et chaque homme continue malgré tout, à faire face à un quotidien terrible. Je n'ignore rien de vos meurtrissures, de vos blessures, de vos doutes mais aussi de vos espérances. Mais je connais la force, sans cesse renouvelée qui porte ce peuple à se dépasser. Je connais ses fureurs de vivre, de travailler, de voyager et de lutter. Je n'oublie à aucun moment que certains ont choisi délibérément la vacance de la démocratie dans le pays. Alors me direz vous : à quoi sert un parti politique dans cet environnement mortifère et hostile ; dans un Etat d'urgence permanent. Je vous répondrai : Il y a toujours quelque chose à faire pour un peuple, un parti ou des hommes qui ont choisi la construction, la formation et la proposition politiques. Je vous répondrai : C'est à faire et nous le ferons ! Je vous répondrai : Nous le ferons ensemble, nous le ferons avec tous ceux qui refusent de se soumettre ou de se résigner ; j'ajouterai qu'aux horizons bouchés d'aujourd'hui, il est non seulement de notre devoir mais aussi à notre portée de faire face en traçant des perspectives d'avenir. Nous voulons nous montrer dignes de ceux qui nous ont précédés et des générations futures. Notre parti s'inscrit dans la continuité historique du mouvement national et constitue un maillon important, un relais dans la chaine des luttes d'émancipation menées par les Algériennes et les Algériens. Nous avons d'abord besoin de débattre et de réfléchir. Oui nous avons besoin de débattre en toute liberté de nos problèmes, de rejeter tous les conservatismes y compris ceux qui ont cours dans notre parti. Nous devons privilégier l'analyse politique et rigoureuse des faits pour échapper à l'intoxication de l'espace public. C'est le seul moyen de respirer, en phase avec notre société, c'est le moyen d'empêcher que les uns et les autres « décident de nos têtes au dessus de nos têtes ». Nous avons notre projet, nous savons ce que nous voulons, nous avons la conviction profonde qu'un débat élargi s'impose pour répondre en toute lucidité et en toute cohérence aux exigences et défis de la situation. Oui nous nous devons d'adapter et d'actualiser l'organisation de notre parti à la fois pour organiser ce débat et pour renouveler notre stratégie. Après le pourquoi, le comment faire pour tenir une conférence nationale d'évaluation crédible. Je vous propose les thématiques de débat qui m'apparaissent essentielles. - A quoi sert une organisation politique dans un contexte de fermeture brutale de l'espace public ? - Peut-on continuer à considérer possible une voie légale et pacifique vers la démocratie ? Quels types d'actions concrètes dans l'environnement actuel - Alternances claniques ou alternatives politiques ; quel contrat politique pour le pays. Le débat sur l'économie peut-il ou pas échapper aux conditions qui perturbent les autres champs de la connaissance, en premier lieu l'opacité ? Quel est le processus de la prise de décision économique ? Nos statistiques sont-elles fiables ? Quel bilan économique et quelles propositions ? La question sociale : inégalités et injustices. Pour un Etat juste, responsable et comptable aux Algériennes et algériens Les mécanismes d'alerte et de contrôle Dans une société au développement politique insuffisant l'absence de rente induit-elle des comportements plus rationnels et moins maffieux ? Les richesses naturelles induisent-elles systématiquement une situation de rente ? Il me parait aller de soi que pour l'éthique et l'efficacité, cette évaluation doit répondre aux critères de transparence et de liberté. Les objectifs assignés et les résultats attendus dépassent le cadre partisan étroit. C'est pourquoi je vous recommande principalement que la commission d'organisation de la conférence travaille en toute liberté et indépendance ; notamment vis-à-vis des instances exécutives du parti. Ces instances apporteront l'appui et les moyens nécessaires à la réussite de la conférence d'évaluation. Je me propose de transmettre au Premier secrétaire, dans les prochains jours, la composition de cette commission. Tout en vous soumettant pour discussions, enrichissement et adoption ces propositions, je vous salue chaleureusement.