C'était il y a vingt ans, le samedi 11 Janvier 1992 : à la suite des élections générales du 26 Décembre 1991, donnant une très large victoire dès le premier tour, au parti islamiste du F.i.s – le Front islamique du salut – une junte militaire issue de l'ex armée coloniale française et recyclée dans l'armée nationale populaire avec à sa tête, les généraux : Larbi Belkheir, alors Ministre de l'Intérieur et son complice Khaled Nezzar, Ministre de la Défense, s'emparait du pouvoir par un Coup d'Etat, en destituant le président – M. Chadli Bendjedid – qui s'était déclaré prêt à respecter les résultats du scrutin. La junte proclama ensuite l'annulation du scrutin, violant ainsi la Constitution du pays et foulant aux pieds la volonté souveraine de cette majorité du peuple algérien qui venait d'exprimer librement ses choix. Le 16 Janvier 1992, le défunt président Mohamed Boudiaf, en exil au Maroc, rentrait à Alger pour y présider le Haut Conseil d'Etat, institué par les putschistes au lendemain de leur forfaiture. Le défunt président Boudiaf avait accepté cette charge en effet, sur les instances pressantes de son « ami » l'avocat Ali Haroun, de Larbi Belkheir, de Khaled Nezzar et de Sid Ahmed Ghozali, alors Chef de Gouvernement.qui ont tous les quatre, trahi sa confiance en maquillant la réalité et en jouant sur le registre du devoir patriotique, très aigu chez le défunt, l'un des leaders historiques de la révolution algérienne. Les généraux putschistes, tout autant que leurs complices des milieux laïco-affairistes, autoproclamés « démocrates », étaient en fait, totalement affolés par le raz-de-marée islamiste qui signifiait pour eux, la fin des rentes et des privilèges qu'ils s'étaient taillés en tant que véritable classe dominante ; en tant que véritable caste au-dessus du peuple et au-dessus des lois. Car, – malgré certains soutiens extérieurs occultes dont ils disposaient – les grondements de la rue et les réprobations internationales leur faisaient craindre les pires des conséquences pour eux, du fait de la forfaiture qu'ils venaient de commettre imprudemment contre l'Algérie et contre le peuple algérien. Ils avaient donc un besoin pressant d'un homme politique historique, de l'envergue de Mohamed Boudiaf, comme « pare-feu » dans l'urgence, en attendant de voir venir les choses…. C'est assez dire – et c'est là une conviction partagée par une majorité de citoyens – que le sort du président Boudiaf était déjà scellé, au moment-même où il posait pied à Alger, en ce début de soirée du 16 Janvier 1992. Un sort dont il avait probablement précipité l'échéance, en se murant dans un silence de remords et en se démarquant de plus en plus des criminels qui l'avaient trompé et dont il découvrait chaque jour un peu plus, l'étendue de leurs turpitudes et de leur immoralité, de leur félonie et de leur profonde corruption, autant politique et morale que matérielle. Ainsi, le 9 Février 1992, après avoir institué un Haut Conseil d'Etat de 5 membres, le « HCE » présidé par le défunt Boudiaf, en remplacement du Chef de l'Etat destitué, et désigné un Conseil national de transition, le « CNT » tenant lieu d'un parlement godillot, composé d'un ramassis d'opportunistes de tous horizons, les putschistes firent entériner par ces instances fantoches, l'Etat d'Urgence sur l'ensemble du territoire national, et qui n'allait être levé que 19 ans plus tard, le 24 Février 2011. Un Etat d'Urgence totalement illégal donc, mais qui allait servir d'alibi aux généraux putschistes, durant la « décennie noire » (1992 – 1999), pour engager contre une large partie du peuple algérien – les islamistes ou soupçonnés tels – la plus barbare et la plus féroce des répressions que l'Algérie indépendante ait connue. Toute la panoplie du terrorisme d'Etat et des crimes caractérisés – dont la plupart sont imprescriptibles – fut utilisée durant cette longue tragédie nationale : Pas moins de onze camps de concentration et de torture dans le grand Sud pour plus de 15.000 citoyens dont beaucoup mourront sur place ; rafles monstres dans les villes et villages, et arrestations de nuit par milliers de citoyens innocents, dans les quartiers populaires ; enlèvements et exécutions extrajudiciaires opérés par de véritables commandos de ninjas encagoulés ; disparitions forcées ; massacres de masse de populations civiles innocentes – froidement sacrifiées pour en attribuer ensuite, le forfait aux islamistes… Avec les terribles bilans humain et matériel que l'on sait. C'est à dire plus de 200.000 morts, plus de 20.000 disparus, dont beaucoup, enterrés collectivement sous l'étiquette macabre de : « X, algérien » ; sans oublier les drames psychologiques des milliers et