Chers collègues, chers amis et chers compatriotes ( au féminin aussi) Je tiens tout d'abord à vous remercier tous, sans nommer chacun d'entre vous, de vos marques de solidarité à mon égard. Ensuite, je tiens à vous rappeler que l'action que je mène depuis plusieurs années, au niveau de l'université, contre toutes les formes de « hogra », de mépris, de violation des lois, des règles d'éthiques, d'abus d'autorité, mais aussi de médiocrité, d'obséquiosité, de bassesse, de servilité, etc. dont malheureusement certains de nos collègues universitaires font preuve. Le but de ce combat relève d'une conviction philosophique profonde : sans justice et en l'absence de respect de certaines valeurs fondamentales: le droit, la justice,la probité, l'intégrité, l'éthique et la déontologie, l'amour vrai et sincère du pays; l'engagement et le sens de la responsabilité, la reconnaissance des mérites et l'exaltation de l'effort et de la compétence- sans le respect, ai-je dit, de toutes ces valeurs-, notre pays ne saurait prétendre se hisser au niveau des pays développés et civilisés. Un Etat, un pays piétinant ces valeurs fondamentales, sera immanquablement voué à l'instabilité permanente, aux injustices, qui sont source de révolte inévitable, de discorde et de guerre civile. Ceux d'entre nos responsables- nos « décideurs »- qui n'ont pas réfléchi sérieusement sur ces questions essentielles se devraient se réveiller de leur léthargie en prenant à bras le corps les questions de justice, de droit, d'équité, de bonne gouvernance saisie- celle-ci- au sens de mise en valeur des compétences nationales disponibles, de leur respect et prise en considération. Il y a une inversion des valeurs évidentes qui portent de graves préjudices à la nation: Partout il y a promotion, à tous les niveaux de l'Etat, d'une masse importante de médiocres et de Beni-oui-oui au détriment des compétents. Ce phénomène touche tous les compartiments de nos institutions, y compris universitaires, où des gestionnaires ( recteurs, doyens, chefs de département…) sont placés à la tête des postes en fonction plus de leur profils bas qu'en fonction de leurs compétences qui tiennent à des diplômes » chiffons » et qui se nommant eux-mêmes Docteurs. Ailleurs, au sein de notre appareil judiciaire, les médiocres ne sont pas rares, comme en témoigne la qualité de leurs jugements bâclés, partiaux, expéditifs. Ces juges sont si pusillanimes, si lâches et si peureux qu'ils préfèrent dire le droit plus en fonction de la peur motivée ou non, réelle ou imaginaire, que leur inspire l'Exécutif qu'en fonction de leur âme et conscience. La « petite corruption », et les tentations matérielles que leur fonction leur inspire, jointe à leur incompétence criante, conduits certains juges inférieurs, du second degré, à juger les litiges entre les citoyens non pas selon le droit et l'équité, mais d'après leur subjectivité, souvent intéressée…D'où les lésions qui en résultent pour les justiciables… Appel aux magistrats compétents et honnêtes Certes, tous les magistrats du pays, tout comme les fonctionnaires, ne sont ni tous incompétents ni tous corrompus. Je le dis sans démagogie. Il en est qui sont d'une grande compétence doublée d'une intégrité sans faille. C'est à ceux-là que je voudrais m'adresser en leur disant : soyez avec les petites gens, le peuple, et avec tous les citoyens honnêtes, ordinaires ou distingués, qui cherchent le bien du pays et qui voudraient voir un Etat fort, assis sur un socle de granit, le Droit, et non sur un sol meuble, qui ne survivra pas au Siècle et aux Hommes. Notre justice à besoin d'une réforme profonde, et devrait s'attaquer en premier lieu à la question de la formation des juges dont beaucoup, comme me l'ont fait remarquer à maintes reprises mes amis les professeurs Ahmed Mahiou et Mohand Issad, s'avèrent être vraiment d'une compétence passable. Cette réforme est une affaire de tous : celle des politiques, des magistrats, des fonctionnaires ayant le sens de l'Etat, des intellectuels et des artistes, et elle urge car elle est une demande pressante, légitime et permanente de la masse du peuple qui se sent abandonnée, en déréliction totale…Pourquoi, demandons-nous-, la réforme judiciaire initiée par le Président Bouteflika et dont l'étude à été confiée au professeur Mohand Issad en qualité du Président de la Commission Nationale de la Réforme de la Justice ( CNRJ) n'a-t-elle pas été mise en application? C'est qu'il manque