In La Nation.info Jeudi 2 Juin 2011 Une semaine bien pleine que celle qui vient de nous quitter. Mais pleine d'un déjà-là antérieur aux évènements qui s'y sont produits. Quand l'écoulement du temps n'apporte pas de changement il ne reste qu'un curieux sentiment de déjà-vu. Auquel il est difficile d'accorder du crédit. Déjà vues les têtes. Déjà vues les têtes qui se sont rendues à l'invitation de la commission BTB (Bensalah, Touati, Boughazi) pour reprendre la formule d'Ahmed Selmane. Et même pas la naïveté de croire qu'en mariant les dix propositions de Nezzar aux dix propositions de Sahnouni on obtienne une seule réponse. Sur les intentions de l'auteur. Réjoui et satisfait Déjà vue la face réjouie de Raffarin à côté de la face satisfaite de Benmeradi. A en croire le dictionnaire « réjoui » peut avoir pour synonyme « content » ce qui correspond à la sensation qui accompagne la satisfaction d'un besoin. En revanche « satisfait » relève de l'univers des sentiments et correspond à l'assouvissement d'un désir que Freud fait correspondre à une pulsion d'autoconservation. Tout n'est pas simple dans les relations bilatérales. La satisfaction des désirs des uns correspondant à la satisfaction des besoins des autres. L'échange n'est inégal que d'un point de vue économique. Encore que depuis que les économistes se sont mis en tête de quantifier le bonheur… Celui des dirigeants en ex- colonies doit se mesurer à l'aune des bonnes affaires qu'ils font faire à leurs vis-à-vis non indigènes. Mais gardons à l'esprit qu'il s'agît là d'autoconservation. Et par ces temps qui stagnent à défaut de changer… Déjà vue l'atmosphère. Déjà vue l'atmosphère de chaos qui accompagne les matchs de foot, le délogement des vendeurs de rue, les listes d'attribution de logements sociaux. Les météorologues qui ont vulgarisé la notion de chaos signalent que cette dernière accompagne celle de limite de prévisibilité. Selon ces scientifiques l'atmosphère oublie tout en deux semaines. Donc dans deux semaines l'atmosphère de chaos aura oublié les raisons pour lesquelles elle s'était déjà manifestée. Elle reviendra pour d'autres raisons. Qui concerneront un autre ministre que la fois d'avant. Une autre wilaya. Ou un autre service de sécurité. En attendant la coordination. Histoire de modèle On a parlé de modèle turc cette semaine à Alger. On parle en fait beaucoup de modèle turc dans le monde arabe ces derniers temps. Depuis qu'un cercle de réflexion Turc, TESEV, a publié en février dernier une enquête sur le rayonnement régional de la Turquie qui a concerné les pays arabes et l'Iran. Il en est ressorti que les deux tiers des sondés considèrent que la Turquie « représente un exemple de mariage réussi entre Islam et Démocratie » 78% estiment que la Turquie devrait jouer un rôle plus important dans la région. Toujours selon cette étude, les trois forces du modèle turc sont dans l'ordre : sa tradition musulmane, son économie dynamique et son gouvernement démocratique. Analysant le parti islamiste au pouvoir, l'AKP, un chercheur turc note : « Mr Erdogan a dépensé plus d'énergie à libéraliser l'économie qu'à islamiser la société. L'AKP a été conçu pour gouverner. Son fonds de commerce est la prospérité de son électorat, et non sa frustration. La pratique du pouvoir dans une république laïque et les négociations d'adhésion à l'UE ont transformé l'AKP. » . Question de sociologie Quant à l'armée turque… Elle change de chef d'Etat-major tous les 4 ans de façon régulière depuis longtemps et on peut trouver sur Internet les C.V. détaillés des 28 généraux qui se sont succédé à la tête des forces armées turques. Pour ne soulever que ce détail. Le reste est une autre histoire : « La sociologie militaire a établi avec force que le « poids de l'histoire » est une variable importante quand on souhaite aborder la question du changement dans les institutions militaires. » Levent Unsuldi : Le système de valeurs de l'Armée turque. D'autres récusent jusqu'à l'idée de modèle démocratique turc. Pour Alican Tayle : » le droit des minorités, notamment des kurdes, n'est pas respecté même s'il ya des améliorations. Il ya également beaucoup de journalistes en prison ou traduits en justice. » Difficile de faire l'unanimité. Mais encore plus difficile d'imaginer un modèle turc en Algérie à partir du prototype de militaires et d'islamistes que l'on a pu voir faire des propositions à la commissions Bensalah. Avec la généralisation du repentir on les verrait plus facilement concourir à la réalisation d'un modèle soudanais. On se souvient que c'est le modèle portugais qui avait été évoqué dans les années 90. On peut au moins apprendre une chose des transitions démocratiques en Amérique latine : les armées sont concernées au premier chef par les réformes. Et pour ce faire il faut : « une direction civile forte et importante capable de transmettre l'ordre de jour démocratique aux casernes. » (Antonio Varas). On n'a pas encore vu ça à Alger. Ou de processus. Le modèle n'est pas tout, à ce qu'en disent les chercheurs de l'Association européenne pour la modélisation de la complexité, dont le fondateur Jean Louis Le Moigne s'interroge sur les rapports qu'entretiennent les systèmes d'information et les systèmes de décision. Modélise, dit-il c'est instrumentaliser. Modéliser implique de construire une image qui ressemble par quelques aspects à l'objet d'étude. » Tandis que d'autres se font plus explicites : « …la signification ne s'arrête pas dans la référence, elle est un processus.» Et question processus… on est plus proche de la Somalie que de la Turquie. Heureusement qu'il ya la rente… qui nous tient à égale distance de la déroute somalienne et des performances économiques turques. Une position d'équilibre instable due, entre autres, au fait que la relation avec l'étranger vise essentiellement à satisfaire les besoins économiques de nos partenaires en échange de la satisfaction des désirs politiques de nos dirigeants. Et ces derniers vont, Ramadan après Ramadan, émeute après émeute s'occuper à répondre aux attentes incompressibles des ménages. En sucre, en semoule, en huile… Pour le reste, nous sommes priés de contracter un crédit sur réformes à venir. Le problème c'est que le score de crédit politique du régime est égal ou inférieur à zéro. Lectures: