Voilà un avocat qui met son grain de sel pour nous confirmer que l'Algérie, pays de l'impunité par excellence et de l'injustice, est un pays qui marche sur la tête et où chacun peut s'inventer ses propres règles et ses propres lois. En effet, Mohamed Othmani, bâtonnier de Sidi Bel Abbès, fait parler de lui pour la première fois et de façon glorieuse. Il a suspendu un avocat stagiaire, maître Youcef Benbrahim, parce que ce dernier aurait refusé de participer à un sit-in devant le tribunal de la ville, sit-in organisé pour protester contre le film provocateur, L'Innocence des musulmans, d'un aventurier égyptien vivant aux Etats-Unis. Le bâtonnier a violé toutes les règles de la déontologie et s'est comporté en apprenti-dictateur en violant allégrement la réglementation. Sa mission est de veiller au respect des lois, aux droits des justiciables, à la protection de la profession contre les abus et les pressions. Elle s'arrête donc à la porte du tribunal. La sphère privée n'est pas du tout de son ressort. Lorsque le journal l'a interrogé sur ce dépassement inacceptable, il a fait preuve d'impolitesse et s'est montré hautin. Il a refusé de s'expliquer sur son comportement, qui est condamnable dans la mesure où il s'est mêlé d'un problème personnel qu'il a décidé de politiser. Sans doute a-t-il voulu faire du zèle en voulant se montrer plus musulman que les autres musulmans. Peut-être que M. Othmani aurait eu une quelconque crédibilité s'il avait manifesté un engagement, par exemple, quand la justice est piétinée dans le Monde arabe, s'il avait manifesté sa solidarité avec ses confrères tunisiens lorsque ceux-ci luttaient contre la dictature de Zine El Abidine Ben Ali. Malheureusement pour lui, il est inconnu au bataillon. Il ne s'est pas encore élevé au niveau d'un Mokrane Aït Larbi, par exemple. Et il n'a pas trouvé mieux que de s'attaquer à un jeune avocat stagiaire contre lequel il pousse le ridicule jusqu'à douter de sa qualité de musulman. Heureusement que l'Algérie recèle des avocats véritablement professionnels, prestigieux et qui inspirent le respect, y compris sur la scène internationale. Me Othmani devrait au moins présenter ses excuses à sa victime, s'il a un peu de bon sens. Tayeb Belghiche