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Peut-on dire que le peuple algérien ne veut pas, ne souhaite pas le changement?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 23 - 08 - 2013

Je ne suis – malheureusement pour moi, car j'ai toujours voulu l'être, mais la vie en a décidé autrement – ni philosophe, ni sociologue, ni anthropologue, ni historien, ni..., ni..., ni... J'essaie tout de même d'user de ma raison, avec plus ou moins de discernement et de méthode, pour comprendre le monde qui m'entoure et formuler certaines opinions que je livre telles quelles aux honorables lecteurs et lectrices de ce forum.
Ce que j'ai retenu de l'histoire récente de notre pays – et celle de la région à laquelle il est rattaché et dont il subit les influences –, c'est que la séquence historique qui a débuté en novembre 54 – avec la mise au placard du père du mouvement nationaliste algérien et la montée au créneau des « jeunes loups » de l'OS, clôturant ainsi la séquence de formation et de préparation, qui avait débuté avec l'Emir Khaled et la création de l'ENA –, celle du nationalisme teinté de populisme, de socialisme et de panarabisme nassérien, qui a vu son projet de mise en place de l'Etat national indépendant pris en main de manière autoritaire par le groupe qui s'est formé autour de Ben Bella durant le tristement fameux été de la discorde de l'année 1962, puis de manière plus résolue et méthodique – et surtout beaucoup plus autoritaire – par le jeune colonel Boumédiène, cette séquence historique nationaliste, socialiste et panarabiste a vu l'énergie de l'idéologie qui la sous-tendait diminuer progressivement avec les années et son impact sur les « masses populaires » se réduire.
Les anciens moudjahidines – héritiers présomptifs des martyrs de la guerre de libération et porteurs de la flamme nationaliste – se transformèrent, pour la majorité d'entre eux, en boutiquiers et porte-voix du régime de parti unique, ou, pour les plus honnêtes, se retirèrent définitivement de toute activité politique. Les plus butés – Boudiaf, Aït-Ahmed, Krim Belkacem – créèrent des partis d'opposition et furent forcés à l'exil. Les anciens du PCA essayèrent tant bien que mal de se positionner sur la nouvelle scène politique, à cheval entre « soutien critique » au colonel-président chef d'orchestre des trois révolutions et clandestinité. Tous se plaçaient dans le même repère et s'abreuvaient à la même source – avec des réserves pour les communistes –, celle du nationalisme. La légitimité passait obligatoirement par l'adhésion à la Proclamation du 1er novembre 1954. C'était le minimum requis pour toute personne désireuse de briguer un poste dans les structures du nouvel Etat national. Accessoirement, il était aussi de bon ton de se dire socialiste et/ou panarabiste.
On peut dire que cette séquence historique, celle du nationalisme teinté de populisme, de socialisme et de panarabisme, a pris fin, de manière quasi officielle, le 5 octobre 1988, bien que les signes d'essoufflement du système dont elle a accouché devinrent apparents beaucoup plus tôt.
Quelle était le rôle et la position du peuple dans cette séquence après le 5 juillet 1962? Avait-il adhéré sans réserve et avec enthousiasme aux différentes politiques appliquées? Savait-il qu'il y avait des partis d'oppositions clandestins et les avait-il ignorés délibérément et superbement? Difficile à dire, tant les événements de l'été 62 se chargèrent très vite de déniaiser ce peuple et de lui faire perdre toutes ses illusions concernant l'élite dirigeante de l'époque. La lutte féroce pour le koursi qui eut lieu alors me semble être l'événement fondateur de la culture politique du peuple algérien post-indépendance. Le charme était rompu et ceux qu'ils voyaient naguère comme de preux chevaliers sans peur et sans reproche lui apparurent alors dans toute leur nudité et leur petitesse. Mais, bon vivant qu'il a toujours été, et emporté par l'euphorie de la liberté retrouvée – liberté très chèrement payée, après tant de souffrances et d'humiliations –, il a pardonné toutes les bassesses et applaudi de bon cœur à tous ceux qui donnaient l'impression – de manière sincère ou par calcul – de s'atteler à la construction de l'Etat national naissant et à la mise en place d'une économie moderne. Il finit par croire aux rêves de grandeur et de gloire de Boumédiène, et ses enfants, devenus en 1972 de jeunes étudiants pleins d'entrain, sillonnèrent nos campagnes aux cris de « Hé mamiyya, thawra zira3iyya! » Pénuries et chaînes empoisonnaient sa vie – de même que la tristement fameuse autorisation de sortie –, mais, beau joueur, il acceptait tous ces désagréments, les considérant comme de simples disfonctionnements momentanés et espérant de tout cœur voir se réaliser le grand rêve collectif, celui de l'« Horizon 80 » – rappelez-vous, Boumédiène et ses experts nous avaient promis que l'Algérie de 1980 aurait le niveau de l'Espagne de 1970.
