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MC. Mesbah : » le centre de gravité dans l'institution militaire continue de pencher en faveur du FLN. »
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 12 - 04 - 2013

Note préliminaire de la rédaction du Quotidien d'Algérie.
Nous avons hésité avant de publier cet interview de MC. Mesbah, car le sujet de discussion (le « rôle » et les « prétentions » de Belkhadem dans la tchekchouka boulitique algérienne) n'intéresse que l'infime minorité du sérail. Cependant, à la lecture de l'interview, il en ressort à chaque fois et en filigrane, le rôle de l'armée et des services de renseignements (police politique), dans le choix des « hommes » et des options politiques du pays. C'est en raison de cette question de fond que nous avons opté pour la publication de cet interview en espérant qu'il suscitera un débat serein et sans animosité envers quiconque. Le seul but est d'approfondir le débat quant à notre vision commune de l'Algérie de demain, de son Etat de Droit, de ses institutions démocratiquement élues, issues du Peuple et au service du Peuple et non de clans ou d'une oligarchie corrompue.
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Mohamed Chafik Mesbah. Ancien officier
« Belkhadem vise le poste de vice-président »
El Watan le 12.04.13
Abdelaziz Belkhadem est de retour. L'ex- secrétaire général du FLN enchaîne les interviews et délivre ses messages. Mohamed Chafik Mesbah décrypte les raisons de cette soudaine offensive médiatique.
- Comment faut-il interpréter l'offensive médiatique de Abdelaziz Belkhadem ?
Abdelaziz Belkhadem se positionne pour la prochaine élection présidentielle. C'est l'évidence même. La démarche de l'ancien secrétaire général du FLN a toujours été de parvenir à instaurer une alliance durable entre le parti qu'il a dirigé et la mouvance islamiste à travers les partis ou les personnalités censés la représenter. Ce calcul politique correspond, au demeurant, à la feuille de route du président Abdelaziz Bouteflika. Parfait connaisseur de l'environnement international, le chef de l'Etat n'ignore pas que l'ère des partis nationalistes est révolue pour laisser place à celle des partis islamistes, dans une forme acceptée par les puissances occidentales. A cet égard, malgré toutes les divergences susceptibles de les opposer, Abdelaziz Bouteflika et Abdelaziz Belkhadem sont en phase.
- Vous affirmez que Bouteflika et Belkhadem sont en phase. Mais, l'ancien secrétaire général du FLN ne demande pas au Président de se représenter pour un quatrième mandat...
J'ignore si Abdelaziz Belkhadem détient des informations avérées sur l'état de santé du Président ou sur son état d'esprit. Mais, indiscutablement, l'ancien secrétaire général du FLN, tout en levant un véritable tabou, se positionne, clairement, pour la succession. C'est bien le camp du président de la République qui évoque ainsi l'hypothèse de son retrait de la scène politique. Mais j'exclus que Abdelaziz Belkhadem ait pu recueillir les confidences du chef de l'Etat. D'abord, dans le camp de Abdelaziz Bouteflika, il n'existe pas un seul camp mais plusieurs. Ensuite, le Président — habile tacticien qu'il est — ne livrera jamais son dernier mot avant les délais...
- A qui est destiné le message que tente de délivrer l'ancien secrétaire général du FLN ? A ses adversaires au sein du parti ou à des pôles déterminés du pouvoir ?
Premier constat, le secrétaire général du FLN mène une contre-offensive contre ses adversaires au sein du parti. Deuxième constat, il a les yeux rivés sur l'échéance présidentielle de 2014 et veut adresser un coup de semonce aux pôles du pouvoir qui lui semblent hostiles. Il imagine, en effet, qu'un FLN contrôlé et bénéficiant de l'appui du courant islamiste, est la voie d'accès royale à la fonction de président de la République. En évoquant, abruptement, la possibilité de la défection de Bouteflika, il lève un tabou. Mais, il semble minorer le rôle de l'armée et des services de renseignements, qui sont a priori réservés vis-à-vis de son projet. Par ailleurs, Belkhadem semble parier non pas tant sur sa propre réélection à la tête du FLN que sur son remplacement par Amar Saïdani. Ce dernier aurait, alors, à mobiliser le FLN, au profit de Belkhadem, pour l'élection présidentielle de 2014. Une alliance poussée par une partie du cercle présidentiel. Cette manœuvre semble avoir tourné court.
- L'armée et les services de renseignements seraient-ils, donc, par principe, hostiles à une alliance entre les islamistes et le FLN ?
