36 millions d'innocents Dans la célèbre série algérienne «la faute à mon voisin», Moussa Benhamadi, ministre des Postes, vient d'apporter sa contribution. Pour expliquer la crise de liquidités dans les bureaux de poste, il a lumineusement incriminé les Algériens qui doivent changer de comportement et utiliser d'autres moyens de paiement pour leurs achats. Lesquels ? Le chèque et la carte bancaire, a-t-il encore expliqué. Première conclusion : le ministre ne vit donc pas en Algérie ou n'y achète rien. Combien de commerçants acceptent-ils le chèque et la carte ? Peut-on aller au marché avec un carnet de chèques ? Non. Mais l'explication ministérielle tant attendue étant enfin donnée, elle amène à la deuxième conclusion : si un mouton n'est pas encore payable par carte bancaire en tapant le code directement sur la laine de l'animal, c'est la faute au consommateur, voire au mouton. Le gouvernement en est encore là ; à chaque fois qu'un problème surgit et a du mal à être réglé, on accuse le citoyen, pour la crise du logement par exemple, et celles du travail, de la facture alimentaire, de l'hygiène, de l'échec scolaire, du terrorisme ou des harraga. L'inverse est, hélas, vrai aussi. A chaque problème, le citoyen accuse l'Etat, pour un séisme, une inondation ou une inquiétante inflation. Pendant que tout le monde se déresponsabilise, tout se dégrade dans l'inertie généralisée, puisque personne n'est coupable, ou tout le monde, ce qui revient au même. Un pays, comme l'amour, se fait à deux : des gouvernants élus et des gouvernés responsables de leur vote, mais dans ce cas de figure qu'est l'Algérie, la partie ressemble plutôt à une guerre qui se fait comme l'amour aussi à deux, mais où chacun est retranché sur ses positions, guettant les mouvements de l'adversaire. Qui va avancer le premier ? Personne ne le sait. La seule chose qui est sûre, c'est que pour l'Aïd, Moussa Benhamadi achètera son mouton en espèces. Chawki Amari