Bouteflika va inviter la classe politique, Le retour du dialogue national L'Expression Mardi 15 mars à 0:08 Une révision profonde de la Constitution serait l'un des résultats auxquels aboutirait un dialogue national. Toute la classe politique sera invitée à un dialogue sous l'autorité du Président Bouteflika. Le dialogue sera sans exclusive. Des sources crédibles nous ont effectivement précisé que Bouteflika s'apprête à inviter, non seulement des partis mais aussi des personnalités historiques et des associations représentatives. Nos sources n'indiquent pas si ces rencontres se dérouleront en tête à tête ou en congrès. Le mode opératoire n'étant pas encore défini. Cette initiative est l'amorce d'un changement décidé par le chef de l'Etat. Il répond ainsi à l'effervescence qui caractérise la société depuis plusieurs semaines. La même source rapporte que ces rencontres peuvent aboutir à des mutations importantes. La révision en profondeur de la Constitution sera la clé de voûte de plusieurs autres nouveautés. Preuve que les changements politique et social ne seront pas superficiels. La révision de la Constitution est alors présentée comme le prélude d'autres réformes. La loi sur les élections, la loi régissant les partis et d'autres textes juridiques seront revus dans le sens d'une plus grande ouverture. Ce sera aussi le cas de la loi sur l'information et celle définissant les modalités de création et de fonctionnement des associations. L'ensemble des autres lois qui gèrent toute la sphère politique subiront le même sort. Autant dire que l'APN et le Sénat auront du pain sur la planche lors des prochains mois. Le recours à des ordonnances n'est pas exclu pour imprimer un rythme rapide à ces réformes. Elles peuvent même aboutir avant les élections de 2012. C'est donc un changement qui dépasse le seul stade des réformes conjoncturelles. Et il y a des signes qui ne trompent pas sur l'évolution de la stratégie des pouvoirs publics vis-à-vis des mouvements citoyens et des demandes sociales et politiques. Hier, une délégation d'étudiants a été reçue à la Présidence de la République. C'est loin d'être une pratique courante dans les moeurs politiques. Des représentants de plusieurs corps de métiers ont tenté des sit-in devant la Présidence et ils ont tous été évacués. Mais le geste d'hier renseigne de la volonté de dialogue. Habituellement, c'est la matraque qui est réservée aux manifestants. Le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia et le directeur général de la Sûreté nationale n'ont eu de cesse de répéter que la fermeté la plus extrême serait utilisée contre toute tentative de quelque groupe que ce soit de sortir dans la rue. Mais la marche et le sit-in organisés par les gardes communaux à Alger depuis quelques jours et devant l'APN a ébranlé toutes les donnes. Désormais, ce type d'action a toutes les chances de bénéficier d'un traitement moins musclé que ceux réservés aux marches du samedi. Depuis quelques semaines, il y a eu une effervescence sans précédent et un tsumani de revendications. Il est observé que si certaines révoltes arabes sont téléguidées, les mouvements revendicatifs d'Algérie seraient tolérés. Au palais d'El Mouradia, on ne pèse pas seulement le poids de la contestation sociale. Une réponse est aussi formulée à l'endroit des hommes et des femmes politiques. En effet, des voix écoutées comme celle de Abdelhamid Mehri ont fait offre de dialogue. Celle de cet homme politique a même été saluée par Aït Ahmed, une autre personnalité qui compte dans le paysage politique. La scène enregistre des demandes d'autres partis pour la révision de la Constitution et certains veulent même un régime parlementaire ou une Constituante. Cette option est fermement contrée par Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN. En tout cas, cette offre de dialogue intervient quelques jours après la levée de l'état d'urgence, qui est jugée insuffisante par certains partis et personnalités. Ils veulent une ouverture démocratique réelle, à commencer par celle des médias publics. Mais combien de partis, organisations et personnalités participeront à ces rencontres si l'on sait que quelques acteurs demandent le retrait du régime actuel. Ahmed MESBAH ======================================================== Bouteflika a demandé à l'Alliance présidentielle de lui faire des propositions La révision de la Constitution se précise TSA 15 mars 2011 Hakim Arous Le président de la