Ils refusent que leur mouvement soit récupéré. Ils se disent apolitiques et ne répondent à l'appel d'aucun parti ni association, ni mouvement de quelque ordre soit-il. Des étudiants de différentes spécialités des universités et écoles supérieures du pays veulent faire valoriser leurs diplômes d'ingénieur, de magistère ou de doctorat obtenus dans le cadre du système classique. «Nous ne sommes pas contre le système Licence Mastère Doctorat (LMD), ne cessent de répéter des étudiants en graduation ou en post-graduation, soutenus par des titulaires de magistères. Leur principale revendication est partagée par l'ensemble des étudiants des écoles et universités des différentes wilayas. Pour convaincre le ministère de l'Enseignement supérieur (MES) de «la légitimité» de leur revendication, ils observent une grève depuis plus d'une semaine. Circonscrit au début à quelques écoles supérieures d'Alger, le mouvement s'est élargi aux universités. Mercredi dernier, les étudiants ont tenu un rassemblement devant le MES et certains d'entre eux ont même passé la nuit devant l'entrée du ministère. Malgré le froid, les étudiants venant de Boumerdès notamment avaient décidé de rester sur les lieux jusqu'à ce que le décret présidentiel n° 10-315 du 13 décembre 2010 «modifiant et complétant le décret présidentiel n° 07-304 du 29 septembre 2007 fixant la grille indiciaire des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires» soit abrogé. Pour mieux faire entendre leur voix, ils ont désigné une délégation nationale qui représente plus de 8 000 étudiants du système classique de l'ensemble des universités. Depuis plus d'une semaine, plusieurs universités sont paralysées. «Nous maintenons la grève jusqu'à l'annulation du décret», a soutenu un étudiant en 5e année de l'Université Saâd Dahlab de Blida. Même son de cloche à l'Université des Sciences et de Technologie Houari Boumediene (USTHB) où les accès des neuf instituts ont été fermés par les étudiants. «Le rectorat est fermé également. Ça fait plusieurs jours que nous avons bloqué l'entrée», expliquent des étudiants de cette université, reconnaissant qu'ils ont été reçus par le vice-recteur sans qu'une suite favorable à leurs revendications ne soit donnée. «Le LMD est un bon système mais il a été mal appliqué», soulignent des étudiants et des enseignants de différentes spécialités. Les futurs ingénieurs en informatique, par exemple, ne s'opposent pas au LMD mais veulent avoir la possibilité de poursuivre des études en post-graduation dans le régime classique. Plusieurs spécialités en magistère ont été fermées cette année et les diplômés qui ont voulu poursuivre des études en post- graduation ont été invités à s'inscrire en 2e année mastère. «Après l'obtention du mastère, ils ne peuvent poursuivre des études en doctorat du nouveau système qu'après avoir répondu à certains critères, alors que les diplômés en mastère du LMD ne sont soumis à aucune condition», dénoncent des étudiants en biologie notamment, souhaitant avoir la possibilité de poursuivre, sans condition aucune, des études doctorales du LMD. En ce sens, ils interpellent le ministère pour corriger ce qu'ils qualifient de «dérapage de l'équivalence». «Nous réclamons un traitement équitable comparativement aux diplômés en mastère», ont insisté les étudiants de 5e année. Ils plaident à cet égard pour le maintien du magistère jusqu'à la dernière promotion du système classique. Les étudiants s'élèvent aussi contre l'exclusion pure et simple des recalés de 2e année, car il n'existe plus de classes de ce niveau, alors qu'ils ont le droit en principe de refaire l'année. Ces étudiants n'ont même pas eu la possibilité de s'inscrire en 2e année LMD. En dépit de ces contraintes, les étudiants du système classique veulent que leur diplôme soit classé au même titre que le mastère LMD et que le magistère soit aligné sur le doctorat LMD. Joints par les étudiants en post-graduation et les titulaires de magistère, ils ont adressé des plateformes de revendications au MES où se sont réunis jeudi les responsables avec les chefs d'établissements universitaires, et des recommandations ont été formulées afin de corriger les insuffisances enregistrées depuis l'application du LMD en 2004. L'installation d'une commission chargée d'élaborer les équivalences entre les deux systèmes de formation universitaire est indispensable à leurs yeux, car ils refusent «le déracinement du système classique et la mise en péril de l'avenir des nouveaux diplômés et étudiants en post-graduation». Le LMD appliqué de manière aléatoire A l'USTHB, par exemple, les étudiants de ce système affirment qu'ils rencontrent des difficultés pour suivre les programmes «trop chargés». Ce sont les mêmes programmes du système classique avec quelques modifications. Au lieu d'être enseignés au cours de toute l'année universitaire, ils sont condensés en semestres, ont expliqué des étudiantes en 3e année en raffinage pétrochimie. Ces dernières ont relevé plusieurs autres incohérences comme la modification des critères de passage dont les étudiants ne sont informés qu'à la dernière minute. Même s'ils ont obtenu une moyenne générale des deux semestres supérieure à 10, certains étudiants sont tenus de refaire l'année parce qu'ils n'ont pas eu 10 de moyenne pour l'un des deux semestres, en raison de la moyenne non cumulable. Mais, l'année d'après, cette condition a été modifiée et les étudiants ont pu accédé à la 3e année même s'ils ont eu moins de 10 de moyenne dans l'un des semestres. Les coefficients des modules qui changent aussi annuellement perturbent les étudiants qui ne savent pas sur quel pied danser. A titre d'exemple, ces étudiantes ont cité le cas du coefficient d'un module qu'elles croyaient fixé à deux, alors qu'à la fin du semestre, l'administration leur a signifié qu'il était fixé à 4. Le manque de communication et l'absence d'information les perturbent davantage. Ceux qui ont obtenu leur licence LMD au cours de l'année universitaire précédente ont été surpris de la réaction des entreprises qui ne reconnaissent pas leur diplôme qui, à défaut, est assimilé à celui de technicien supérieur. Ils ont fini par comprendre que le marché du travail n'est pas encore prêt à accueillir les premiers diplômés du système LMD.