comme le dit ce dernier une réelle « volonté politique », laquelle fait à présent défaut pour des raisons qui tiennent de l'ordre autant de l'irrationnel que de l'inconnue mathématique… Je ne suis qu'une victime parmi les millions de victimes anonymes de l'irrationalité de notre justice domestiquée par le politique. Au moins ai-je la chance ( et les moyens) de faire entendre ma voix indignée par rapport à ceux, nombreux, qui n'arrivent pas hurler à la face du monde leur colère… Les deux juges de Msila- celui du Tribunal et de la Cour- qui m'ont condamné de manière inique ne représentent pas tous les juges et l'on ne sauraient absolument pas généraliser leur acte partial à mon égard à tous les juges du pays. S'ils savaient comment j'ai été condamné de manière absolument cavalière, bon nombre d'entre eux seraient scandalisés, estomaqués, pétrifiés. Ces juges de Msila font honte aux magistrats honnêtes, intègres et compétents de notre pays. La physionomie générale de mes juges de Msila Celui du tribunal m'a condamné pour une diffamation imaginaire. Il n'avait même pris la peine de lire ou de faire traduire l'article incriminé; il s'est contenté de prendre pour argent comptant l'accusation infondée du recteur sur laquelle il s'est entièrement fondé. En fait, le recteur s'est fait juge et partie, tandis que le juge Gouasmi s'est fait le docile exécutant de la volonté de Slimane Barhoumi, recteur de Msila. Le juge de la Cour confirme le verdict de son collègue pour le premier procès. Pour la seconde plainte en diffamation déposée par le recteur contre moi en février 2009, je suis condamné par contumace à 6 mois de prison ferme et à 200 000 DA, et non à 20 000 DA comme l'avait écrit la journaliste d'El Watan, certainement par erreur. Après plusieurs reports, je me présente le 22 septembre 2010 devant le juge Qara ou Kara de la Cour de Msila en compagnie de mon avocat, Maître Mohamed Attoui, un ex-magistrat, un vieux Monsieur honnête, sympathique et habité par de profonds sentiments de justice, mais aussi de sentiments de gâchis, d'occasions perdues pour le pays et par nationalisme consciencieux qui place l'intérêt du pays et du justiciable au cœur de ses préoccupations. Le plaidoyer Calme, pesé et serein, il se lève et s'avance d'un pas mesuré vers le juge flanqué de deux conseillés bien concentrés sur leur dossier. Il commence son plaidoyer en égrenant l'une après l'autre les preuves palpables de mon innocence. Il démontre, preuve matérielles à l'appui, l'inanité de l'accusation diffamatoire à mon encontre. Le juge et les conseillers avaient ce grand mérite d'écouter de manière attentive le plaidoyer de l'avocat dont les mots se détachent de sa bouche avec netteté d'épure. Le juge dont la carrure forte, et la tête sympathique qui rappelle avec sa calvitie naissante le profil d'un philosophe ou d'un professeur d'une chaire blanchi sous les harnais, écoutait attentivement l'avocat et donnait l'impression d'acquiescer…. Arrive mon tour, et d'emblée j'annonce sans transition la couleur : »Monsieur le juge je vous respecte et respecte la justice de mon pays. En conséquence, je vous prie de bien vouloir appliquer avec impartialité les dispositions fondamentales de la Constitution algérienne et d'interpréter l'article 296 du Code pénal algérien en conformité avec l'esprit de la loi. Je vous rappelle que le juge du Tribunal m'a condamné sur la foi de la simple accusation du recteur qu'il avait enregistrée comme preuve sans tenir compte par ailleurs de mes six témoins venus à la barre et sans parler de mon article qui ne contient pas le moindre mot diffamatoire. Je vous demande aujourd'hui, à vous monsieur le Président, de me juger avec équité, selon le droit. C'est à vous, et non Monsieur le recteur, qui doit définir ce que c'est que la diffamation. Or, il est évident que ma condamnation initiale s'est basée uniquement sur les dires de mon recteur… » Puis un des conseillers assis à droite du Juge me coupe soudain: -Mais vous avez critiqué dans votre second article, les voies de recours comme rempart de la liberté, la justice? -Nuance, Monsieur le conseiller, lui répondis-je. Je ne suis pas réducteur et je ne verse jamais dans l'amalgame. J'ai critiqué la justice de Msila, et plus particulièrement, le juge qui m'a condamné…Relisez bien mon article dans la version originale et vous verrez que je n'ai pas critiqué la justice algérienne dans sa globalité… Mon avocat intervient : « Je