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Note concernant les relations du monde avec l'Occident
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 11 - 04 - 2013


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Note concernant les relations du monde avec l'Occident
Des vœux fort honorables et pourtant des vœux pieux…
quand ils ne sont pas tout simplement hypocrites
Je n'ignore pas la lutte d'hommes de valeur et d'organisations mondiales pour la reconnaissance de l'équivalence des cultures et le refus de la logique du choc des civilisations. Même un homme réputé de droite comme l'ancien président français Jacques Chirac déclare : « Dans le même temps, [il vient de parler de la concurrence que se livrent les nations], il nous faut changer notre regard sur les autres. Rien n'est plus stérile et dangereux que de penser qu'il existerait des hiérarchies entre les civilisations et de se convaincre qu'elles auraient vocation à s'affronter. Nous avons, au contraire, tant à apprendre de ceux qui pensent autrement et nous devons nous préparer à relever le défi concurrentiel qu'ils nous lancent. Sur le plan culturel et religieux, gardons-nous des idées empoisonnées selon lesquelles certaines cultures ou certaines religions seraient, par essence, rétrogrades ou incompatibles avec les valeurs humanistes et démocratiques. L'histoire montre le contraire, et l'avenir, j'en ai la profonde conviction, le prouvera d'une manière éclatante. (Jacques Chirac, Mémoires II, p. 1098, à l'occasion de la création du musée du quai Branly).
On sait malheureusement que les successeurs de M. Chirac au sommet de l'Etat (MM Sarkozy et Guéant, pour ne parler que des personnalités les plus emblématiques), sans même évoquer l'Extrême-Droite, étaient loin de partager ces vues humanistes ! La sacro-sainte opinion elle-même semble bien tiède lorsqu'il s'agit de s'ouvrir aux peuples ou aux cultures considérés comme « inférieurs ».
A titre indicatif, il suffit de voir le nombre d'études, enquêtes, et sondages qui paraissent chaque jour dans les pays occidentaux et qui révèlent tous la même perception que l'on se fait en particulier de la religion musulmane. J'insiste sur un point : il s'agit bien de l'islam dans son ensemble et non simplement de son avatar violent et envahissant : l'islamisme. Le dernier exemple date de janvier 2013 (sondage IPSOS / Le Monde) : selon cette enquête qui portait sur le populisme et les nouvelles fractures, 74% des personnes interrogées, c'est-à-dire environ trois personnes sur quatre, estiment que l'islam n'est pas compatible avec les valeurs républicaines. C'est, pour ces gens, une religion intolérante, incompatible avec les valeurs de la société française. Par ailleurs, huit personnes sur dix jugent que la religion musulmane (et non simplement l'islamisme) cherche à imposer son fonctionnement aux autres.
Même lorsqu'il n'a pas le monopole du rejet, l'islam est en tête lorsqu'il est question de la compatibilité des religions avec les valeurs françaises : il ne bénéficie que de 26% d'opinions favorables alors que le judaïsme recueille 75% et le catholicisme 89%. L'affaire est parfaitement entendue ! Les spécialistes – en particulier des intégrismes religieux – apprécieront ! On s'étonnera après cela des déchaînements de haine et de violence… souvent le résultat direct des discriminations, de la défiance et du sentiment d'appartenir à une civilisation (européenne) supérieure vers laquelle les autres doivent tendre et à laquelle ils doivent se conformer voire s'identifier. Entre les discours et les réalités, l'abîme est large et profond ! La présence de groupes islamistes est devenu un alibi formidable pour avancer masqué en prétendant ne combattre que le fanatisme et le djihadisme. En réalité, l'islam demeure très mal connu en Occident, tout au plus une affaire de « spécialistes ». Le véritable problème est celui que dénonce précisément M. Chirac : celui de l'existence d'un modèle dominant (le modèle occidental) qui, depuis des siècles, essaye d'imposer ses valeurs déclarées « universelles »… s'il le faut par la force. Si nous sommes attirés par ces « valeurs » (liberté, démocratie, laïcité…), nous n'acceptons pas de les voir imposer par des corps expéditionnaires identiques à ceux des XIXe et XXe siècles.
