« Les démocraties ne peuvent pas plus se passer d'être hypocrites que les dictatures d'être cyniques » Géorges Bernanos, écrivain français (1888-1948) Ce n'est plus un secret pour personne, les révoltes arabes ont détrôné de sa gloire, le mythe révolutionnaire occidental et l'ont déclassé dans l'inconscient collectif universel. Elles sont devenues par la force des choses et des circonstances, un modèle à la fois exportable et enviable au- delà des mers et des cieux, et plus que tout, une source de fierté pour ces peuples arabes longtemps écrasés sous les tyrannies des oligarchies décrépites et archaïques. Hormis, le cas d'espèce libyen, et celui de la Syrie, les insurrections du monde Arabe ont rompu avec le stéréotype classique de confrontation violente avec les pouvoirs politiques. En ce sens, la rue arabe a crée une nouvelle forme révolutionnaire à mi-chemin entre le schème révolutionnaire aussi classique qu'obsolète de violence nue et le prototype moderne se basant sur l'évolution naturelle des choses, c'est pourquoi les sociétés occidentales sont fascinées par ce nouveau souffle qu'avaient imprimé sur l'actualité mondiale des masses populaires, jadis perçues comme soumise, inconsciente et résignée à leur sort. En effet, si l'Occident de la deuxième moitié du XX siècle avait considéré l'espace arabo-musulman sous l'unique angle rétrograde du « dictatorialisme », il aurait toutefois fallu aujourd'hui qu'il rectifie le tir en le classifiant dans le droit fil du peloton que l'on nommerait tout naturellement « révolutionnarisme », les données politiques ont, en fait, changé d'essence et de substance, la dictature, censée être une marque de fabrique arabe n'est plus ce qu'elle était avant le 14 janvier 2011, date de la fuite de Ben Ali de la Tunisie, raison pour laquelle, l'ensemble géographique arabe, senti comme une aire de mort politique atroce et un espace de non-vie sociale a, en l'espace de quelques mois, catégoriquement chamboulé les cartes en devenant la locomotive principale du dynamisme révolutionnaire à l'échelle mondiale. Dans cet esprit et suivant ce fil conducteur, les oligarchies économiques mondiales, prises en grippe par la fronde sociale des classes défavorisées de leurs sociétés, ont hâte à en amoindrir l'effet médiatique afin d'éviter la contagion de la fièvre de la révolte sur leurs terres. Il semble clairement que même les démocraties occidentales sont décadentes, défaillante, et démoralisante parce qu'inopérantes face au déluge de la crise économique mondiale qui aurait remis en cause leur efficacité et dont les conséquences sont extrêmement désastreuses pour leur cohésion sociale. De plus, il est éminemment significatif de voir de plus près l'ascendant incroyable qu'ont pris les révolutions du Jasmin et celle du Nil sur les consciences des masses occidentales. Celles-ci ont redécouvert les facettes cachées de ces peuples arabes révoltés, méconnus et lointains. Mais assoiffés de liberté, conscients des défis du présent et aspirant à un avenir serein, enlacés par les bras protecteurs de la démocratie. L'exemple d'engagement de la société civile tunisienne et de son intelligentsia résolue à en finir avec le régime oppresseur qui les a tant humilié et clochardisé des décennies durant a subjugué même les élites européennes, l'emballement médiatique et l'effet de domino gigantesque qu'ont provoquées les révolutions arabes en sont la parfaite illustration. A dire vrai, la rapidité avec laquelle se sont déroulés les événements à l'origine de la chute du régime tunisien a ébranlé les clichés occidentaux fantaisistes sur le monde Arabe. Lesdits stéréotypes sont en effet, déformateurs et construits sur mesure afin de travestir les fondements civilisationnels de la réalité aussi bien orientale qu'arabe. D'ailleurs, la dictature en elle-même, n'est guère le produit de la mentalité des Rais arabes mais au contraire, elle jette ses racines dans l'histoire européenne contemporaine, Hitler, Mussolini, Franco, et Ceauseco ne sont en vérité qu'un petit maillon d'un long chapelet de ces longues tragédies de l'histoire. Donc, l'on est en droit de dire aujourd'hui, plus que tout autre époque, que cette fameuse exception arabe du despotisme n'est qu'une forme