Les villes algériennes sont sales, leurs murs décrépis, leurs entrées d'immeubles repoussantes, c'est le constat unanime aussi bien des citoyens que des autorités, des visiteurs étrangers (notamment les anciens colons) que les organismes de veille internationaux. Notre dignité nationale est au plus bas de l'échelle. Doit-on se résigner à cet état de fait et n'y a-t-il aucune solution ? Des démocrates autoproclamés imputent cette situation à l'Etat et ne voient d'autre solution à l'amélioration du look des villes algériennes que par le changement du Pouvoir. Ils pensent même que toute action d'amélioration dans le cadre actuel est à même de le consolider. Pour eux, le laisser-aller permet de le décrédibiliser et le mettre devant ses responsabilités. A la limite, si l'hygiène peut faire chuter le Pouvoir, pourquoi ne pas transformer l'intérieur de nos maisons en dépotoirs. Raisonnement absurde. Cependant, il est vrai qu'à voir les autorités (wilaya, daïra, communes) se démener pour acheter les camions, les réparer, multiplier les réunions à longueur d'année, sans résultat probant, plaide pour le point de vue de l'impuissance de l'Etat à régler le problème de l'hygiène publique. Est-on cependant certains qu'un autre Pouvoir règlerait ce problème ? Ce n'est pas si sûr. Le citoyen n'a-t-il pas sa part de responsabilité ? Notre culture nationale s'accommode-t-elle d'une hygiène publique dégradée avec un certain Pouvoir et pas avec un autre ? L'étranger qui visite le pays fait-il le distinguo entre le Pouvoir et l'ensemble des algériens ? L'hygiène est un acte de foi, c'est un commandement divin, et la religion est le fondement de notre culture. En aucune circonstance, l'algérien ne devrait tolérer une hygiène publique dégradée. Si nous partons de ce principe, examinons les espaces concernés par l'hygiène pour situer les responsabilités. Dans ce cadre, nous devons considérer les trois espaces suivants : 1) L'espace privé strict ; 2) L'espace privé collectif ; 3) L'espace public proprement dit. Dans le premier espace, où la responsabilité du citoyen est totale, l'hygiène est pratiquement impeccable, même chez les couches de la population les plus pauvres. Le deuxième espace est constitué des parties communes des immeubles : terrain, fondations, piliers, escaliers, caves, terrasses, façades, ascenseurs, etc… Ces parties communes sont la propriété collective des copropriétaires. Le constat est que cet espace est pratiquement abandonné : hygiène très sommaire, entretiens rares, maintenance qu'en cas de catastrophe. Dans cet espace, la responsabilité est partagée entre les copropriétaires et l'Etat. La responsabilité de l'Etat consiste dans la promulgation d'une législation permettant de réglementer la gestion de la copropriété. Or, cette législation existe et ce, depuis longtemps : code civil, loi 83-01 modifiant et complétant l'ordonnance 75-58 portant code civil, décret 83-666 fixant les règles relatives à la copropriété et à la gestion des immeubles collectifs, décret législatif 93-03 relatif à l'activité immobilière, décret exécutif 94-59 modifiant et complétant le décret 83-666, décret exécutif 97-154 relatif à l'administration des biens immobiliers. Par conséquent, la dégradation de cet espace est de la responsabilité des seuls copropriétaires. L'espace public proprement dit : chaussées, trottoirs, rigoles, regards et égouts, places et jardins publics, toilettes publiques, hôpitaux, administrations, etc….Dans cet espace, la responsabilité de l'Etat est totale, même dans le cas où le citoyen est pollueur. En effet, l'Etat est tenu de faire respecter les règles d'hygiène publique par tous, personnes physiques et personnes morales. Là aussi, l'hygiène est très dégradée. En conclusion, des trois espaces considérés, seul l'espace privé strict est bien tenu (hygiène, entretien, maintenance). En ce qui concerne l'espace public proprement dit, l'amélioration de la situation est possible et peut être rapide si, pour ce faire, une volonté politique existe : un Etat qui a pu contraindre les automobilistes à porter la ceinture de sécurité