Coup du sort ou malédiction? Le colonel-dictateur, grand chef d'orchestre et leader tiers-mondiste dont l'étoile brillait au firmament, mourut subitement – et mystérieusement – en décembre 1978. Une fois Boumédiène enterré – avec les pleurs et lamentations dus à son rang et son prestige sur la scène internationale – et Chadli adoubé par ses collègues de l'ANP à la tête de l'Etat, chacun retourna à ses affaires. Nous sommes en 1979, la chute du mur de Berlin est encore loin et le socialisme semble encore reposer sur des fondations inébranlables. La Constitution votée en 1976 – après la Charte Nationale et ses débats qui avaient permis de soulever le couvercle de quelques millimètres afin de laisser s'échapper un peu de pression – proclamait fièrement que le socialisme était une « option irréversible ». Mais le nouveau patron, le colonel aux cheveux blancs et à la démarche sportive, celui dont l'occupation favorite quand il était chef de région à Oran était de faire de longues parties de dominos avec ses collaborateurs, ne l'entendait pas de cette oreille. L'argent du pétrole coulait à flots, pourquoi ne pas se permettre quelques gâteries? Ce Boumédiène avait été bien trop sévère et avait totalement négligé le bien-être et le confort de ses administrés. Nous eûmes donc droit au fameux PAP. Les bananes réapparurent et nos Souq-El-Fellah furent largement approvisionnés en produits importés de toutes sortes : électroménager, cannes à pêches avec moulinets à Adrar, boules de fromage rouge de Hollande et plaquettes d'œufs d'Espagne. Vive la bouffe et l'insouciance!
Certains – mauvaises langues – diront que la disparition prématurée de l'homme à la poigne de fer qu'était Boumédiène et son remplacement par un homme mou et sans consistance avait donné l'occasion à tous les fauteurs de trouble de relever la tête, en particulier les berbéristes et les islamistes. Il y eut donc le printemps berbère d'avril 80 et la grande marche revendicative des islamistes du 12 novembre 82 (http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=919). Il y eut les maquis de Bouyali et les condamnations par la Cour de Sûreté de l'Etat. Berbéristes et islamistes se retrouveront côte à côte dans les mêmes prisons. Mais le FLN est toujours maître du jeu et son chef, Messadia, est considéré comme le numéro deux du régime. La marmite commence à bouillir, cependant, et une nouvelle génération est arrivée à l'âge adulte, plus instruite que celle qui a applaudi les moudjahidine entrés triomphalement à Alger en 1962 et moins disposée aussi à se laisser marcher sur les pieds au nom du nationalisme, du socialisme et du panarabisme.
La légitimité liée au combat pour l'indépendance commence à être sérieusement remise en question, de manière systématique et radicale, par les islamistes. À cette légitimité qui s'appuie sur la Proclamation du 1er novembre 1954, elle oppose une autre légitimité, celle du Coran et de la Sunna, celle de la Shari`a islamique. Les murs porteurs du système ANP-FLN commencent à se fissurer, mais ils semblent encore solides. Jusqu'à cette date fatidique de 1985 qui a vu les prix du pétrole dégringoler. À ce moment-là tout le monde sait que la « zerda » est terminée. Il faudra désormais revenir aux habitudes des années 70. Mais nous en sommes bien loin. Par un glissement progressif, et de manière tout à fait insensible, le paysage socio-économique a totalement changé. Une classe de nouveaux riches a fait son apparition et ses rejetons dansent tard la nuit à Ryadh-El-Feth – Houbel pour les islamistes. L'Algérie de 1985 n'a plus grand-chose à voir avec celle de 1962.
À ce point précis de notre Histoire récente que peut-on dire du peuple et de son attitude face au système en place depuis 1962? Selon moi, le peuple algérien avait fini par pardonner à ses dirigeants leurs luttes fratricides et avait cru au projet du colonel-dictateur de faire de l'Algérie une puissance régionale. Boudiaf, Aït-Ahmed, Krim Belkacem, Ferhat abbas, Benkhedda et Kheir-Eddine, malgré tout leur prestige personnel, n'avaient pas pu influer sur le cours des événements, car l'énergie qui émanait de la source nationaliste était encore élevée et c'était le nationalisme lui-même qui comptait, indépendamment des hommes qui s'en réclamaient. La marge de manœuvre de ces derniers ne paraissait pas au peuple suffisamment importante pour devenir pertinente. Le flux qui portait le peuple algérien depuis le 1er novembre 1954 était encore en phase ascendante. Il ne commencera à retomber vraiment et de manière brutale qu'après 1985. La période 79-85 se caractérisera cependant par l'insouciance dont firent preuve peuple et dirigeants. On se la coulait douce. Après la chute des prix du pétrole, la nouvelle génération – j'avais 31 ans en 85 – qui espérait accéder à un standing de vie comparable à celui des pays occidentaux, dut progressivement réviser ses calculs à la baisse. Les deux nouveaux venus, la classe des nouveaux riches – poussant vers une économie libérale – et les islamistes, mettront toujours plus de pression aux « caciques » du FLN, jusqu'au clash du 5 octobre 88, qui verra le système FLN mis en place depuis 62 s'effondrer brutalement.
