Mourad DHINA : une détention et des interrogations. La LADDH exprime sa préoccupation concernant la décision de la justice française de maintenir Mr Mourad DHINA en détention en vue d'étudier une possibilité d'extradition vers l'Algérie suite à une demande exprimée par les autorités algériennes. Mourad DHINA, directeur exécutif de l'organisation de défense des droits de l'Homme EL KARAMA, et membre fondateur du mouvement politique d'opposition RACAHAD, a été arrêté par la police française le 16 janvier 2012, alors qu'il s'apprêtait à quitter la France pour rejoindre la Suisse , pays de sa résidence dont lequel il bénéficie du statut de refugier politique. La LADDH s'interroge sur le timing et l'opportunité d'une telle procédure, dans la mesure où la demande d'extradition exprimée par les autorités algériennes concerne une condamnation par contumace datant de 2003, et que Mourad DHINA a transité et a séjourné régulièrement sur le territoire français. La LADDH considère que l'étude de la demande d'extradition de Mourad DHINA doit prendre en compte son statut de refugier politique et sa qualité d'opposant politique qui n'a pas et ne pourra pas bénéficier d'un procès équitable en Algérie car la LADDH considère que la justice algérienne n'est pas indépendante lorsqu'il s'agit de procès de nature politique. La LADDH reste attentive la suite que donnera la justice française à cette affaire. Alger le, 21.01.2012 Le président Mostefa BOUCHACHI ================================================================= ALGERIA-WATCH Mourad Dhina ne doit pas être extradé vers l'Algérie Algeria-Watch, 22 janvier 2012 Mourad Dhina, membre fondateur du mouvement politique Rachad (créé en 2007) et directeur exécutif de l'organisation de défense des droits de l'homme dans les pays arabes Al-Karama, a été arrêté par la police française à l'aéroport d'Orly le 16 janvier 2012, alors qu'il devait prendre un vol à destination de Genève, où il réside depuis 1994. Il est plus que probable que cette arrestation fait suite à une demande des autorités algériennes, alarmées par les regains d'activité du mouvement Rachad en France. Le 11 janvier 2012, à l'occasion du vingtième anniversaire du putsch militaire en Algérie, un rassemblement a été organisé à son initiative devant l'ambassade algérienne. Mourad Dhina a été présenté le 17 janvier devant le procureur général de la Cour d'appel de Paris, qui a décidé sa mise en détention aux fins d'extradition. Il a été interpellé pour répondre à un mandat d'arrêt international délivré contre lui en septembre 2003 par le tribunal de Sidi M'hamed à Alger. Il serait accusé d'appartenir à un « groupe terroriste » ayant activé à l'étranger durant les années 1997-1999, en l'occurrence en Suisse. Les autorités de ce pays, qui avaient pourtant été régulièrement saisies par le gouvernement algérien, n'ont jamais poursuivi Mourad Dhina, pour la simple raison que les faits dont il est accusé sont dénués de tout fondement. Docteur en physique nucléaire, diplômé du MIT, il travaillait au CERN à Genève depuis 1987 tout en enseignant à l'Ecole polytechnique de Zürich. Il résidait alors en France. En réaction au coup d'Etat militaire du 11 janvier 1992 et la dissolution du Front islamique du salut (FIS) en mars de la même année, M. Dhina a rejoint ce parti et militait en son sein, notamment pour protester contre son interdiction. En août 1994, lors de la rafle de militants du FIS orchestrée en France par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, sur injonction du DRS algérien, près d'une centaine d'entre eux ont été arrêtés et ont subi un traitement des plus humiliants (dix-neuf d'entre eux ont notamment été déportés illégalement vers le Burkina Faso). M. Dhina, qui n'a pu être arrêté à cette occasion, s'est alors installé en Suisse, où il a continué ses activités professionnelles et politiques. Fin 1994, un journal suisse publie son nom sur une liste de deux cents personnes soupçonnées d'implication dans un trafic d'armes au profit des groupes armés en Algérie. La justice suisse n'a jamais pu établir l'origine de cette liste, mais un inspecteur de la police de Genève qui l'avait transmise aux services algériens a été jugé et condamné pour espionnage par le Tribunal fédéral. Mourad Dhina, qui s'était porté partie civile au procès, a néanmoins du quitter le CERN. En 1995, Smaïl Lamari, le numéro deux du DRS, s'est déplacé personnellement vers la Suisse pour demander son extradition. Continuant de militer publiquement, Mourad Dhina devient responsable du bureau exécutif du FIS à l'étranger en 2002 et coorganise son congrès à l'extérieur la même année. C'est à la suite de cette rencontre que le chef du gouvernement algérien de l'époque s'est rendu en Suisse pour demander son extradition. En octobre 2004, il se retire du FIS pour co-créer trois ans plus tard Rachad, un mouvement qui regroupe des militants de tendances diverses. Il est évident que le harcèlement dont fait l'objet M. Dhina est en relation avec ses activités politiques. Il a toujours dénoncé fermement le rôle joué par le DRS et ses relais dans la « sale guerre » contre le peuple algérien depuis 1992, avec ses massacres et exécutions sommaires ayant fait 150 000 morts, et les disparitions forcées de 20 000 personnes ; il a refusé les mesures de « concorde civile » (en 1999) et de « réconciliation nationale » (en 2005) promues par le pouvoir pour blanchir les responsables des crimes commis pendant les années 1990. C'est cet engagement pour la vérité et la justice, qui ne tolère aucune compromission, qui lui vaut d'être considéré comme l'un des opposants à écarter. Il est paradoxal que le gouvernement français se fasse