République a officiellement demandé aux responsables des partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) de lui faire des propositions en vue d'une prochaine révision de la Constitution, a appris TSA de source proche de l'Alliance présidentielle. La Constitution sera donc bien modifiée, a affirmé cette source. Les interrogations se portent désormais sur le modèle qui sera privilégié par le pouvoir. Deux systèmes sont en balance : un système parlementaire, qui se caractérise par un équilibre des pouvoirs entre le gouvernement et le Parlement, ou un système semi‑présidentiel, avec des prérogatives du président de la République moins importantes que ce n'est le cas actuellement. La révision de la Constitution serait en réalité la première étape d'une série de mesures qui devraient aboutir à la tenue d'élections législatives et municipales anticipées. Aucune date pour la tenue de ces élections n'a pas été précisée par notre source. Normalement, ces élections devraient se tenir en 2012. Des élections présidentielles anticipées ne sont pas non plus à exclure, toujours selon notre source. Cette révision devrait permettre également le retour des islamistes dans le jeu politique national, y compris ceux de l'ex‑FIS ou de l'ex‑AIS. Notre source n'a ainsi pas exclu qu'un agrément soit délivré à une formation politique dirigée par l'ex‑chef de l'AIS Madani Mezrag. Le rôle de l'armée et des services de renseignement devrait également être sérieusement modifié dans cette nouvelle Constitution. Leur influence sur la vie politique serait ainsi considérablement réduite. Un premier signal en ce sens a d'ailleurs déjà été envoyé avec la levée de l'état d'urgence le mois dernier. Ce serait en tout cas une petite révolution pour le pays. Selon une autre source interrogée par TSA, lors de la visite à Alger du Français Jean‑Pierre Raffarin, le président Bouteflika qui l'a reçu lui aurait fait cette confession: « Nous allons tous partir ». Le « tous » ferait allusion au président mais aussi et surtout à l'armée. Ces changements importants dans la vie politique algérienne sont le résultat des mois de tensions qui ont touché le pays mais surtout de la pression américaine pour faire accepter au régime algérien une réforme de ses institutions, et notamment une plus grande ouverture politique, avoue notre première source. Il faut d'ailleurs constater que ces dernières semaines, s'il y a eu plusieurs visites d'officiels américains, notamment de responsables de la Défense, les Etats‑Unis ont cessé d'exprimer publiquement leur souhait de voir la situation évoluer en Algérie. ====================================================== Mohamed Chafik Mesbah : « La reconversion des services de renseignements est inévitable… » El Watan le 15.03.11 | Mohamed Chafik Mesbah, ancien officier supérieur des services de renseignements, il est également docteur d'Etat en sciences politiques. - Des «législatives anticipées», une «constituante», une «révision profonde de la Constitution», l'amorce d'une «période de transition»… Certains titres de la presse nationale ont prêté dernièrement au «régime» des velléités de «réformes radicales». Des observateurs ont relevé la concordance entre les annonces faites par la presse nationale (autour de l'hypothétique projet de réformes politiques) et l'initiative de Abdelhamid Mehri soutenue par le FFS. Pensez-vous qu'on soit réellement dans cette perspective ou est-ce juste un leurre, un amuse-gueule ? Jusqu'à preuve du contraire, les instances officielles contestent toute dimension politique attachée à l'état d'exaspération populaire. Celle-ci refléterait des revendications économiques et sociales, pas des exigences politiques. A priori, donc, ce scénario, pour s'en tenir à la logique officielle, ne répond pas à une pression populaire. Ce serait alors une initiative souveraine du président de la République lequel, s'appuyant sur les instances et appareils qui l'entourent, aurait décidé de faire évoluer le système politique vers un processus qui pourrait annoncer la transition démocratique tant attendue. Personnellement, je ne crédite pas le régime actuel de la capacité de se réformer de l'intérieur. A imaginer, par exemple, que le président de la République ait recours à une assemblée constituante – revendication emblématique du FFS –, cela équivaudrait pour le système à se faire hara-kiri. Cela paraît improbable comme éventualité. Mais n'ayant jamais douté du talent