Ils ont peur; ils ne dorment plus; ils ne parlent plus. Ils attendent anxieusement, guettant le moindre signal d'alarme. Leurs valises sont prêtes depuis longtemps. Ils ont tous leurs points de chute, qui à Paris, qui à Genève, qui à Londres, New-York ou Montréal. Retour à l'envoyeur. Les temps changent… Au début des années 70, à peine sortis de l'adolescence, nous rêvions d'un vent de liberté qui viendrait nous débarrasser de toute forme d'autoritarisme. Le discours nationaliste et socialiste de Boumédiène, bien que généreux dans ses buts économiques et sociaux, nous restait en travers de la gorge, car véhiculé par un régime qui s'appuyait d'abord et avant tout sur l'armée et la police politique et non sur le peuple. Ce régime a connu de nombreuses métamorphoses, mais il est resté fondamentalement le même quant à son principe de gouvernement : le pouvoir appartient à l'armée. Après maints échecs et maintes tragédies, ce régime qui a plongé le pays dans la misère physique et morale, a provoqué un carnage, fabriqué des tortionnaires, des terroristes, des harraga, des immolés par le feu et fait de l'immense majorité des Algériennes et des Algériens des êtres sans passé et sans avenir végétant dans un présent fait d'humiliation et de lutte incessante contre toutes sortes de difficultés, ce régime honni est entré dans une phase finale de lente mais inexorable agonie. Nous devons l'aider à mourir. Leur temps est fini. Ils le savent. Nous le savons. Ce n'est qu'une question de temps. L'exemple de Benali chassé et celui de Moubârak qui le suivra bientôt arriveront-ils à secouer les dernières bribes d'intelligence politique qui leur restent? Nul ne peut s'opposer à la marche de l'Histoire. Et la roue de l'Histoire s'est enfin remise en marche dans notre région, après un arrêt qui a duré de longues décennies. Nos pères et nous-mêmes avons été bernés par des imposteurs qui nous ont volé la victoire sur le colonisateur et nous ont imposé un nouveau joug. Mais nous avons enfin compris. Il n'y a que la révolte et la lutte qui peuvent mener à la liberté et la dignité. La fracture introduite à la fin des années 70, divisant les élites qui s'opposaient au pouvoir en place en « modernistes » et « islamistes », qui a permis à ce même pouvoir corrompu de maintenir sa domination et de continuer son pillage de nos richesses, est en voie d'être réduite. Les peuples tunisien et égyptien nous ont montré la voie. C'est le peuple, en sortant dans la rue et en clamant haut et fort son rejet du système corrupteur et corrompu, qui a tranché. Ni « moderniste », ni « islamiste ». La Révolution Démocratique est portée par le peuple dans toutes ses composantes, loin des batailles idéologiques tournées vers le passé. Cette révolution n'a qu'un seul mot d'ordre : les tyrans et leur système doivent dégager. Les tyrans répondent aux masses qui crient leur colère sans discontinuer par la promesse de réaliser en quelques semaines ce qu'ils n'ont pas voulu faire durant les décennies passées à régner sur le pays sans partage. Ils disent : « Nous entamerons des réformes profondes.» Ils nomment de nouveaux gouvernements. La colère continue de monter, cependant. Les bonnes vieilles recettes ne marchent plus. Ils s'accrochent et refusent d'admettre la réalité. « Dégage! », continue de clamer la rue. « Mais après moi, ce sera le chaos! J'ai peur pour mon cher pays! ». répond le tyran, dans une dernière tentative. « Dégage! » Ils ne peuvent pas comprendre que leur temps est fini. Pour reprendre l'image donnée par un philosophe dans un entretien sur Al-Jazeera, ils sont comme le chat des cartoons de Tom et Jerry, qui continue à courir dans le vide même après avoir franchi la falaise. Il ne sait pas que plus rien ne le supporte. Et au moment où il regarde au-dessous de lui et voit le vide, il tombe. Ils se murent dans leur monde et sa logique jusqu'au dernier moment. Ils ne peuvent pas comprendre ce qu'est une révolution : une remise en cause radicale des fondements de l'ordre ancien qui doit mourir et céder la place à une nouvelle donne. Ils ne savent pas que la Révolution Démocratique obéit à sa propre logique et a son chemin tout tracé : gouvernement de transition composé de personnalité crédibles; Assemblée Constituante qui élaborera une nouvelle Constitution reflétant les idéaux pour lesquels le peuple est sorti dans la rue, affrontant les forces répressives du tyran et de sa cour; élections pluralistes libres et transparentes. Le peuple veut la démocratie authentique, celle qui permettra à ses représentants crédibles d'émerger et de gouverner le pays; celle de l'Etat de droit, de la Justice indépendante, de l'alternance au pouvoir. Plus jamais de hogra, ni d'humiliation. Plus jamais de chefs militaires qui imposent leurs protégés. Plus jamais de zaïms qui règnent à vie. L'Occident agite encore une fois l'épouvantail de l'islamisme radical. Plutôt la stabilité dans la misère et l'humiliation que l'Etat islamique, disent-ils. Plutôt Moubârak que les Frères Musulmans. Ils ne savent pas que cet épouvantail ne nous fait plus peur. Ils ne savent pas que nous voyons clair dans le jeu des tyrans qu'ils protègent. Dans notre pays, des centaines de milliers de soldats, gendarmes, policiers et agents du DRS quadrillent villes et campagnes pour traquer 300 terroristes de l'AQMI. De qui se moquent-t-ils? Sont-ils à ce point confiants dans leur appareil de propagande pour ne pas voir que leurs mensonges ne passent plus? Toutes ces méthodes de manipulation et d'instrumentalisation de l'islam, du régionalisme ou de l'arabisme ne marchent plus. Nous sommes prêts à relever le défi de la cohabitation pacifique de tous les courants politiques dans notre pays. Nous en avons assez d'avoir à choisir entre deux maux. Nous faisons confiance aux fils et aux filles les plus sincères de notre pays pour surmonter leurs divergences. Nous avons tiré les conclusions des errements passés. Nous ne voulons plus affronter nos frères et sœurs pendant que les généraux et leurs protégés pillent le pays. Notre seul message pour tous ceux qui forment ce système condamné est : «Dégagez! » Lectures: