mardi, 19 novembre 2013 Lamia K. Ce mardi soir, nous irons danser pour la qualification pour le Brésil de notre Algérie qui nous enchante et qui nous désespère, et nous oublierons que nous n'y avons presque plus rien, ni présent, pris en otage par les clans qui s'imposent à nous par toutes sortes de manigances et de mensonges, ni futur, pris en gage par ces mêmes clans qui ont gaspillé pétrole à s'acheter une nouvelle jeunesse. Alors, heureusement, il nous reste le passé. On se dit qu'ils ne peuvent pas y toucher, celui-là. Eh, bien, non ! Comme c'est tout ce qui reste pour la fierté nationale, ils ont convoqué le passé en même temps que les joueurs et, en plus de Lacen, de Feghouli et de Taider, quelqu'un avait pensé, en effet, à Ali la Pointe pour gagner le match contre le Burkina Faso, et Vahid Halilhodzic, qui ne savait pas comment contrer Pitroipa, avait trouvé l'idée excellente. Raouraoua, lui, avait jubilé, clamant qu'il aurait même aimé ajouter le renfort du colonel Haouès et de Zighout Youcef pour neutraliser Bancé Dagano. C'est ainsi, qu'en plus d'un schéma tactique, il a été présenté aux joueurs algériens le film « La Bataille d'Alger ». Raouraoua avait expliqué aux footballeurs algériens qu'ils étaient tenus de s'inspirer d'un film sorti en 1966, racontant la Bataille d'Alger de 1957, afin de gagner un match de qualification pour la coupe du monde de 2014. Un dirigeant en costume Smalto et parlant au nom du Président, s'était adressé aux joueurs, d'un ton grave : « Vous verrez comment les combattants algériens, avec rien, ont pu résister aux parachutistes français, venus en force pour mater Alger. Quoi, Pitroipa serait-il plus fort que le général Bigeard et Bancé que Massu ? » Le journaliste faillit rétorquer qu'à l'inverse des combattants de la Bataille d'Alger, les joueurs n'allaient pas combattre « avec rien » et qu'il était bien difficile de ressentir l'émotion d'Ali la Pointe quand on gagne 200 000 euros par mois, le dit-dirigeant s'enhardit et, écrasant une fausse larme, s'était adressé aux joueurs d'une voix tremblante : » Tu apprendras, Kadir, et toi Medjani, et toi Lacen, quel prix il a fallu payer pour délivrer cette terre où vous êtes nés » Personne de Kadir, né à Martigues, Medjani né à Lyon ou de Lacen ne comprit ce que le dirigeant voulut dire, tout comme Faouzi Ghoulam, né à Saint-Priest-en-Jarez, Raïs M'Bolhi né à Paris, Mostefa né à Dijon, Bouazza né à Evry, Liassine Cadamuro Bentaïba né à Toulouse, Feghouli né à Levallois-Perret, Bougherra, né en Côte d'Or (France). Le dirigeant repartit fier de lui, ignorant que sa fierté et celle de son président était entre les pieds de garçons nés dans l'ancienne puissance colonisatrice, quarante ans après La Bataille d'Alger, pendant que Halilihodzic se mit à douter de l'apport d'Ali la Pointe pour la qualification au mondial de 2014. Le journaliste prit une cigarette et interrogea le ciel : Ali, Hassiba, dans quelle éternité avez-vous existé ? Même Sidi Abderahmane a oublié… Qui donc le dira à cette foule orpheline vêtue de vos serments qui criera ce soir « One, twoo, three, viva l'Algérie...» pour oublier que demain, elle priera Dieu et le soldat inconnu de la sauver de son avenir ?