Sans vouloir tirer un enseignement scientifique ou simplement pertinent de ce genre d'études d'opinion, on doit tout de même en tenir compte car souvent, on glisse un peu facilement vers la dichotomie simplificatrice (et Dieu sait si les Français sont amateurs de dichotomies, de polarisations, qui vont parfois jusqu'à la schizophrénie, ainsi que d'une idolâtrie de la transparence qui n'en fait pas forcément les gens les plus vertueux de la création !) qui divise l'humanité en Bons et en Méchants. Il faut revenir de ces simplifications et considérer qu'il n'y a pas d'homme, de peuple ou de civilisation modèle : l'Homme est à la fois une créature admirable et épouvantable. Tout est simplement question de circonstances et de dosage.
Parfois, on a le sentiment que la description de la vaste réalité que représente le « monde islamique » correspond très exactement aux caractéristiques du monde… occidental ! Ainsi, M. Jacques Chirac lui-même met-il en garde contre deux dangers qui seraient, selon lui, « celui de l'uniformité dictée par un modèle dominant [quel est, s'il vous plaît, le modèle dominant, actuellement et depuis au moins deux siècles, en réalité depuis la conquête du Nouveau-Monde ?] et celui de la montée des intégrismes inspirée par des systèmes de pensée intolérants ». Réalise-t-il totalement que le second phénomène peut être tout simplement la conséquence, l'aboutissement naturel de l'autre et non une sorte de génération spontanée, d'excroissance monstrueuse ? De même que les systèmes politiques colonialistes et impérialistes ont entraîné les révoltes et les mouvements de libération des pays du tiers-monde, l'arrogance et l'égoïsme des pays riches et dominateurs, et à leur tête, les Etats-Unis d'Amérique, ont entraîné des radicalisations de gueux qui se traduisent aujourd'hui par des actions violentes et désespérées. Ce sont les USA qui ont suscité Ben Laden, mais aussi Ahmadinedjad, Castro ou Chavez… en somme, l'Axe du Mal » !
Sur le plan de la lucidité, on peut faire confiance à M. Chirac ! Ne déclare-t-il pas, lors de l'inauguration du Musée des Arts Premiers : « Au cœur de notre démarche, il y a le refus de l'ethnocentrisme, de cette prétention déraisonnable et inacceptable de l'Occident à porter, en lui seul, le destin de l'humanité. Il y a le rejet de ce faux évolutionnisme qui prétend que certains peuples seraient comme figés à un stade antérieur de l'évolution humaine, que leurs cultures dites « primitives » ne vaudraient pas comme objet d'étude pour l'ethnologue ou, mieux, source d'inspiration pour l'artiste occidental. Ce sont là des préjugés absurdes et choquants. Ils doivent être combattus. Car il n'existe pas plus d'hiérarchie entre les arts et les cultures qu'il n'existe une hiérarchie entre les peuples ». (C'est moi qui souligne.)
Affirmer qu'il faut rejeter et combattre certains préjugés, c'est reconnaître qu'ils existent, parfois au sommet des Etats eux-mêmes ! Ma modeste expérience me montre que ces préjugés, savamment entretenus par des organisations et, involontairement, peut-être, par la médiatisation exagérée, sont bien implantés et durs à extraire, y compris au sein de catégories sociales relativement éclairées. On ne résiste pas au matraquage de l'information et de la propagande ! J'ai cité, entre autres, les enquêtes et autres sondages d'opinions devenus quotidiens. Tout le monde reconnaît que l'humanité (et en particulier les pays développés industrialisés) traverse une crise profonde depuis quatre décennies. Cette crise est la première source de crispations, de radicalisation et de violence, et non je ne sais quel prurit intégriste qui existe mais n'explique pas tout.
Par ailleurs, ce genre d'opinion concernant l'intolérance, la violence et le prosélytisme islamiques paraît normal dans un monde occidental qui a subi depuis plus d'un siècle une profonde sécularisation, une importante laïcisation, c'est-à-dire une forte déchristianisation et une aussi forte déjudaïsation. Il faut rappeler que pendant que l'Occident se laïcisait, le monde musulman se réislamisait, en particulier sous l'action des oulémas (mouvement intellectuel et religieux baptisé Nahdha ou renaissance du monde musulman. Lorsqu'on parle de Renaissance pour les pays européens, on pense d'abord : retour aux sources grecques et latines de l'humanisme antique. Les pays arabes et musulmans ont épousé cette démarche et continuent à revendiquer le retour à leur culture arabo-islamique d'avant un sommeil qui a duré plus de cinq siècles), partiellement sous l'action des mouvements nationaux de libération du colonialisme européen (mouvements dans lesquels la place de la religion et de la culture est essentielle), et de ce que les musulmans ressentent, actuellement, comme des agressions du monde occidental contre leur civilisation et une volonté d'imposer ses valeurs matérialistes et laïques. La fin du XXe siècle et le début du XXIe ont consacré la rupture entre les deux civilisations, d'où la naissance d'une « théorie du choc des cultures » ou des civilisations qui se retrouve dans les deux camps. Ce choc, selon Samuel Huntington, l'auteur de la théorie, met essentiellement en présence – donc en conflit -, la civilisation occidentale, d'un côté (droit, liberté, démocratie…) et les civilisations islamique et confucéenne de l'autre.
Il faut se rappeler qu'une fois libérés du colonialisme, la plupart des peuples africains, arabes ou musulmans, sont passés sous des chapes de dictature militaire ou religieuse, ce qui n'a favorisé ni le développement économique, ni l'évolution vers la démocratie et la liberté, ni les relations avec les pays développés (anciennes métropoles) qui n'ont pas toujours joué un jeu très franc, se limitant à défendre leurs intérêts. On se souvient, parce que c'est proche de nous et que c'est d'une clarté aveuglante, de la complaisance des grandes puissances avec les dictatures : en Tunisie, en Egypte, en Syrie, en Irak, en Iran et même en Afghanistan où les Etats-Unis armèrent les talibans et Ben Laden pour contrer les Soviétiques ! Cela n'a pas manqué de créer un ressentiment profond des peuples qui se sont mis à chahuter en élisant un peu partout des gouvernements très peu laïcs : au Maroc, en Tunisie et dans le fief même des Frères Musulmans : l'Egypte… Et bien entendu, en Iran, depuis la Révolution de Khomeiny. Partout, les partis religieux se baptisent Nahdha et accèdent au pouvoir : si l'on est conséquent, on doit se dire que c'est le choix des peuples et que ce n'est pas pour mettre en place et appliquer les valeurs… occidentales ! En réalité, les vrais problèmes se situent ailleurs : essentiellement sur le plan du développement économiques que les pays riches prétendent régler par le protectionnisme européen et américain, les délocalisations et les paradis fiscaux, très peu par une aide intelligente et tout simplement lucide au développement.
L'organisme d'enquête parle à juste titre de « nouvelles fractures ».
Si, en effet, les oppositions entre religions et plus généralement entre civilisations ne sont pas un fait nouveau (croisades, conquêtes, colonisation ont été le tissu de l'histoire), le phénomène s'est accéléré et intensifié lors des dernières décennies, sur fond de crise économique et de quête d'identité culturelle, ainsi qu'à la faveur de troubles et de bouleversements politiques.
Si, par ailleurs, en ce qui concerne l'aspect matériel (confort, bien-être, développement économique, scientifique et intellectuel), il n'existe pas de différends ni d'opposition majeure à l'Occident, sinon du fait des inégalités et des décalages, c'est au niveau de valeurs religieuses, culturelles et de civilisation que les achoppements se multiplient. Sur ce point, je rejoins malgré ma répugnance Samuel Huntington. Mais ce n'est qu'une forme de renversement de perspective car il apparaît nettement que les problèmes essentiels sont des problèmes de développement économique et que les pays développés s'arc-boutent sur leur avance, sur leur richesse, sur leur égoïsme et tentent de fermer l'accès à la modernité à des peuples arriérés. A cela deux explications : d'abord les pays riches traversent une crise qui frappe les plus fragiles de leurs populations. Ensuite, ils ne tiennent pas à nourrir des serpents dans leur sein : l'exemple des pays émergents montre que le développement crée des concurrents et les pays développés sont trop jaloux de leur « niveau de vie et de protection » pour l'universaliser. A la limite, ils préfèrent un modèle fait de gaspillage, d'inégalité, d'égoïsme et de pollution à un ordre économique plus juste avec une plus équitable répartition des richesses de la planète. Je ne nie pas que l'humanitaire et l'altermondialisme sont des expressions de la générosité occidentale. Je suis obligé de constater que nous sommes loin de l'image d'une humanité une et solidaire.
A ce propos, il est indispensable de préciser que les fractures se situent aussi bien à l'intérieur des sociétés développées (par exemple, à propos du « mariage pour tous », entre conservateurs et modernistes ; entre religieux et laïcs ; entre nantis et chômeurs : Depardieu et Cahuzac occupent aujourd'hui le devant de la scène médiatique et les nantis apparaissent comme des fraudeurs et de mauvais patriotes !) qu'entre les cultures ou les civilisations (par exemple entre islam et civilisation occidentale).
L'écart s'est considérablement creusé depuis environ un demi-siècle au cours duquel on a vu se radicaliser, en Occident, les luttes au nom des droits individuels (à l'instar des droits civiques aux USA) : droits de l'homme, droits de l'enfant, droits des femmes, droits des minorités (homosexuels, langues et cultures régionales) et même… droits des animaux devenus des amis, des compagnons ! Dans le même temps, dans les pays du Tiers-monde, les luttes se plaçaient plutôt sur le plan du combat contre la pauvreté (d'où une émigration massive), pour le développement aussi bien matériel que politique et social (dictatures et sous-développement intellectuel). Il faut voir le nombre de droits obtenus durant le demi-siècle, dans les pays riches et les régressions imposées aux pays pauvres, souvent avec la complicité de ces mêmes pays riches ! Or la plupart de ces droits ont été acquis d'abord contre la société traditionnelle et contre la morale religieuse. Le premier sentiment est donc que pour réformer la société, les partisans du changement, de l' « évolution », ont besoin de faire trembler cette société sur ses bases traditionnelles. Il suffit de considérer l'évolution de la famille et de la morale sexuelle. Dans ces deux domaines, la fracture divise aussi bien les sociétés (on le voit aujourd'hui en France à l'occasion du débat soulevé par le « mariage pour tous ». Il est vrai que la société semble suivre le penchant d'une libéralisation de plus en plus étendue) que les civilisations.
Sans craindre d'exagérer, on peut dire que les fondements de la famille et de la société traditionnelle ont été sévèrement ébranlés. En cinquante ans, on a vu s'accélérer un certain nombre de phénomènes et l'on se demande si cela s'arrêtera un jour. A priori, il n'y a pas de raison pour que cela s'arrête ! Bien entendu, les partisans de ce réformisme parlent de conquêtes, de victoires, de progrès et d'acquis, etc. Leurs adversaires (qui ne sont ni uniquement ni exclusivement musulmans) parlent de sacrilège, de décadence et de crime contre la famille et la morale. En un demi-siècle tout a été tourneboulé au point que, selon un humoriste, mis à part les curés et les homosexuels, plus personne ne veut se marier (ni engendrer) ! On a vu ainsi : les progrès de la contraception, la libéralisation de l'avortement, la facilitation du divorce et de l'union libre, la procréation médicalement assistée, les familles recomposées, les unions homosexuelles et bientôt le mariage de même qualité, le tout sur fond de révolution sexuelle et de recul de l'Eglise dont les rites sont devenus folkloriques alors qu'elle avait un rôle de référent culturel de premier ordre…
Lorsqu'on observe le nombre de divorces et même d'avortements considérés comme moyen de contraception, de familles monoparentales, ce à quoi il faudra ajouter les particularités de l' « homoparentalité », le nombre d'unions contractées en dehors du mariage ; lorsqu'on constate qu'on n'a plus besoin du mariage pour aimer, faire des enfants, vivre en couple, on se dit que la « famille » a effectivement bien évolué et que nous n'utilisons plus le même concept !
Bien entendu, il n'est pas question de refuser l'évolution des moeurs ni de refuser leurs droits à des individus ou à des groupes. Ce qu'il faut cependant savoir, c'est que cette évolution des mentalités n'est, d'abord, pas parfaitement partagée (la manifestation contre le « mariage pour tous » l'a montré ; il y eut en son temps le refus de l'avortement et même de la contraception, et il y aura un jour, un mouvement contre l'euthanasie…) ; ensuite, cela entraîne un rejet encore plus net de la part des autres civilisations considérées comme archaïques ou arriérées. On a tendance à considérer qu'il faut du passé faire table rase, qu'il faut « faire comme les autres » (Espagnols, Portugais, Chiliens ou Argentins), en occultant s'il le faut le débat et en imposant le point de vue d'une fraction de la société au nom, d'abord, de la dictature majoritaire, ensuite du « droit », de la modernité, de l'évolution. Jamais l'on n'aura autant fait appel au référendum : c'est incontestablement une indication sur le degré de malaise qui traverse la société dont les repères sont brouillés. Même si cela révèle parallèlement une grande liberté du débat de société, les violences commises à chaque manifestation de ce débat révèlent que c'est aussi la meilleure façon de provoquer les radicalisations et les fractures.
Ainsi, cette internaute qui généralise outrageusement : « Oui, la France est hypocrite, les Pays-Bas sont l'exemple à suivre pour les sujets de société qui démangent furieusement les réacs hypocrites : homosexualité, prostitution, cannabis, euthanasie ». Il est intéressant de voir que les « sujets de société » se ramènent aux questions délicates dans lesquelles intervient un peu de sens moral et qu'on ne peut trancher par des « y a qu'à… ». On note également le ton méprisant avec lequel on traite ceux qui ne sont pas de votre bord : ce sont des « réacs hypocrites » que démange furieusement le prurit religieux. Et exit la liberté de conscience et de conviction ! Même le président Hollande, après avoir avancé timidement la clause de conscience à propos du « mariage pour tous », a dû ravaler sa proposition avec son chapeau : on n'ouvre pas impunément un débat social sensible, encore moins une boite de Pandore ! Je n'émets aucun jugement : je me contente de constater.
L'autre aspect de ce haut degré de tolérance à sens unique est l'argument désarmant du : « Cela existe ailleurs ». Il faut jeter son orge à la vue du blé du voisin. Mieux : l'argument massue du « fait accompli » : notre internaute poursuit en effet : « Ce n'est pas une question d'être pour ou contre, cela EST, donc encadrons au lieu de nier, d'anathémiser (sic) ou interdire. » A quoi bon débattre, donc, puisque nous avons raison et que les voisins le font déjà ? On est surpris de la simplicité de cet univers qui ramène toute la complexité de la vie psychologique et morale d'une société à quelques règles de bon sens et de fonctionnement « naturel », basées en réalité sur les désirs et les passions. Si quelque chose nous attire dans la République, c'est qu'elle est avant tout fille de Raison. Et si quelque chose nous séduit dans la démocratie, c'est l'existence des différences, du débat et de l'opposition (réduite, hélas, à la figuration).
