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Juges et procureurs : Le grand dérapage
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 10 - 12 - 2010

Verdicts injustes, réquisitoires violents, peines aléatoires, «déjugements» et acquittements après des années de prison : les juges et les procureurs semblent faire ce qu'ils veulent, sans être pour autant indépendants. Se sentant obligés de caresser l'opinion publique dans le sens de la morale, ou le régime, dans le sens de l'ordre. Même la très officielle CNCPPDH, à l'occasion de la publication mardi de son rapport 2009, relève le manque de crédibilité de la justice et le danger des erreurs judicaires. Explications.
Un drame parmi d'autres. Il y a deux semaines, Senni Salah Eddine, PDG de l'EGT-Centre, mourait en prison après avoir été condamné à deux années de prison. Pas de chance, le lendemain, il était acquitté par la cour d'appel d'Alger, aucune charge n'ayant été retenue contre lui. Dans le même temps, un procureur demandait la peine de mort à l'encontre d'un rappeur de Chlef, auteur d'une chanson subversive. C'est sa fonction, dirait-on. Appelé «el gharraq» par les justiciables du pays («celui qui noie»), le procureur est là pour demander la peine maximale. Mais entre son réquisitoire, comme pour l'affaire de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN) où il avait demandé la perpétuité, et le verdict final du juge, l'acquittement pur et simple, il y a une disproportion flagrante, d'autant qu'ils avaient déjà pris quinze ans. «Il n'y a aucune incohérence dans le cas de la CNAN, rétorque Mokrane Aït Larbi, avocat des cadres de la compagnie maritime. Le procureur a le droit de demander ce qu'il veut si la loi prévoit cette sanction. Et si la Cour suprême a cassé le jugement, c'est qu'il y a eu un vice de forme.»
Auteur d'un livre (1) récent qui montre tout le décalage entre la loi et ce qui se passe réellement dans les tribunaux, Me Aït Larbi reconnaît pourtant que les juges ne sont pas toujours clairs, «ils préfèrent souvent suivre les instructions ministérielles plutôt que le code pénal». Pourquoi Gharbi a-t-il été condamné à mort alors que d'autres crimes similaires ne sont punis que de 20 ans ? Pourquoi le gracier et revenir à une peine de 20 ans, «libérable», si ce n'est une nouvelle incohérence de la justice ? Et pourquoi les non-jeûneurs sont acquittés en Kabylie, mais condamnés à Oum El Bouaghi ? Ont-ils affaire à la même loi ? Oui en théorie, mais le système juridique algérien est basé sur «l'intime conviction», le juge étant seul maître de ses décisions, en son âme et conscience. «Un juge ne peut pas être sanctionné pour un verdict puisqu'il y a des cours d'appel et une Cour suprême pour les recours», explique encore Me Aït Larbi. Et le procureur, sur la base d'un article de loi comme le 144 bis 2, «dénigrement des préceptes de l'Islam», peut demander la peine maximale prévue, que le juge peut suivre ou non, et relaxer le prévenu selon sa vision du même article. Pour autant, est-on plus juste en Kabylie qu'ailleurs ? La justice a condamné à perpétuité des fonctionnaires de Tizi Ouzou pour avoir trafiqué des extraits de naissance et dans le même temps n'a condamné qu'à cinq ans des malfaiteurs d'Oran qui ont violé 11 femmes. Où est la jurisprudence, le cadre du jugement, et qui le définit ? Qui est censé contrôler la cohérence des verdicts et l'échelle des sanctions ?
Suivre le courant de la société
La Cour suprême, justice de la justice, à travers l'article 152 de la Constitution : «La Cour suprême et le Conseil d'Etat assurent l'unification de la jurisprudence à travers le pays et veillent au respect de la loi.» Seul défaut, ces corps d'apparatchiks sont plus préoccupés par leur gestion interne, et de toute façon, la Cour suprême ne peut pas s'autosaisir, seul l'accusé peut l'interpeller pour protester, non pas contre un juge, mais contre un verdict. Un non-jeûneur doit donc s'en remettre au juge et à sa région, plus ou moins sensible, à la pression populaire et internationale, en attendant une jurisprudence ou une explication du ministre de la Justice qui n'est jamais venue. Pour Me Mostefa Bouchachi, président de la Ligue des droits de l'homme, «le problème chez les magistrats est culturel. Ils ont le sentiment qu'ils ne sont pas indépendants et suivent le courant de la société». Pour Me Amar Bentoumi, premier ministre de la Justice de l'Algérie indépendante, auteur d'un livre sur la justice du pays (2), «les juges font parfois ce qu'ils pensent être la volonté du pouvoir». C'est donc coincés entre la société et ses archaïsmes, le régime et ses autoritarismes, que les 4000 magistrats du pays se contentent de contenter les uns ou les autres, les uns et les autres, parfois au mépris de la loi.