des milliers de populations déplacées, de familles séparées, d'hommes, de femmes et d'enfants déracinés dans leur propre pays ; sans oublier, ni les dizaines et les dizaines de villages et autres habitats ruraux entièrement rasés, dont certains, bombardés au napalm, ni les forêts brûlées, ni les infrastructures dévastées. (1) Aussi, on est en droit de s'interroger, devant un bilan aussi désastreux, de quelle « république » de quelle « sauvegarde de la république » les criminels imposteurs, auteurs du Coup d'Etat du 11 Janvier 1992 osent-ils encore parler ? Comme vient de le faire tout récemment devant les autorités judiciaires suisses, le criminel général à la retraite, Khaled Nezzar, aujourd'hui sous le coup d'une enquête pour « crime de guerre » et répétant à l'envi, avec son air hébété : « nous avons sauvé la république ! » Voire ! Terrible apparentement, si on ose dire… Et terrible clonage mental en tout cas, quand on fait le parallèle avec cette autre imposture qu'est la Loi scélérate de la république des Chirac et des Sarkozy, sur les « bienfaits du colonialisme » (sic) imaginée par leurs mentors sionistes et pieds-noirs dont certaines figures de proue sont royalement reçues et traitées à Alger. Ce qui ne laisse planer aucun doute sur les complicités, les collusions et l'interpénétration des intérêts aux plus hauts échelons des deux Etats, de ce monstre informe et infâme, que certains auteurs ont qualifié avec raison, de « Françalgérie », par synonymie avec ce qu'on appelait dans les années 60 – 70 : »Hizb-frança ». Car, si l'impasse socio politique et institutionnelle grave et totale à laquelle notre peuple est aujourd'hui confronté est certes, essentiellement imputable au grand déficit institutionnel et démocratique voire moral qui a caractérisé le régime politique de notre pays, sous les multiples visages qui l'ont représenté, cette crise n'en a pas moins résulté aussi, d'un long travail de sape et de sabordage – de l'intérieur et de l'extérieur – contre la nation algérienne et contre le peuple algérien, et dont les fils, les relais et les réseaux, ont été patiemment tissés pendant des années. Les premiers signes de ce cycle infernal de corruption-compromission-soumission, étaient déjà perceptibles d'ailleurs, durant les dernières années de la présidence de Chadli Bendjedid et de ses premiers « fricotages » directs avec la France d'alors, celle des Mitterrand et de ses envoyés spéciaux, les Jacques Attali, les Roger Hanin et autres Jack Long, exhalant la forte odeur de souffre, que donne cette alchimie particulière entre la franc-maçonnerie et un certain sionisme séfarade, madré de pieds-noirs. Des envoyés spéciaux et même « spécieux » qui enjambaient joyeusement la voie diplomatique ordinaire pour venir fricoter directement avec le Chef de l'Etat M. Chadli Bendjedid, prisonnier de son sérail, sur lequel régnait sans partage, un certain général Larbi Belkheir, qu'on retrouvera plus tard, à la tête du Coup d'Etat contre son propre maître… On n'a pas d'état d'âme quand des rentes colossales se chiffrant en millions de dollar par individu, sont dangereusement menacées de tarissement par des « va-nu-pieds » comme ils se disent entre eux – eux, qui sont fils de Caïds, fils de Bachaghas ou fils de grandes tentes – en parlant de nous, le peuple ordinaire… Or, aujourd'hui comme hier, le pouvoir en place à Alger est quasiment le même, c'est-à-dire qu'il est toujours frappé du sceau de l'illégitimité et des crimes imprescriptibles perpétrés contre le peuple algérien. Des crimes imprescriptibles qu'aucune loi scélérate ne peut amnistier et encore moins effacer de la mémoire des algériens en général et de ceux qui en ont souffert dans leur chair en particulier. Et l'arrivée du clan de M. Bouteflika, parrainé par les généraux putschistes, n'aura rien changé à la donne, du moment qu'on retrouve la même absence de projet de société, les mêmes méthodes de gouvernement à vue excluant le peuple, les mêmes individus opportunistes et insatiables et les mêmes visages patibulaires et arrogants, au sein de l'institution militaire comme au sein de l'appareil d'Etat. Qu'y a-t-il de changé en effet sous le ciel d'Algérie depuis plus d'une décennie ? Le général Médiène dit Toufik et ses assistants-tortionnaires comme les généraux Djebbar Mehenna et autres Bachir Tartag nouvellement promus ? M. Ouyahia, l'un des chefs les plus corrompus et les plus cyniques du clan des éradicateurs ? M. Belkhadem, le minable usurpateur du FLN pour le compte de ses maîtres ? M. Soltani, l'abject exorciste-marabouteur reconverti dans l'islamisme « alpagueur » ? Les partis nouvellement clonés et déjà missionnés pour « gagner » les prochaines « élections » législatives pour faire croire à des « réformes » et au changement ? Qu'y a-t-il vraiment de changé depuis près de 14 ans, hormis la fin d'un « terrorisme-alibi » dont les historiens mettront longtemps à démêler l'écheveau ? Qu'y a-t-il de changé depuis que la junte s'est vue contrainte et forcée d'associer M. Bouteflika au pouvoir, moyennant son engagement pour les soustraire à une justice internationale dont l'étau commençait à se resserrer dangereusement autour d'eux, du fait d'un large mouvement d'émotion soulevé dans l'opinion internationale en 1997, particulièrement alarmée par les tragiques massacres de civils innocents en série – comme à Bentalha, Raïs, Béni-Messous ou Relizane, entre autres – des massacres de masse, dûment documentés et accusant formellement les services sécuritaires….(1) Qu'y a-t-il de changé depuis qu'on a joué la mascarade de la « Réconciliation nationale » consistant en une véritable autoamnistie des criminels entérinée par M. Bouteflika en faveur de ceux qui l'ont fait roi ? Sinon qu'une autre décennie allait commencer : Celle de la grande corruption et de l'impunité. La décennie du grand festin autour d'une rente pétrolière décuplée ; la décennie du pillage des richesses du pays et du patrimoine de la nation ; la décennie des plus grands scandales financiers de notre histoire ; la décennie des banqueroutes frauduleuses et des détournements massifs de deniers publics à coups de milliards de dollars ; la décennie de l'impunité arrogante et insultante. Tout cela, pendant que des milliers de mères algériennes en sont réduites quotidiennement à fouiller en petits groupes, au petit matin, les décharges des marchés des grandes villes comme Alger, Annaba, Oran ou Constantine, pour grappiller quelques pommes de terre ou quelques tomates à moitié avariées. La décennie aussi, des reniements politiques, des alliances contre nature et des compromissions, génératrices de soumission. : Celle qui aura vu l'improbable visite dans les bureaux de M. Bouteflika ou même, reçus à titre « privé » dans les palais de la République, des sionistes notoires comme les Elisabeth Chemla, les André Glucksmann, et autres Jack Lang…. Celle qui aura vu la foule de milliers de jeunes – harragas potentiels – accueillant en Mars 2003 – en pleine guerre impérialiste contre l'Irak - aux cris de « visa ! visa ! » un Chirac transformé en héros, dans cette brousse inattendue transportée dans l'Avenue Che Guevara – quelle terrible ironie de l'Histoire ! – dans la voiture officielle ; une foule qui ne prêtait pas la moindre attention à l' »accompagnateur » de Chirac… Celle qui aura vu à 48 heures d'intervalle, entre les 5 et 7 Décembre 2011, le premier policier de France venir en coup de vent à Alger, comme pour une banale « inspection » d'un « Territoire d'Outre-mer », tandis que notre sous ministre M. Medelci se rendait deux jours plus tard, lui, à Paris pour se prêter à une véritable « audition-comparution » par-devant la commission parlementaire française, afin de leur rendre compte sur des questions purement nationales. Celle qui aura vu l'improbable défilé des grands chefs militaires de l'O.t.a.n., venus discuter de « lutte anti-terroriste », de coopération sécuritaire et au bout… de l'installation de bases militaires sur le territoire national qui en compte déjà une bonne demi douzaine, opérationnelles ou en cours de réalisation. Ah ! j'allais oublier de mentionner – l'occasion se présentant – ce nouveau Look Ness – baptisé d'A.q.m.i. – et qui sévit semble-t-il dans le Sahara… Pardon, on ne dit plus Sahara. Aujourd'hui, « ils » parlent de » Sahel » et de « pays du Sahel », pour accréditer et inoculer peu à peu, tel un poison, dans la mémoire collective des futures générations d'esclaves que pourraient être nos petits enfants, – ce qu'à Dieu ne plaise – l'idée que les immenses territoires sahariens seraient une sorte de « mer désertique » et donc pas des territoires faisant partie intégrante de chacun des pays traversés par ce grand désert naturel qu'est le Sahara. En ce début de l'an de grâce 2012, le pouvoir putschiste feint de faire totalement l'impasse sur le cours tumultueux d'une histoire qui semble s'accélérer dans nos régions. Même s'il ne cache nullement sa volonté de vouloir peser sur le cours des choses comme en Tunisie et en Libye hier, ou aujourd'hui en Syrie – solidarité entre dictatures oblige… Tout en faisant les yeux de Chimène à un Occident qui se définit lui-même comme judéo-chrétien et plus que jamais enhardi par la marchandise du bateau « Algérie » qui est en train de prendre de l'eau de partout et dont le quasi naufrage est joyeusement exploité par les réseaux de l'ex