Après Les présidents Benal et Moubarak, voici que celui du Yémen n'a plus d'autre choix que de se retirer. Il aura régné, sans partage, si ce ne sont des institutions de façade, pendant 33 ans. Comme ses pairs, ou plutôt ses compères, de Tunisie et d'Egypte, il s'était entouré de sa famille, notamment ses fils et ses neveux, qui contrôlaient des leviers importants de la politique, de l'économie et du sécuritaire. Des jours durant, dans un climat de civisme et d'organisation remarquables, les Yéménites, toutes mouvances, et toutes tribus confondues, ont pacifiquement manifesté, et appelé au départ du Président Salah. Dans la journée du vendredi 18 mars, des baltaguias armés, probablement commandés par des membres de la famille du Président ont tiré sur la foule, faisant plus de 50 morts et des centaines de blessés. Tous ceux qui connaissent le Yemen ont retenu leur souffle. Car ce pays est l'un où les populations sont parmi les plus armées au monde. Et où la susceptibilité est à fleur de peau. Rares sont les yéménites adultes et de sexe masculin qui ne disposent pas d'au moins une arme à feu. Malgré cela, et le carnage qui a été commis contre eux, les manifestants ne sont pas tombés dans la provocation, et ont refusé de répondre à la violence par la violence. Cette attitude éminemment responsable a fini de convaincre de nombreux responsables qui n'avaient pas encore rallié les manifestants de le faire tout aussitôt. Les démissions allaient s'amplifier, de hauts responsables, de diplomates, de ministres, et même des chefs parmi les plus prestigieux de l'armée, dont le très populaire Général-major Ali Mohsen al-Ahmar. Le ralliement de ce dernier aux manifestants, avec une partie importante de l'armée allait sonner le glas, en réalité, du régime Salah. Et ainsi, après bien des tractations, Le président Salah s'est rendu à la raison. Il semble que parmi les conditions qu'il a posées, il n'y en ait que deux qui aient vraiment compté. La première est que le Président Salah aurait exigé que le Général-major Ali Mohsen démissionne en même temps que lui. Façon de se venger de celui qui a scellé son destin. Le Général-major, dont la réputation d'homme d'honneur se confirme désormais, a tout aussitôt accepté. La deuxième condition dont le président sortant a fait une question non négociable est que ni lui, ni les membres de sa famille ne soient poursuivis ultérieurement pour quelque raison que ce soit. Il semble que malgré le refus catégorique d'une partie de l'opposition, qui veut poursuivre la famille Salah pour le carnage du vendredi rouge, et pour les dilapidations des deniers publics, un consensus a pu être dégagé, et la promesse aurait été faite au Président Salah que ni lui, ni sa famille ne seraient inquiétés. Un heureux dénouement, en fin de compte. Le Président Salah, malgré tout ce qu'on pourrait lui reprocher, aura été suffisamment intelligent, voire sage et humain, pour ne pas s'accrocher outre-mesure à son siège, et plonger ainsi le pays dans la tragédie. Le peuple yéménite, que d'aucuns considéraient comme des bédouins grossiers et incultes, viennent de donner au monde entier une leçon de courage, de ténacité, et d'un sens très élevé de civisme et de responsabilité politique. Le zéphyr de jasmin continue de souffler sur les peuples, pour déposer dans leurs coeurs les germes d'une dignité foulée aux pieds des brutes. Un zéphyr si doux pour les peuples, et qui se transforme en tempête rageuse contre les tyrans, qu'il déracine et qu'il emporte vers les rives de la honte, comme autant de fétus de paille…