Pour Me Ali Yahia Abdennour, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, «tous les jugements mettant en cause des institutions (comme la CNAN) ou des affaires politico-médiatiques sont pilotés par le DRS, par l'intermédiaire d'un attaché militaire officiellement installé dans le cabinet du ministre», le colonel Khaled en l'occurrence, conseiller adjoint de Tayeb Belaïz (jusqu'à sa mise à la retraite en juillet dernier, cité dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest), et que personne ne cache dans l'organigramme. Résumé, le juge est libre de suivre le conservatisme ambiant, sauf quand il s'agit d'un procès sensible. Et en Algérie, beaucoup de choses sont sensibles, pourrait-on ajouter. Il n'y a rien à faire ? Si, la corruption. Payer ? Non, plus sérieusement, une structure est justement chargée d'assurer l'indépendance des juges, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), grand acquis d'octobre, créé au lendemain des émeutes de 1988. Mais que dit la loi sur la loi ?
L'exécutif décide, la justice suit
Il y a une dizaine de jours, le 28 novembre, le premier magistrat du pays, Abdelaziz Bouteflika, prononçait un discours pour l'ouverture de l'année judiciaire. Le 12e à l'adresse des magistrats depuis son arrivée au pouvoir, mêmes slogans, même phraséologie, Etat de droit, justice, citoyen et réformes. Pourtant, dans les faits, il y a quelques mois, un communiqué annonçait que le président de la République avait procédé à des nominations et mutations dans le corps des magistrats. La Constitution est claire : c'est au Conseil supérieur de la magistrature de gérer la carrière des magistrats, leurs nomination, promotion et autres par l'article 149, «le magistrat est responsable devant le Conseil supérieur de la magistrature et dans les formes prescrites par la loi, de la manière dont il s'acquitte de sa mission». Article 155, «le Conseil supérieur de la magistrature décide, dans les conditions que la loi détermine, des nominations, des mutations et du déroulement de la carrière des magistrats…» Mais deux décennies après sa création, le président et premier magistrat se met hors la loi tout seul et ne consulte même plus cet organe vidé de son sens. Celui-ci d'ailleurs, quelques jours après que le mouvement décidé en haut lieu, l'a entériné, devenant de fait une simple chambre d'enregistrement des décisions de l'Exécutif. C'est pourtant le pilier de la démocratie, l'indépendance de la justice. Si un juge a peur pour sa carrière, il obéira aux ordres. «Ce que l'on appelle le pouvoir judiciaire n'est pas un pouvoir, mais une instance aux ordres de l'Exécutif», réaffirme Me Ali Yahia. Il suffirait pourtant d'un rien, que ce soit le CSM qui décide réellement de la carrière des juges comme cela est prévu par la Constitution, pour que les juges rendent des verdicts plus justes.
Mais qui le veut vraiment ? Personne, bien que le Conseil supérieur de la magistrature soit composé de dix magistrats élus par leurs pairs et de neuf personnes nommées, en plus du président de la République, défini comme président du CSM. En pratique, les élections même des magistrats élus se font dans des conditions opaques et contestées. «A l'APN, explique encore Me Aït Larbi, les députés sont quand même élus par la population, mais entérinent toutes les décisions d'en haut. Toute la différence entre la loi et la pratique.» Me Amar Bentoumi préfère, lui, citer Omar Ibn El Khattab : «Le droit qui n'est pas appliqué n'existe pas.» Comment faire face alors à une injustice qui émane de la justice ? Le recours, en appel, puis auprès de la Cour Suprême. Quant au Conseil de la magistrature, il ne peut être saisi que par le ministre de la Justice, et de toute façon, «il ne sert qu'à sanctionner des juges pour attouchements sexuels contre des prévenues», ironise un magistrat qui a requis l'anonymat. Vingt ans après l'immense réforme de 1989, deux semaines après l'ouverture d'une nouvelle année judiciaire morne, personne ne se pose plus de questions. Ni les magistrats sur ce qu'est devenu le Conseil supérieur de la magistrature, pourtant créé pour leur indépendance, ni le ministre sur la séparation des pouvoirs ou la démocratie. Ni le syndicat de la magistrature qui défend le ministre plutôt que les magistrats, encore moins les juges sur leur rôle. Les justiciables, par contre, s'en posent tous les jours. A chaque convocation, ils se tiennent le ventre.
- 1. Mokrane Aït Larbi. Entre le palais et la justice. Editions Koukou. Alger, 2009.
- 2. Amar Bentoumi. Naissance d'une justice algérienne. Editions Casbah. Alger, 2010.
Chawki Amari


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