pense qu'il faudrait nous en tenir à la plainte en diffamation déposée par le recteur. On n'a pas à mélangé deux registres différents… ». Sur ce, tout le monde semblait d'accord…Et tous aussi, le Juge et ses conseillers, paraissaient à la vue de leur mine apaisée convaincus par la robustesse de l'argumentation appuyée de preuves de mon avocat, et confortée quelque peu par mon propre plaidoyer…Je sortais de l'audience sans triomphe, ni exultation, mais avec le sentiment presque sûr que je serais innocenté vu la panoplie d'arguments et de preuves présentés à cette occasion à la Cour… Mais quelle fut ma surprise d'apprendre le lendemain, 23 septembre, que le verdict a été prononcé à mon encontre! L'incivilité de mes juges…. Ce juge de cour, comme celui du tribunal qui m'a condamné, mais qui a été radié depuis, et indépendamment de mon affaire, m'ont jugé selon la volonté et le désir de vengeance du Recteur qui n'avait supporté ni le portrait fidèle que j'avais dressé de lui dans El Watan, ni ma réintégration à l'université. Contre ces deux verdicts injustes, qui ne rehaussent pas l'image de la justice algérienne, et qui déshonorent les magistrats compétents et honnêtes, j'ai fait immédiatement un pourvoi en cassation à la Cour Suprême d'Alger en ayant l'espoir et la confiance en les juges supérieurs pour réparer cette injustice flagrante qui relève d'un arbitraire absolu. L'homme a incroyablement perdu en dignité, en honneur et en justice Je me dois ici de signaler un fait gravissime : certains juges de l'arrière pays profond, ne sont pas seulement incompétents, et corrompus jusqu'à la moelle épinière; ils sont aussi mal polis et arrogants. Pour avoir quasiment élu domicile dans ces tribunaux et ces cours, je peux en témoigner et parler à haute voix à leur propos : ainsi ce juge radié qui dit à ce citoyen apeuré, un pauvre bougre qui a du commettre un simple larcin, ces phrases terribles : » tu as le couteau sur la gorge! Tais-toi! » ou à cette pauvre femme enveloppée dans sa robe traditionnelle et roulant des yeux hagards tellement déconnectée de la réalité à force de malheurs : » va-t'en! Sors d'ici! Sortez-là ». Seulement parce qu'elle avait osée qu'elle était lésée et qu'elle avait besoin de compréhension et de justice! A Moi, le juge Qara de la cour me demande lors de l'une des auditions nombreuses : comment t'appelles-tu? -Je m'appelle Ahmed Rouadjia, lui dis-je. -Que m'importe, me rétorque-t-il, que tu sois chanteur! -Ah! Mais je ne suis pas, M. Le président chanteur, mais professeur d'université! Exemples parfaits qui démontrent à quel point certains secteurs de notre justice cheminent vers la déliquescence totale, pour ne pas dire vers une sorte de délinquance instituée. Aux magistrats supérieurs, aux responsables de la justice de notre pays, je tire la sonnette d'alarme et je les conjure au nom de la Raison à faire de leur mieux pour faire cesser ces dérives dangereuses qui pourraient mettre un jour en péril l'Etat et la Nation édifiés de haute lutte sur les décombres de l'Etat colonial… Et que dire de ce procureur de la République qui se lève brusquement de sa chaise au cours de l'audience et qui me dit de manière cassante: pourquoi me regardes-tu comme ça? Regarde-là bas! Puis s' avançant vers les conseillers, il se penche tour à tour à tour sur l'un et l'autre pour leur murmurer quelque chose dans l'oreille, à mon propos, comme s'il voulait leur dire : « celui-là vous devriez bien le soigner! ». Il se relève, fait les cents pas sur l'estrade, en me risquant des regards de feu comme si j'étais un ennemi à abattre! Voilà une image saisissante, raccourcie, de certains de nos juges locaux, qui se comportent de manière d'autant plus incivile qu'elle frise l'absurde. Ces messieurs n'ont rien à envier au recteur de Msila qui, lui, aussi, se conduit non pas en responsable raisonnable, mais en homme qui fait peu de cas du respect du à autrui, et ses collaborateurs immédiats qu'il traite en de vauriens, mais plient étrangement l'échine en lui disant, tremblotant de toutes leurs jambes : oui y a Sidi Raïs tout en lui faisant des courbettes à n'en plus finir… Grandeur et bassesse Nietzsche l'explique bien. Je lui donne la parole, qui conclut mon récit encore inachevé : »Le pauvre en vie, le faible, appauvrit encore la vie: le riche en vie, le fort, l'enrichit…Le premier est son parasite: le second un dispensateur par surcroît…Comment une confusion est-elle possible?… » .