par Mokhtaria Bensaâd, Le Quotidien d'Oran, 17 août 2011 Les pénuries répétées de médicaments restent une énigme même pour les professionnels du secteur. Une situation bien réelle qui dure depuis des années et pour laquelle aucune explication claire n'est donnée même de la part du ministère de la Santé. La liste des produits en rupture de stocks s'allonge de jour en jour au moment où la tutelle refuse d'admettre cet état de fait préférant minimiser le problème et parler de simples perturbations dans le marché. Une position que les professionnels du médicament ainsi que les associations de malades ne cessent de dénoncer avec force soulignant que le pire est à venir si aucune mesure urgente n'est prise pour réguler ce marché, devenu otage de ce qu'ils qualifient du « lobby du médicament ». Des voix s'élèvent pour proposer des solutions. C'est le cas du directeur général de la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), M.Cherif Dellih, qui est sorti de sa réserve pour lancer un appel aux pouvoirs publics pour l'exemption des produits pharmaceutiques de son établissement des dispositions de la loi sur les marchés publics. Il a, également appelé les pouvoirs publics à confier l'importation des produits pharmaceutiques entrant dans le cadre de programmes de prévention à la PCH en vue d'éviter «les ruptures répétées». Le premier responsable de cet établissement public, dans une déclaration à l'APS, reconnaît sans détour l'incapacité de la PCH d'assurer l'approvisionnement et le maintien d'un stock de sécurité de médicaments pour une durée de six mois. Des déclarations qui expliquent clairement le problème qu'a connu la pharmacie centrale dernièrement avec une rupture de stocks de plusieurs médicaments vitaux au niveau des hôpitaux et qui a provoqué la colère des médecins et malades. Pour le directeur de la PCH, son établissement ne doit pas être « soumis aux mêmes dispositions que celles imposées aux autres produits importés », arguant que l'établissement en question est tenu de distribuer les médicaments sur les structures hospitalières mêmes si ces dernières ne sont pas en mesure de s'acquitter de leurs prix ou des créances de la PCH. D'où la difficulté pour celle-ci d'en assurer l'approvisionnement. Il indique d'autre part que « les hôpitaux accusent un retard dans l'acquittement de leurs dettes car ils ne bénéficient du budget de fonctionnement qui leur permet de se doter en médicaments qu'à partir du 2e trimestre de l'année outre les dispositions de loi sur les marchés publics auxquelles ils sont soumis. Comme solution, le même responsable propose que la pharmacie centrale soit « dotée des moyens financiers suffisants qui lui permettent d'assurer pleinement sa mission vu les dysfonctionnements financiers auxquels elle est exposée ». Evoquant l'approvisionnement de la PCH auprès d'opérateurs privés, M.Dellih attire l'attention sur l'inexistence d'une institution étatique devant prendre en charge la non disponibilité des médicaments en cas de défaillance de ces opérateurs qui, estime-t-il ne respectent pas le choix des produits définis dans le programme national d'importation de médicaments. Même son de cloche chez le syndicat national des pharmacies d'officines (SNAPO). Son président, M.Belambri, dénonçant cette opacité qui continue à régner dans le marché du médicament et l'absence de toute explication sur les raisons des pénuries répétées, se dit favorable pour la levée de toute mesure contraignante qui peut avoir des conséquences négatives sur la disponibilité du médicament. Pour le SNAPO, toute structure que ce soit la PCH ou les officines doit avoir un stock de sécurité qui lui permet d'assurer un approvisionnement continu sans interruption. C'est loin d'être le cas actuellement, souligne le président du SNAPO qui estime que des réformes doivent être apportées au secteur avec des évaluations et un diagnostic établis en collaboration avec les professionnels afin d'adopter les solutions qui s'imposent. « Le système actuel a prouvé ses limites. Conséquence le marché est incertain et on ne sait pas ce que sera demain avec des livraisons rationnées et des quantités très limitées qui ne suffisent pas à la demande », explique-t-il. Il dénonce les exclusivités et le monopole détenus par certains importateurs pour certains médicaments, les pénuries inexpliquées, les ventes concomitantes et le lobby des médicaments qui gangrène le marché. Avec une liste de 250 médicaments en rupture, le premier responsable de ce syndicat se montre pessimiste en exprimant une crainte que « le pire est à venir en matière de disponibilité et depuis que le gouvernement a fait marche arrière en 2010 sous la pression du lobby de médicament en gelant l'instruction signée par le chef du gouvernement stipulant que l'approvisionnement se fera directement par les producteurs aux officines ».