puissance coloniale – et sûrement d'autres pays aussi – qui jouent les clans politiques, les uns contre les autres, pour obtenir tel avantage, tel contrat juteux ou telle attitude politico diplomatique en faveur de leur pays. Sans parler de ce monde fabuleusement opaque des spots pétroliers, des quotas de complaisance, voire des chargements fantômes, impossibles à repérer sur des livres de comptes qui n'existent nulle part. Y compris dans les Administrations en charge de les tenir.. Des fortunes colossales se sont constituées – de part et d'autre de la Méditerranée – à l'ombre de ce régime qui ne cesse pas d'agoniser ; à l'ombre de cette lutte des clans représentant les deux pôles qui se partagent le pouvoir : d'une part, celui des Bouteflika,, avec sa fratrie, ses généraux, ses zaouïas, sa clientèle politique, ses pouvoirs octroyés par ses parrains avec les lignes rouges qui les délimitent…; d'autre part, le clan des généraux putschistes, aujourd'hui représentés par le général Mohamed Médiène, le patron malade des Renseignements ou DRS ; ce clan constituant en fait, le pouvoir réel qui se cache derrière le pouvoir de façade, le pouvoir militaire répressif qui se cache derrière le pouvoir civil administratif, les gros budgets militaires qui se cachent derrière les gros budgets civils, les accords non écrits de « coopération dite anti terroriste » avec des Services étrangers qui se cachent derrière les Accords et Traités internationaux…etc….etc. Une véritable schizophrénie donc, relevant de la psychanalyse sociopolitique qui s'ajoute à tant d'autres schizophrénies qui frappent notre pauvre société comme autant de fractures et de déchirements. Comme par exemple, dans l'expression, entre arabophones, berbérophones, francophones ; dans la conviction religieuse entre islamistes et laïcs, partageant souvent, le même intégrisme idéologique et le même rejet de l'autre ; dans l'attitude morale, entre une élite intellectuelle opportuniste et mercenaire, asservie au pouvoir, et une élite intellectuelle, travailleuse et honnête, opposée au pouvoir et étroitement surveillée, quand elle n'est pas harcelée et soumise aux tracasseries d'une machine bureaucratique et/ou judiciaire totalement asservie aux injonctions de la police politique. Pendant ce temps, notre pays sombre peu à peu dans une véritable neurasthénie politique, aggravée par la maladie – pour ne pas dire la sénilité – des deux pôles principaux du pouvoir, le chef de l'Etat, M. Bouteflika et son alter-ego le général Mohamed Médiène. Certains avancent même des noms – âprement négociés entre les deux clans – pour assurer la pérennité du système, chacun des deux clans, désignant respectivement son chef, tout en exigeant qu'il soit « validé » par l'autre clan : un véritable « mercato » politique où, le peuple algérien – ou du moins la rente pétrolière – fait office de « ballon »… Cinquante ans d'indépendance pour en arriver là … Là, c'est-à-dire à cette situation d'errance d'une Algérie sans projet de société, dirigée par un pouvoir frappé du sceau de l'illégitimité, de la présomption de crimes imprescriptibles, de la corruption et de l'incivisme. Autant de stigmates qui en font un pouvoir marionnette entièrement acquis aux intérêts étrangers et totalement étranger aux intérêts de la nation. C'est ce qu'on appelle prosaïquement, le néo-colonialisme… Un tel pouvoir est par conséquent absolument disqualifié, aussi bien moralement que politiquement pour entreprendre la moindre « réforme » comme il ne cesse de le prétendre pour gagner encore quelques misérables mois, voire quelques misérables semaines, sans prendre conscience que les Décrets de l'Histoire sont déjà à l'œuvre. Un seul choix honorable se présente aux deux pôles du pouvoir : organiser dans les meilleurs délais possibles l'élection authentique, honnête et vérifiable, d'une Assemblée Constituante ouverte à toutes les composantes de notre société – sans aucune exclusion. Une Assemblée Constituante qui, sitôt validée, deviendra de plein droit, saisie de tous les pouvoirs :le pouvoir Législatif, le pouvoir Exécutif – y compris le commandement militaire suprême – et le pouvoir Judiciaire, qui constituent les attributs de la souveraineté nationale. Où est-il écrit sinon, que le Peuple algérien qui a su mettre fin à 132 années de colonialisme répressif et criminel, ne saura pas mettre fin, 50 années plus tard, aux graves forfaitures d'un régime qui s'obstine à considérer les citoyens comme des sujets et le pays comme une propriété privée ? —————– (1) – Pour la recherche de faits précis et documentés, il est conseillé de se rendre sur le Site « Algeria-Watch »: - http://www.algeria-watch.org/francais.html