Si pour la majorité des observateurs superficiels, c'est-à-dire la majorité d'algériennes et d'algériens d'ici et d'ailleurs, ce qui se passe depuis au moins deux années dans le pays ressemble à une succession d'événements fortuits, en revanche la minorité d'initiés ne sait plus ou donner de la tête. Elle ne sait plus sur quel pied danser. Des responsables politiques, opportunistes et sans le moindre scrupule pour la majorité d'entre eux, inquiets de leur avenir cherchent désespérément à rallier le bon camp. Un pouvoir schizophrène et une succession d'événements tout aussi fous ou les rebondissements les plus insoupçonnés se produisent en rafales, en s'enchevêtrant les uns aux autres, rendent toute visibilité politique impossible. Cependant, ces rebondissements ont en commun la méthode, de la suite comme une horloge programmée à sonner à une heure bien précise. Tout a commencé avec les élections générales du 10 mai 2012 lorsque un parti, le FLN, mort depuis plus d'un demi siècle s'éveille soudain à la vie avec toute la vigueur de la jeunesse, du CRUA, pour s'emparer de la majorité des sièges à l'Assemblée. Le RND, un parti dirigeant, dont le pouvoir semblait assuré pour des décennies à venir, s'écroule tout aussi soudainement, lors de ce scrutin. A défaut de quitter la scène par la petite porte, son secrétaire général Ahmed Ouyahia, humilié et offensé, est contraint de sauter par la fenêtre comme un vulgaire malfrat. Pour ne pas subir le même sort humiliant que celui de son homologue du RND, Said Saadi annonce sa retraite politique tout en s'embusquant derrière le RCD. Au fil de ces vingt dernières années, le FFS a laissé bien des plumes en cours de route. La propagande de la presse aux ordres, les violences, l'opportunisme et une corruption grandissante avaient édulcoré ses idées de farouche opposant à la junte. Au cours de ces années, ses dirigeants locaux se sont inextricablement liés aux plus riches, en dépit du fait que ses électeurs se comptaient en majorité parmi les défavorisés. C'est en pleine tempête du Printemps Arabe que le leader charismatique de l'opposition annonce la participation du FFS, malgré les humeurs de la base qui ont emprunté le sens inverse. Pour la première fois, midi n'est pas sous toutes les portes du FFS. Alors que l'état de santé de Bouteflika s'est à nouveau détérioré (admis le samedi 30 avril 2012 à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, pour un « AVC [accident vasculaire cérébral] transitoire sans séquelles), on annonce une cascade de démissions au sein du DRS et des hautes instances de l'ANP, juste quelques jours après l'attentat qui a ciblé le site gazier de Tingtourine, à Ain Amenas. Les rumeurs sur une prétendue guerre qui oppose le clan présidentiel à l'institution militaire, vont bon train. Elles alimentent toutes les conversations, d'autant plus pour la première fois la presse semble conforter la thèse de la guerre des clans au plus haut sommet de l'Etat. Et, soudain, le paysage politique devient méconnaissable. De nouvelles montagnes ont surgi alors que d'autres ont disparu, ou à tout le moins ne sont plus à leurs places habituelles. Saadani, inconnu jusqu'ici du grand public, charge le DRS et remet sur le tapis les vieilles résolutions de la Soummam et du Contrat de Rome. S'agit-il d'une mise en scène pour faire croire au peuple que le changement tant espéré est en cours ou d'une réalité comme le soutient le FFS ? Rares celles et ceux qui se sont aventurés à répondre à cette question. Même les sites connus pour leur farouche opposition au régime sont restés particulièrement muets sur cette question. De même, les universitaires ont préféré une posture de recul, tandis que Addi Lahouari et Hachmaoui affirment que le gouvernail est toujours entre les mains du DRS et que par ailleurs les démissions qui ont touché le sommet de l'institution militaire relèvent de simples réaménagements.