Après le 5 octobre 88, le nationalisme du FLN ne pèsera plus très lourd face aux deux nouveaux concurrents : les islamistes et les nouveaux riches qui veulent une ouverture économique libérale. La société algérienne relativement homogène de 1962 – majoritairement rurale et bien ancrée dans sa culture traditionnelle – n'existe plus. Un exode rural massif, qui a débuté dès les premiers jours de l'indépendance – les biens-vacants laissés par les pieds-noirs agissant comme des aimants à très fort pouvoir d'attraction –, a transformé nos villes en immenses dortoirs où s'entassent des millions de déracinés – ni ruraux, ni citadins. Le peuple algérien est totalement déniaisé, mais il est totalement désorienté aussi. Le champ des possibles est ouvert, mais la génération qui a fait ses études sous Boumédiène – rappelez-vous : « elli mâ qrâch fi weqt Boumediene 3amrou mâ yeqra welli ma treffeh'ch fi weqt Chadli 3amrou mâ yetreffeh... » – n'a pas su saisir sa chance. Celle des anciens l'a constamment maintenue sur la touche. Elle a raté le train ou, pour être plus précis, elle s'est contentée de regarder le train passer, selon l'expression de notre ami Zendagui. Cette génération, c'est la mienne. C'est aussi celle d'Ouyahia, Soltani, Ali Benhadj, Djaballah, Louisa Hanoune et Saïd Sadi. Nous sommes en 2013 et celui qui fut ministre de la jeunesse dans le premier gouvernement de l'Algérie indépendante est toujours à la tête du pays depuis près de quinze ans. Les dirigeants de l'Algérie indépendante, trop jeunes en 1962, sont devenus séniles sur le fauteuil et refusent obstinément de le quitter. Ils ont ruiné tous nos rêves, mais ils continuent encore et toujours de s'accrocher à leurs privilèges, incapables qu'ils sont désormais de comprendre le peuple qu'ils sont censés gouverner, car totalement coupés de lui.
Depuis le 5 octobre 1988, le peuple algérien, après avoir définitivement tourné la page du FLN post-indépendance que la jeunesse avait publiquement désavoué, se cherche une nouvelle raison de vivre et d'espérer, mais il n'a trouvé sur son chemin que des désillusions et des déboires. Ni le FIS, ce géant aux pieds d'argiles, ni les réformistes tels que Mehri et Hamrouche, et encore moins ceux qu'on a appelé les démocrates, ne répondront à son besoin de changement et de rénovation. Ses rêves d'une vie meilleure dans la liberté et la prospérité seront broyés par la machine de la violence barbare devenue folle et autonome. Une violence d'une sauvagerie jamais connue auparavant, comme surgie de nulle part. Ce fut comme un dérèglement généralisé, un déferlement de barbarie qui emporta tous les rêves sur son passage.
Alors peut-on dire que le peuple algérien ne veut pas, ne souhaite pas le changement? Il a peut-être supporté patiemment son mal de 62 à 88, espérant toujours voir ses rêves se réaliser, mais depuis le 5 octobre 88, il n'est plus possible de douter de ce besoin de changement qui suinte à travers tous les pores de la société. C'est l'intelligentsia – et là encore je rejette le blâme sur ma génération qui n'a pas su trouver ses marques – qui n'a pas été en mesure de traduire ce besoin de changement en termes clairs et à le prendre en charge de manière concrète sur le terrain. Il faut dire à sa décharge que le choc des années 90 a été d'une telle violence et qu'il était tellement inattendu que les mots étaient devenus incapables de parler d'autre chose que de la douleur. D'autre part, les voyous qui ont pris le contrôle du pays à partir de janvier 92 n'ont pas cessé à ce jour de travailler au renforcement de l'appareil répressif afin de parer à toute éventualité et briser dans l'œuf toute tentative de renversement du régime.
Il est quand même terrible de voir cette même intelligentsia – et j'en suis – rejeter le blâme sur le peuple, au lieu de faire son autocritique en toute lucidité et assumer ses responsabilités devant l'histoire.


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