Je vous rassure. Si vous voulez évoquer cette période ou «l'éradication» était en vogue, nous en sommes loin. Ne croyez pas que les chefs militaires actuels soient incultes au point de ne pas prendre la mesure des changements qui ont affecté l'environnement international. L'onde de choc de l'islamisme politique a été absorbée. Il n'existe plus de rejet pathologique de tout ce qui renvoie à l'islam. Ce n'est pas l'avènement au pouvoir d'un parti semblable à l'AKP turc qui poserait problème. Ce qui poserait problème, ce serait l'irruption intempestive d'une mouvance islamiste archaïque, rétrograde et usant de violence. Mais, incontestablement, le centre de gravité dans l'institution militaire continue de pencher en faveur du FLN. Cependant, le rajeunissement de la hiérarchie militaire aidant, peut-être faudrait-il parler d'un FLN revivifié, profondément enraciné dans la société.
- Abdelaziz Belkhadem ne tente-t-il pas de se placer pour le poste de vice-président de la République, susceptible d'être instauré lors de la prochaine révision constitutionnelle ?
Absolument. Ce serait, pour lui, un premier pas vers l'accès à la magistrature suprême. Ce poste de vice-président de la République pourrait être institué, en effet, pour garantir — en cas de nécessité — une succession sans surprise. C'est dans la nature du système algérien. Naturellement, le titulaire de ce poste serait désigné par le chef de l'Etat, pas élu en même temps que lui. Dans ce cas de figure, justement, de tous les candidats à la fonction de vice-président de la République, c'est Belkhadem qui pourrait, le plus, jouir des faveurs de Bouteflika. Selon la feuille de route qui serait celle du chef de l'Etat, Belkhadem serait le plus à même de rassembler la mouvance islamiste dans le cadre d'une alliance avec le FLN. Ensuite, Belkhadem, nourrissant de l'amertume sinon de la rancœur vis-à-vis de l'armée et des services de renseignements, serait un rempart pour éviter une mainmise sur les leviers du pouvoir. Mais c'est là un calcul théorique qui ne peut être validé que confronté à la réalité.
- Abdelaziz Belkhadem a-t-il un projet politique qui puisse plaire aux Algériens ?
Au plan de la forme, il peut paraître, en effet, porteur d'un projet politique. Un projet, sans doute, teinté de cet islam archaïque qui fait bien chatouiller l'instinct grégaire de la société. Par ailleurs, il jouit de l'appui d'un nombre appréciable de sympathisants au sein du comité central du FLN. Un comité central dont les membres ont été, quasiment, tous cooptés. Ce comité central représente-t-il le FLN dans toute sa réalité ? Rien n'est moins sûr. Alors, comment toute la société algérienne pourrait-elle se reconnaître dans le projet de Belkhadem ?! Oubliez le projet qu'il pourrait porter. Pas question, évidemment, de nourrir quelque ostracisme contre l'islam, fondement essentiel de la matrice identitaire de l'Algérie. Mais il faut convenir que l'enjeu en Algérie se rapporte à l'impérieuse nécessité de concilier morale et politique dans le mode d'exercice de la gouvernance publique. Avec ou sans Abdelaziz Belkhadem, nous sommes loin du compte...
- En somme, la stratégie de Abdelaziz Belkhadem est vouée à l'échec…
Pas exactement. Je ne pense pas que le Président ait renoncé à se servir de la «carte Belkhadem». Deux cas de figure peuvent se présenter. Premier cas, le président de la République parvient à imposer sa propre feuille de route visant à faire émerger une majorité islamiste en Algérie, après avoir neutralisé toute résistance, notamment, de la part de l'armée et des services de renseignements. Alors, Abdelaziz Belkhadem conserverait ses chances. Deuxième cas de figure, sous la pression nationale et internationale, la conjoncture se précipite avec une réduction drastique de la marge de manœuvre du président Abdelaziz Bouteflika qui serait contraint à compter avec la rue. Alors, les chances de Belkhadem seraient compromises.
Bio express
Né en 1949, à Belcourt ( Alger), Mohamed Chafik Mesbah est docteur d'Etat en sciences politiques de l'université d'Alger et diplômé du Royal College of Defense Studies de Londres. Journaliste à la Radiodiffusion télévision algérienne (RTA), il rejoint les rangs de l'Armée nationale populaire, où il assume différentes responsabilités. Il démissionne des rangs de l'ANP pour rejoindre le cabinet du président Liamine Zeroual.


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