peut aisément régler un problème de ressources humaines et matérielles et leur organisation. Par contre, la gestion de la copropriété et des parties communes des immeubles privés par les copropriétaires est d'une difficulté presque insurmontable dans l'état actuel de l'environnement législatif et culturel. Les immeubles, comme tout bien, ont besoin d'hygiène, d'entretien et de maintenance : ces exigences nécessitent des ressources financières et une organisation. Dans ce domaine, la loi prévoit une assemblée générale des copropriétaires qui est souveraine, un administrateur de biens désigné par l'AG, des charges périodiques pour les dépenses ordinaires, la fixation de la quote-part de chaque copropriétaire, le recouvrement des quote-parts par l'administrateur de biens. Or, cette règlementation est très peu appliquée et la grande majorité des copropriétaires l'ignore. La loi prévoit bien une situation transitoire : en cas de défaut d'AG, un copropriétaire diligent peut gérer en lieu et place de l'AG, sur ordonnance du Président du tribunal. Mais le véritable problème, c'est celui posé par les mauvais payeurs. La masse des copropriétaires ne rechignent pas à payer leur quote-part. Le nombre des mauvais payeurs est infime, mais leur refus de payer est dévastateur. Car, personne n'osera les poursuivre en justice, comme le prévoit la législation actuelle. Et c'est là où la culture intervient : un algérien ne peut se permettre d'ester un voisin en justice. Par conséquent, même si l'Etat se décidait à populariser la règlementation actuelle, elle restera inapplicable. En attendant, les villes algériennes ne cessent de se dégrader. Que faire ? Partant du constat que les mauvais payeurs ne seront pas poursuivis en justice, et que la situation de l'hygiène publique et de la maintenance des immeubles est un problème qui urge, il devient évident que l'Etat doit de nouveau intervenir par de nouvelles mesures plus contraignantes et plus efficaces. C'est dans ce cadre que va se situer ma présente contribution qui s'adresse aussi bien au Pouvoir qu'à l'opposition si elle venait à gouverner. Ma proposition part d'une pratique légale qui existe déjà. En effet, la loi de finances pour 2003 dans son article 67, a institué l'incorporation dans la facture Sonelgaz payée par les abonnés d'une taxe dite d'habitation d'un montant trimestriel de 75,00 DA. Cette taxe n'est incorporée que dans les communes, chefs-lieux de daïras. Elle est versée dans les recettes de ces communes pour les besoins de travaux d'embellissement. Le fait est que cette recette supplémentaire au budget des communes n'a pas eu l'effet escompté par les pouvoirs publics. Ma proposition consiste à généraliser cette taxe à toutes les communes, à la faire supporter uniquement par les copropriétaires d'immeubles, à l'augmenter à hauteur des besoins d'entretien courant des immeubles sur une période de trois mois et à la verser au compte des AG des copropriétaires de chaque immeuble. En cas de vacance de l'AG pendant trois années, les fonds récoltés seront versés à un office public, tel que l'OPGI, à des fins de rénovation et non d'entretien de l'immeuble dont l'AG est inexistante. Logiquement, les cas de vacance d'AG seront extrêmement rares, car les copropriétaires auront à cœur de récupérer leur argent pour désigner un administrateur de biens, pourvoir aux dépenses d'entretien et affecter un employé pour sortir les poubelles à des heures déterminées en concertation avec le service ramassage des ordures. Normalement, cette nouvelle mesure fera boule de neige auprès des copropriétaires de tout le territoire national. Et, en tout état de cause, si les sommes récoltées ne serviront pas à l'entretien, elles serviront au moins à la rénovation des immeubles non entretenus, ce qui n'est pas rien. Laisser les choses en l'état ne fera qu'aggraver la situation, une situation qui ne fait pas honneur à nos traditions et à notre culture nationale. A la limite, l'exil pour motif d'hygiène est un devoir religieux (l'exil de certaines familles aisées est essentiellement dû à ce motif). Afif