En régime CDI, les apparences présidentielles ne sont que des CDD Ahmed Selmane Jeudi 2 Mai 2013 Dans la presse qui s'est emballée en 2003 pour Ali Benflis par excès de proximité avec les spin's doctors du système on sent comme un énervement contre ceux qui ne hurlent pas à l'article 88 et ne croient pas qu'un probable renoncement de Bouteflika à la lubie d'un quatrième mandat soit porteur d'une évolution «qualitative». Photo : Sidali Djarboub / Newpress Comment expliquer à ceux qui ont « parié » sur Benflis car « on » leur a assuré que Bouteflika était « fini », « lâché par l'armée» que les réalités pesantes des intérêts des tenants du système sont la donne fondamentale et l'apparence présidentielle, même durable, relève du contingent. Au mieux, cette apparence présidentielle « fait partie du pouvoir », y dispose des « actions », elle n'est jamais totalement le pouvoir. Dans un pays où la violation et l'irrespect de la Constitution est validée par l'apparence présidentielle elle-même, les règles formelles sont de peu de consistance. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika a trop maltraité la Constitution pour qu'elle puisse lui servir d'atout contre les autres « actionnaires » du pouvoir. L'amendement qui lui a permis formellement de postuler au 3ème mandat a achevé de ruiner tout aspect normatif à la Constitution. C'est du papier, ce n'est pas un écrit au sens lourd du terme. Et quand au sein de l'entourage de Bouteflika on essaie de faire durer le jeu dans une nouvelle rallonge au patriarche, les journaux qui se sont faits marris en 2003, sont prêts à reprendre du service dans un bombardement en règle en direction de la fratrie. L'AVC de Bouteflika a fait l'objet d'une communication relativement plus fluide qu'à l'accoutumée et pour ceux qui observent la ménagerie du système, cela répond à une nécessité. On baigne déjà dans la rumeur instrumentalisée et des « papiers » dont la seule «valeur ajoutée » est la qualité faussement secrète des sources. La fratrie a aussi décidé de communiquer sur la santé de Bouteflika pour probablement calmer les attaques contre la « tribu » et signifier qu'on n'est plus dans l'option du quatrième mandat. C'est l'hypothèse la plus probable. Elle est conforme au fonctionnement d'un système très pervers où l'apparence présidentielle est constitutionnellement parlant un quasi-monarque, mais concrètement un simple détenteur d'actions –cédées à titre « gracieux » dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. Acteurs putatifs de l'histoire Le système algérien est fondé sur une « république spécifique » où l'apparence présidentielle est décidée par un « collectif » qui peut changer mais qui conserve constamment un noyau dur. C'est ce collectif de « grands décideurs » qui détient le CDI, les présidents n'ont que des CDD. La seule gloire laissée à la presse – dont les « investigations » ne sont que des dossiers transmis et parfois reproduits à l'identique sans même l'effort d'un rewriting – est de signifier que le CDD est arrivé à terme. Certains tentent de le faire en ménageant les formes, d'autres le font avec la hargne de ceux qui attendent le CDD de la nouvelle apparence présidentielle et les redistributions périphériques que cela occasionne. Cela leur donne également la croyance puérile qu'ils contribuent, par leurs articles, au changement du « cours de l'histoire ». C'est le paradoxe cocasse du scribe qui se gonfle d'importance dans un système où l'écrit – c'est-à-dire la Constitution, les lois et les règles – est sans consistance. Ces scribes, acteurs putatifs de « l'histoire », s'emballent d'ailleurs en dégainant avec une jubilation très infantile l'art 88 de la Constitution. Non, les détenteurs du CDI vont, à moins que les impondérables de la santé n'en décident autrement, respecter le CDD jusqu'à son terme. Cela donne le temps de « préparer » la cuisine de 2014 où il s'agira – et jusqu'à présent nous ne disposons d'aucun indice qu'il en sera autrement – de changer l'apparence présidentielle pour que tout reste en place. Il n'y a pas de changement politique annoncée, ni de passage à la force de la Constitution et à la légalité républicaine. Il s'agit, juste, de donner un CDD pour préserver le CDI que les tenants du système se sont octroyés, malgré les algériens, malgré l'histoire et malgré l'accumulation des signes intérieurs et extérieurs que cela ne « marche plus ». La fabrique du médiocre Bouteflika ne sera probablement pas candidat, mais le régime est candidat permanent jusqu'à l'usure complète de l'Algérie. Pendant que le CDI se perpétue, les médiocres s'installent avec même des comportements de voyous agréés. A la finale de la coupe d'Algérie, le MCA a perdu dans les règles de l'art face à l'USMA qui a mieux joué. Mais un dirigeant de ce club, financé par Sonatrach, par les fonds publics, a décidé de réagir en nervis de quartier en demandant aux joueurs de ne pas participer à la cérémonie de remise de la coupe. Du jamais vu dans ce monde de « footeux » où pourtant tout est arrivé des magouilles aux violences. Le CDI du système est fondamentalement assis sur l'irresponsabilité des acteurs qui n'ont aucun compte à rendre et qui finissent même par croire que ce qui leur est délégué est leur chose, leur machin, leur joujou. Omar Ghrib, coordinateur de la section de Football du MCA vient probablement d'avaler son CDD. Mais le CDI d'un régime non-réformable nous fabrique des comme ça à la centaine. La seule issue – pour l'instant les algériens n'ont pas les moyens de le faire -est d'appliquer l'article 88 au régime et à tous ses instruments. Y compris aux scribes qui croient croire qu'ils sont en train de changer l'histoire.