Une semaine après le départ de l'ancien président Hosni Moubarak, des centaines de milliers de manifestants sont revenus hier place Tahrir au Caire pour fêter la chute du raïs et maintenir la pression sur l'armée pour qu'elle libère les détenus et assure de vraies réformes démocratiques. Une immense foule agitant des drapeaux égyptiens s'est rassemblée dans une ambiance de fête dans ce haut lieu de la révolte populaire qui a forcé Moubarak à mettre un terme à trois décennies de pouvoir sans partage. Après la prière du vendredi, un influent théologien d'origine égyptienne et basé au Qatar, Youssef Al Qaradaoui, a appelé les leaders arabes à écouter leurs peuples. Après les révoltes en Tunisie et en Egypte, une vague de contestation populaire touche actuellement la Libye, le Yémen, Bahreïn et l'Irak. Au Caire, la place Tahrir restait entourée de chars et un cordon de militaires vérifiait les identités aux différents points d'accès. Des membres de comités populaires composés de manifestants assuraient aussi des contrôles. Mais l'armée participait également à la fête, avec un orchestre militaire en grand uniforme jouant des airs patriotiques devant une foule ravie. M. Moubarak a quitté le pouvoir le 11 février après 18 jours d'une révolte qui a fait au moins 365 morts, selon un bilan officiel. Il a remis le pouvoir à l'armée, qui a suspendu la Constitution tout en s'engageant à préparer un retour à un pouvoir civil élu dans un délai indicatif de six mois. La «Coalition des jeunes de la révolution», un groupe de militants pro-démocratie ayant participé au déclenchement de la révolte le 25 janvier, a demandé que la manifestation de vendredi soit l'occasion «de se souvenir des martyrs de la liberté, de la dignité et de la justice». La coalition a aussi réclamé «la libération immédiate de tous les détenus» arrêtés lors des manifestations et le remplacement de l'actuel gouvernement, formé peu avant la chute de Moubarak, et chargé par l'armée d'expédier les affaires courantes. Selon Gamal Eid, un avocat du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'homme, «des centaines de personnes sont détenues», et certaines par l'armée. «Si les personnes arrêtées ne sont pas libérées, sans parler des prisonniers politiques plus anciens, cela montrerait que l'armée n'est pas sincère dans ses promesses de réformes politiques», a indiqué Mohamed Waked, un des organisateurs de la manifestation. L'armée, qui fut un pilier du régime Moubarak, reste toutefois populaire en Egypte, saluée pour sa retenue face aux manifestants. Jeudi, trois anciens ministres, dont celui de l'Intérieur Habib El Adli, et Ahmad Ezz, un influent homme d'affaires proche de Gamal Moubarak, fils de l'ancien président, ont été arrêtés pour malversations financières et placés en détention provisoire. Par ailleurs, les Etats-Unis vont offrir une aide d'un montant de 150 millions de dollars à l'Egypte pour soutenir la transition politique en cours et l'économie.