d'infantilisation des peuples et des civilisations par l'Occident arrogant. Pire, elle est une manière insidieuse de diversion nourrie de mépris à l'égard des ensembles géographiques dont on ignore le pouvoir de transformation et de façonnement et d'influence sur l'histoire, chemin faisant, ces clichés obturent les voies de compréhension de l'autre en le projetant dans une sorte de foire d'exotisme. Le mythe de l'Occident, berceau des droits de l'homme et de démocratie est savamment entretenu par les chancelleries occidentales, mais il aurait suffi de jeter un petit coup d'œil furtif sur la réalité du monde actuel pour se rendre compte, tout de suite, que tout n'est qu'un simulacre de vérité teinté d'hypocrisie. Ces Etats européens qui se disent, actuellement, consternés par la cruauté de la terreur de Kadhafi en Libye et de la répression de Bachar Al-Assad en Syrie veulent tromper tout le monde alors qu'ils les ont installé sur leur trône et soutenu dans leurs politiques liberticide, dictatoriale, et archaïque contre leurs peuples des années et des années. Mais avec ce vent de révolte qui souffle sur le monde arabo-musulman, une nouvelle tendance de perspectivisme politique se profile clairement à l'horizon: l'exception arabe n'est plus question d'autoritarisme mais surtout de « démocratisme » et d'aspiration au renouvellement. Ce qui était , il y a peu de temps, un rebut de l'histoire et un échantillon d'inertie politico-social s'est mué, en un laps du temps relativement très court, en un prototype démocratique d'envergure à telle enseigne qu'il ait pu susciter toutes les convoitises de par le monde entier. Ainsi, les madrilènes ont décidé le 20 mai dernier à camper sur la place « Puerta del Sol » pour protester contre les mesures prises par le gouvernement de Zapatero pour absorber les retombées de la crise économique mondiale qui sévit sévèrement en Espagne en calquant exactement le modèle égyptien du rassemblement à la Place al Tahrir le 25 janvier dernier, il paraît que la révolution arabe fait des émules de par et d'autre de la Méditerranée et de l'Océan atlantique. En résumé, l'on pourrait dire que la dictature en sa forme la plus primaire et la plus barbare a généré un schème de pensée régressif, péjoratif et dépréciatif dans l'imaginaire occidental, très prompt, à s'auto-générer, s'auto-reproduire et s'auto-renforcer depuis belle lurette, dans les formes abstraites de la pensée coupées de la réalité spatio-temporelle du monde Arabe. Cela nous renseigne, à bien des égards, sur les écarts de perception condescendantes du monde évolué, se disant et se proclamant libre et qui nie la possibilité de développement progressif et du perfectionnement graduel des peuples et nations. En ce sens, le besoin de démocratisation ne s'institue aucunement en dehors de la propre volonté des peuples quoique les Etats soient d'une manière ou d'une autre périphériques et dépendent en grande partie des puissances du centre comme l'a judicieusement constaté l'économiste égyptien Samir Amin. En fait, l'aspiration au changement est fonction de tempérament, de disponibilité, de volonté des masses et plus que toute autre chose, d'éducation, du civisme et de conscience des peuples de la nécessite de transcender leur sous-développement pour enjamber les rails du progrès. Si les masses arabes avaient longtemps sombré sous le diktat des despotismes de toutes sortes, les sociétés occidentales, elles aussi, subissent de plein fouet, la dictature du consumérisme, de la déchéance des valeurs dans la phase critique du post-modernisme, et du despotisme de l'individualisme le plus rétrograde. Mais une chose semble s'éclaircir sous nos yeux: le cycle civilisationnel cyclique dont a parlé le grand sociologue Ibn Khaldoun est toujours de vigueur, le tour serait peut-être aux peuples arabes afin d'étrenner les nouveaux habits du progrès et de recentrer la marche de l'histoire à leur niveau. C'est pourquoi, il n'est plus besoin d'être prophète pour le savoir, la dictature n'est point une fatalité historique ni encore moins une création arabe mais qu'elle existe bel et bien depuis la nuit des temps et qu'il n'est point du pays fort ou faible mais de peuples conscients ou ignorants. Lectures: 13