Des parlementaires américains réclament des sanctions contre l'Egypte, accusée de harceler sa minorité chrétienne, mais, dans le pays, les coptes se demandent si cela peut améliorer leur situation La plus importante communauté chrétienne d'Orient, celle des coptes d'Egypte, huit millions de personnes environ, est divisée. Entre les partisans d'une action du Congrès américain en faveur des coptes, et ceux qui refusent toute incursion étrangère dans les affaires du pays, le débat fait rage. L'étincelle qui a mis le feu aux poudres est la résolution déposée au Congrès le 24 juillet par Frank Wolf, sénateur républicain de Virginie. Frank Wolf « appelle le gouvernement égyptien à respecter les droits de l'homme et les libertés religieuses », sur la base d'une accusation de « harcèlement des minorités religieuses ». Depuis lors, plusieurs sénateurs américains ont adhéré à sa résolution, et demandé au Congrès d'adopter des sanctions contre l'Egypte. « Nous traiterons nos problèmes dans notre pays. » Les organisations coptes d'Amérique, assez influentes dans certains Etats, appuient vigoureusement cette action, tandis qu'en Egypte, l'Eglise la rejette. L'amba Morcos, porte-parole du pape Chenouda lll, déclare : « Nous traiterons nos problèmes dans notre pays. » Le pape a lui-même souvent répété : « Nous discuterons nos problèmes en Egypte, nous n'en ferons pas commerce à l'étranger. » Cet interdit n'empêche pas l'agitation au sein de la communauté, qui dure déjà depuis le mois de mai. En sept jours, une série d'attaques a frappé les coptes : un bijoutier copte a été tué et volé au Caire, un autre blessé et volé à Alexandrie, tandis qu'au monastère d'Abou Fana (datant du lVe siècle), des moines ont été blessés à coups de feu par des bédouins qui voulaient empêcher les ouvriers d'ériger un mur autour du monastère. Le spectre du complot Pour la sécurité égyptienne, il s'agit « d'attentats indépendants » à caractère non confessionnel. Les bijoutiers sont en majorité coptes, et les moines voulaient ériger un mur autour d'un terrain, acheté il est vrai, où les bédouins avaient l'habitude de rechercher des vestiges archéologiques pour les vendre. Mais l'opinion publique copte s'estime visée par un « complot contre les chrétiens ». « Faute de preuves, on ne peut parler d'un complot », déclare Youssef Sidhom, directeur d'Al-Watani, l'unique hebdomadaire copte d'Egypte. Témoin privilégié des événements, il ajoute : « Des attaques contre des monastères ont parfois lieu… Trois moines torturés Mais à Abou Fana, pour la première fois, trois moines ont été kidnappés par les bédouins au soir de l'affrontement parce qu'un jeune musulman avait été tué. Ils ont été torturés, puis jetés dans un terrain vague. L'Etat doit frapper d'une main de fer pour éviter la répétition d'un tel crime. » Il décrit aussi le scénario traditionnel : « Les policiers arrivent bien après la fin de l'attentat, des arrestations arbitraires ont lieu, d'une part comme de l'autre, pour montrer qu'on a arrêté les fauteurs de troubles. Une tentative de réconciliation a ensuite lieu. Elle se déroule en ce moment. Mais le pape Chenouda, en traitement aux Etats-Unis, exige qu'on arrête les véritables coupables. » « Nous n'obtenons jamais de postes importants » « Une intervention étrangère s'impose », affirme le Dr Naguib Gabriel, président de l'Union des droits de l'homme en Egypte. En revanche, Mounir Abdelnour, ancien député et secrétaire général du Néo-Wafd, parti laïc et libéral, pense que « des sanctions votées par le Congrès porteront préjudice aux coptes… Oui, ils subissent un traitement très différent de celui de la majorité des Egyptiens, mais une condamnation de l'Egypte les discréditera aux yeux des musulmans, et aggravera leurs problèmes. » Mounir Abdelnour et Youssef Sidhom s'entendent sur les difficultés rencontrées par leurs coreligionnaires : « Nous n'obtenons jamais de postes importants dans les administrations, nous n'avons aucun haut gradé dans l'armée, la police ou le service de renseignements, et, en 2005, un seul copte a été élu au Parlement pour un total de 445 députés. » Des autorités locales peu coopératives « Le droit de construire une église est toujours soumis à un décret présidentiel, et cela en vertu d'une loi ottomane de 1856 », rappelle Youssef Sidhom. Il souligne aussi que le chef de l'Etat a autorisé en 2005 la restauration des églises par une simple demande adressée au gouverneur concerné. « Mais les autorités locales interviennent à chaque fois, et exigent un décret présidentiel. Cette autorisation n'a jamais été appliquée. » La liste de problèmes est longue. Pour Mounir Abdelnour, « une intervention personnelle du chef de l'Etat est la seule formule susceptible d'améliorer le sort des coptes, parce qu'un climat plus fraternel exigerait de nombreuses années ».