Et quel ton ! « Moi, j'aime pas la prostitution en tant que féministe (Parce que la prostitution est agréable pour celui qui n'est pas féministe ?), mais je préfère que le mac soit l'Etat, OK ? Pour le shit, je suis pour. Contre l'euthanasie, etc. »
En somme, une morale à la carte, soumise au bon vouloir, au bon plaisir et à l'émotion. Et quand je ne suis pas partisan (j'ai pourtant bien dit qu'il n'était pas question d'être pour ou contre, qu'il suffisait que le phénomène fût pour s'imposer), c'est affaire de réacs hypocrites ; lorsque je suis pour, c'est bien et il faut l'imposer. « Point barre. OK ? »
Ce genre de casuistique, de raisonnement et de vision de la société est devenu apparemment majoritaire, c'est un signe de l'importance et de la profondeur de l'évolution des sociétés libérales. C'est aussi, malheureusement, la révélation de l'abîme qui sépare, par exemple, la civilisation islamique de la civilisation moderne occidentale. Dans l'une on prétend être vierge au mariage, lapider les hommes et surtout les femmes adultères ; dans l'autre on entend célébrer le mariage de deux hommes ou de deux femmes. Tout est concentré dans cette opposition : ce sont au moins deux siècles de laïcisation qui séparent (opposent ?) les deux civilisations et beaucoup d'observateurs, historiens, philosophes, sociologues, ont fait remarquer que si le monde musulman aspire au progrès matériel et au confort (le rêve des sociétés ? Le supermarché, voire le MacDonald !), c'est tout autre chose lorsqu'il s'agit de l'évolution des mœurs et de la morale !
En écoutant les informations, on apprend que le progrès entraîne de remises en question parfois douloureuses : par exemple, la Poste, malgré sa créativité, souffre de la concurrence de l'Internet, tout le monde comprendra de quoi il s'agit ; on ne peut être et avoir été ! Bon an mal an, la société s'est cependant habituée à d'autres évolutions, à d'autres transformations. Est-il besoin de rappeler la construction de la Tour Eiffel ? Le problème est de savoir si l'on met sur un même plan la transformation d'un paysage (celui de Millau, depuis la construction du célèbre viaduc ou de Bordeaux depuis la construction du pont Chaban-Delmas), la distribution du courrier et des paquets, et ce que beaucoup considèrent (encore) comme le fondement même de la société, son « âme », j'entends en particulier sa cellule de base, la famille et la procréation voire la possibilité de donner la mort. C'est à n'en pas douter une ligne de fracture et je rappelle qu'elle passe aussi bien à l'intérieur des sociétés dites « modernes » qu'entre les sociétés et civilisations. Tout est finalement question de temps et de point de vue. Après tout, il y a à peine trente ans, il n'était pas question des droits des homosexuels, tout au plus commençait-on à reconnaître le droit à la différence et aux préférences individuelles. N'allons donc pas plus vite que la musique sous prétexte d'« évolution ». Qu'est-ce que cinquante ans par rapport à l'histoire de l'humanité ? Un des phénomènes les plus frappants qui semblent caractériser les sociétés modernes est leur volonté d'accélérer le mouvement et donc de ne pas s'encombrer de considérations morales et surtout mémorielles : on ne veut ni repentance ni même souvenance ! Le monde est né avec moi et se ramène dans son étendue et sa complexité à la satisfaction de mes désirs et à l'instant où je suis. En somme, le fameux carpe diem perverti en nombrilisme et en hédonisme… quand ce n'est pas en simple bovinisme. Beaucoup de penseurs profonds (je pense à un Luc Ferry et à bien d'autres) estiment que la société libérale avancée a d'abord besoin de construire, de recréer du sens, un sens qu'elle a perdu du fait de la… laïcisation du monde. Il ne faut peut-être pas vouloir à toute force niveler et ramener la conception de la société à des modes : modes vestimentaires, piercings dans les narines ou les sourcils, voire la langue, tatouages dans le cou et sur les lombes, mèches ou chevelures fluorescentes et multicolores… On a voulu imposer les mêmes torsions à la cellule familiale et sociale : union libre, divorce à la chaîne, familles recomposées et, aujourd'hui, mariage « pour tous », euphémisme pour désigner le mariage homosexuel.
Si au moins les individus étaient aussi épanouis, aussi heureux et aussi comblés qu'ils veulent bien le dire !
Un sage a dit un jour que le bonheur n'était jamais que l'illusion d'être heureux.
Mettons- nous donc à genoux, faisons semblant de croire, prions…
« Nous entrerons bientôt dans de froides ténèbres »
(Charles Baudelaire).
8 avril 2013
Boudjema Méziane
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