Abus de pouvoir, écarts de langage et exclusion arbitraire Des étudiants dénoncent les dépassements du directeur de l'ENSSP El Watan le 27.11.11 Mohamed Bouacha, directeur de l'ENSSP, rejette en bloc les accusations d'insultes proférées à l'encontre des étudiants. Rien ne va plus à l'Ecole nationale supérieure de sciences politiques (ENSSP) d'Alger. Des étudiants et des enseignants dressent un véritable réquisitoire contre le directeur de cette prestigieuse école, qui a été lancée en grande pompe en 2010. De quoi s'agit-il au juste ? Ceux-ci, qui ont pris attache avec la rédaction d'El Watan, évoquent de nombreux dépassements qui portent atteinte à la dignité humaine de l'étudiant et perturbent son cursus universitaire, «en violation des lois de la République», dont s'est rendu coupable le premier responsable de cette école, M. Bouacha. Celui-ci est accusé d'abus de pouvoir et de graves écarts de langage envers les étudiants, qui n'honorent en rien l'université algérienne. Un étudiant en deuxième année de mastère, qui a requis l'anonymat, raconte ses déboires avec le premier responsable de cette école : «J'avais à subir une opération chirurgicale au genou. J'ai eu l'accord de l'administration, signé par le chef de département, pour ne pas être sanctionné pour les absences. A ma grande surprise, j'apprends que le jour même de mon opération, le directeur de l'école affiche mon exclusion sans aucune raison. Comme si on n'avait pas le droit de tomber malade !» Selon cet étudiant, M. Bouacha a additionné les absences des trois semestres pour justifier cette exclusion. «Pourquoi me faire admettre au troisième semestre pour ensuite m'exclure en invoquant un règlement interne qui n'existe pas ?» s'est-il interrogé. «Cela s'appelle de l'arbitraire», a-t-il tonné. «Même Bouteflika ne pourra rien pour toi», lui aurait lancé M. Bouacha, visiblement sûr de lui. Comment, en effet, prendre des décisions qui pénalisent les étudiants en vertu d'un règlement intérieur qui n'existe pas ? De l'avis même d'un responsable d'une grande école à Alger, la décision d'exclusion des étudiants prise par M. Bouacha est «illégale». Il estime que le directeur de l'ENSSP n'a pas le droit de sanctionner et d'exclure un étudiant selon son bon vouloir. Pour lui, additionner les absences des trois semestres pour sanctionner un étudiant est «une véritable supercherie» et «un abus de pouvoir caractérisé». Notre interlocuteur, qui a eu à connaître le parcours de M. Bouacha du temps où il était enseignant à l'ISIC, se demande comment un tel «personnage controversé» a été placé à la tête d'une grande école alors qu'il a de tout temps eu des relations «tumultueuses» avec ses étudiants et ses collègues enseignants. Décision illégale Des enseignants et des proches collaborateurs de M. Bouacha ont carrément pris la décision de démissionner de leur poste pour ne pas avoir à cautionner ses agissements. «Le directeur de l'école nous a traités d'ânes, sans aucun respect ni considération à notre égard», témoigne un autre étudiant, inscrit lui aussi en deuxième année de mastère. Ce dernier avoue qu'il a fini par jeter l'éponge et quitter définitivement l'ENSSP sous la pression. «M. Bouacha m'a clairement donné l'ordre d'aller dans ma région d'origine pour faire d'autres études», a-t-il dénoncé. Un ancien enseignant de cette école fait part de l'hostilité du directeur de l'ENSSP à l'arrivée des enseignants de qualité et à la compétence avérée, tels que M'hend Berkouk et Rachid Tlemçani, «de peur qu'ils lui fassent de l'ombre». Selon lui, M. Bouacha a fait appel à d'anciens militaires pour prodiguer un enseignement académique alors qu'ils n'ont aucun sens de la pédagogie. «Il a écarté des enseignants de sciences politiques, qui ont une longue et riche expérience et sont utiles pour les étudiants, pour des buts inavoués», a-t-il tempêté. Trois étudiants ont par ailleurs passé le concours de magistère avec succès à l'Institut des sciences de l'information et de la communication (ISIC) dans les filières journalisme et sciences politiques. Apprenant la nouvelle, le directeur de l'ENSSP a sommé les trois lauréats de choisir entre le mastère qu'ils préparaient à l'ENSSP et le magistère qu'ils venaient de décrocher. Comment peut-il obliger des étudiants brillants à opter pour un tel choix et les mettre devant le fait accompli, alors qu'aucun règlement ne lui permet d'agir de la sorte ? Echaudés par ces interventions abusives, ces étudiants finissent par opter pour la préparation uniquement de leur magistère, à leur plus grande déception. Contacté par nos soins, le chargé de la communication du ministère de l'Enseignement supérieur, Nourreddine Zaid, affirme qu'aucune requête n'a été déposée au niveau de son département concernant ces affaires, mais il indique que la tutelle n'a pas à s'immiscer dans des décisions prises par le directeur de cette école. M. Bouacha, directeur de l'école nationale supérieure de sciences politiques : «Ce qui compte, c'est la rigueur et le sérieux» M. Bouacha, qui nous a reçus en présence de son staff dirigeant, rejette les accusations d'insultes qu'il aurait proférés à l'encore des étudiants, mais assume pleinement les autres décisions qu'il a prises à l'encontre des étudiants. Pour lui, le sérieux et la rigueur sont érigés en règle de conduite pour faire de cette institution une grande école digne de ce nom. Selon lui, si les postulants qui viennent de toutes les wilayas du pays se bousculent pour accéder à l'ENSSP, c'est grâce à la réputation qu'elle s'est forgée depuis son lancement. Ce responsable reconnaît par ailleurs l'inexistence d'un règlement intérieur propre à l'école, mais il indique qu'il est en préparation. Meziane Cheballah