l'exécutant zélé de cette volonté du régime algérien, à l'heure où son ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, après les « printemps arabes », ne cesse d'affirmer la nécessité pour la France d'établir de nouveaux rapports avec les islamistes respectueux des principes démocratiques, comme c'est le cas de M. Dhina (« Je souhaite, déclarait ainsi M. Juppé en avril 2011, que [le] dialogue s'ouvre sans complexe aux courants islamiques, dès lors que [...] les règles du jeu démocratique [et] le refus de toute violence sont respectés de part et d'autre »). Mais dans le cas de l'Algérie, c'est hélas la continuité des anciennes pratiques qui semble prévaloir : ce n'est pas le Quai d'Orsay qui dicte la politique française vis-à-vis de ce régime, mais bien les services de police, en l'occurrence la DCRI, dont on sait les liens historiques avec la police politique algérienne, le DRS. Algeria-Watch proteste vivement contre cette arrestation arbitraire qui obéit à une injonction du DRS et rappelle qu'au moment où le général Khaled Nezzar, l'un des responsables du putsch en janvier 1992 et de la « sale guerre », est poursuivi en Suisse, en France, un militant politique qui n'a jamais recouru à la violence est menacé d'être extradé vers un pays régulièrement condamné pour ses graves violations des droits de l'homme. ======================================== Lettre adressée par diverses ONG au Premier Ministre français le 24 janvier 2012 M. François Fillon Premier Ministre Hôtel de Matignon 57, rue de Varenne 75700 Paris FRANCE Genève, le 24 janvier 2012 OBJET : Arrestation et détention du Dr. Mourad Dhina, directeur exécutif d'Alkarama Monsieur le Premier Ministre, Les organisations nationales et internationales des droits de l'homme soussignées, vous exhortent à rejeter toute demande d'extradition vers l'Algérie du Dr. Mourad Dhina, directeur exécutif d'Alkarama, Fondation suisse de défense des droits de l'homme travaillant sur le monde arabe. Le Dr. Dhina a été arrêté par la police française le lundi 16 janvier, à la demande des autorités algériennes. Le Dr. Dhina est également l'un des membres fondateurs du mouvement Rachad, association politique régulièrement enregistrée en France, qui appelle, par des moyens non violents, à un changement démocratique en Algérie. Il a été arrêté à l'aéroport d'Orly après avoir participé à une réunion de son mouvement à Paris et alors qu'il s'apprêtait à regagner Genève où il réside. Les autorités françaises ont justifié cette arrestation par une demande d'extradition formulée par l'Algérie pour sa prétendue appartenance dans les années 1990 à un groupe terroriste armé en Suisse. Mardi 17 janvier, le Président de la Cour d'Appel de Paris ordonnait son placement sous écrou extraditionnel dans la perspective de sa possible extradition vers l'Algérie. Les autorités algériennes disposent de 30 jours pour présenter un dossier d'extradition. Le Dr. Dhina a joué un rôle important dans la dénonciation des violations des droits de l'homme dans le monde arabe au sein d'Alkarama. Quant à ses activités politiques, celles-ci ont été menées en conformité avec son droit à la liberté d'expression et d'association, garanti par le droit international. Il avait, par le passé, voyagé en France à plusieurs occasions. Nous craignons en conséquence que la demande des autorités algériennes ne soit motivée par leur volonté de le réduire au silence en raison de ses activités politiques et de défenseur des droits de l'homme au sein d'Alkarama. Nous exprimons également la crainte que le Dr. Dhina ne soit soumis à des tortures ou à de mauvais traitements s'il devait être renvoyé en Algérie. Ces risques sont d'autant plus avérés que la pratique de la torture reste d'actualité comme l'a relevé le Comité contre la Torture des Nations Unis lors de l'examen de l'Algérie en 2008. Céder à la requête algérienne serait en contradiction avec les engagements de la France, découlant des articles 3 de la Convention Européenne pour les Droits de l'Homme et de la Convention contre la Torture des Nations Unis. Nous sommes également préoccupés par les condamnations de personnes suspectées d'activités terroristes, en violation des normes internationalement admises en matière de procès équitables, un tel risque étant également encouru par le Dr. Dhina. Son extradition constituerait de toute évidence une violation du principe de non refoulement. Compte tenu du rôle important de la France dans la mise en place d'un système international pour la promotion et la protection des droits humains et à l'importance qu'elle accorde au respect des droits de l'homme au niveau national, nous espérons pouvoir compter sur votre assistance dans la protection des droits du Dr. Dhina en refusant son extradition. Par ailleurs, et à défaut de crimes établis en conformité avec les normes du système international, nous pressons les autorités françaises à procéder à sa libération immédiate. La France se doit de respecter ses obligations internationales au regard des droits de l'homme et s'abstenir de toute compromission avec les autorités algériennes dans ses tentatives d'étouffer l'opposition et les activités des militants algériens des droits de l'homme en exil. Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de notre très haute considération, ACAT-France Algeria-Watch Alkarama Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) Centre Libanais pour les Droits de l'Homme (CLDH) Euro-Mediterranean Human Rights Network (EUROMED) Fédération internationale pour les droits de l'homme (FIDH) Frontline Defenders International Commission of Jurists (ICJ) Ligue des droits de l'Homme World Organisation Against Torture (OMCT)