tactique de Abdelaziz Bouteflika, je n'exclus pas qu'il souhaite gagner du temps en lançant des signaux plus ou moins convaincants à destination de l'extérieur et en gagnant l'appui de leaders politiques traditionnellement hostiles à l'influence prêtée aux services de renseignements sur la vie politique du pays et favorables à une réhabilitation plus explicite du mouvement islamiste. Je nourris trop de considération pour Abdelhamid Mehri et Mouloud Hamrouche et autant sinon plus de respect pour Hocine Aït Ahmed, pour que je me permette d'insulter leur intelligence ou de douter de leur conviction patriotique en admettant l'idée qu'ils adhéreraient à un arrangement d'appareils basés sur des visées, plutôt, subjectives – principalement, limoger le chef des services de renseignements et démanteler l'institution – en lieu et place de la solution éminemment politique qui, impliquant toute la société et dépassant les contingences de personnes et de sentiments, conduirait, de manière sûre, vers l'instauration durable du système démocratique. Si, sentimentalement, je souhaite pour mon pays qu'une telle transition pacifique puisse se vérifier, la raison m'interpelle aussitôt pour me rappeler que le système algérien, dans sa contexture actuelle, a perdu les ressorts qui lui auraient permis de réaliser cette mutation qualitative que semblent suggérer vos sources. Le 7 mars, le ministère tunisien de l'Intérieur a annoncé la dissolution du corps de la police politique et de l'appareil de la sécurité d'Etat, corps honni par la société tunisienne. En Egypte, les bâtiments des moukhabarate ont été également pris d'assaut par des manifestants. Quantité de documents compromettants se sont de ce fait retrouvés sur Internet. Leurs contenus renseignent sur l'ampleur des collusions, l'instrumentalisation systématique des politiques, des hommes d'affaires, des militants des droits de l'homme et sur les méthodes de terreur utilisées par la police politique pour mettre sous coupe réglée la société égyptienne. - Pensez-vous qu'un jour, en Algérie, on verra un scénario similaire se reproduire ? Vous qui étiez dans les services de renseignements, en quoi le maintien de ce «service» est-il utile pour la société algérienne ? L'évolution des processus politiques intervenus en Tunisie et en Egypte avec les péripéties dont vous faites état – dissolution des appareils sécuritaires ou, plus exactement, reconversion – est des plus naturelles. En Europe occidentale déjà – Portugal et Espagne –, dans l'ensemble de l'Europe socialiste même si c'est avec une tonalité différente en Roumanie, dans tous les pays d'Amérique latine passés par la dictature militaire, partout les transitions démocratiques se sont accompagnées d'un repositionnement institutionnel des services de renseignements avec adaptation de leurs missions à des impératifs liés, strictement, à la sécurité nationale, dans l'acception universelle du concept. Pour répondre à la question que vous m'assenez, par voie détournée, je ne me dérobe pas. Le rôle des services de renseignements consiste à protéger la société, non à la contrôler. Partant, c'est l'évidence qu'il ne saurait exister d'exception algérienne pour les services de renseignements. Sans coup férir, en effet, la configuration actuelle des services de renseignements devra, tôt ou tard, subir les transformations utiles qui mettront l'institution en totale adéquation tant avec les exigences du fonctionnement du système démocratique – à travers notamment l'exercice du contrôle parlementaire sur leurs activités – qu'avec les impératifs de la vie moderne par l'ouverture résolue de ces services vers l'élite parmi l'élite de la nation. Ne vous attendez pas, pour autant, à ce que je tire à boulets rouges sur d'anciens compagnons qui sont loin d'être tous corrompus selon l'image que vous évoquez à propos de l'Egypte. Certains de mes compagnons sont morts, à la fleur de l'âge, pour défendre leur pays, j'ai vu d'autres compagnons pleurer devant le gâchis que leurs activités leur ont permis de constater et hurler de rage, impuissants, face aux actes de grande corruption qu'ils ont contribué à matérialiser. Si vous voulez à tout prix me pousser dans mes retranchements, je dirais que la reconversion de l'institution en charge des activités de renseignements est inévitable, avant ou après le départ du président Abdelaziz Bouteflika, il faut souhaiter, seulement, qu'elle se déroule dans la sérénité. Mohand Aziri