Ce système en circonvolution n'a pu produire, jusqu'à aujourd'hui, que des vendettas centrifuges. S'entêter encore à vouloir prolonger ce non-modèle, c'est rayer définitivement la nation. C'est peu que de dire que nous vivons une faillite politique, économique, sociale et culturelle. Notre pays se retrouve, aujourd'hui, au confluent de l'espoir et de la dislocation. Depuis l'indépendance, les Algériens n'ont connu que la gouvernance par la violence et la corruption. Le mode de fonctionnement par le choix consensuel de la représentation a été la clé de la longévité du système politique. Ce système en circonvolution n'a pu produire, jusqu'à aujourd'hui, que des vendettas centrifuges. S'entêter encore à vouloir prolonger ce non-modèle, c'est rayer définitivement la nation. C'est peu que de dire que nous vivons une faillite politique, économique, sociale et culturelle. L'élite qui ne peut prendre d'initiatives et les dirigeants qui n'ont pas le courage de dire la vérité à leur peuple ne souffrent que de la lâcheté. Le poisson pourrit par la tête. N'a-t-on pas honte de vivre depuis plus d'un demi-siècle que du pétrole, sans avoir pu produire un clou, et/ou de l'import-import, érigé en politique économique ? A-t-on fait le bilan du gaspillage des ressources, ces quinze dernières années, et les perspectives de ces mêmes ressources pour laisser faire les choses sans agir contre notre peur par laquelle nous légitimons des décideurs illégitimes ? Que reste-t-il de nos ressorts sociaux et repères culturels ? Nier, ainsi, la gravité de la situation est un crime égocentriste. Il n'est dans l'intérêt de quelconque bord d'opter pour ce choix suicidaire. L'heure n'est pas à l'inquisition, à l'invective ou à la vindicte, mais à la gravité et à la responsabilité. La crise est telle qu'aucune partie n'est en mesure, à elle seule, de tenter un passage en force pour asseoir son autorité sans tout balayer. Il s'agit d'un délitement national multidimensionnel. Cela nous vient depuis les entrailles de notre glorieuse Révolution. Le salut viendra d'un examen profond, objectif et apaisé de tout l'édifice national. Oui, la Déclaration du 1er Novembre constitue l'un des premiers jalons de l'Etat national moderne. Mais en aucune raison, l'on ne devrait l'opposer aux autres cardinales haltes qu'ont été le Congrès de la Soummam et son point culminant, qui était la consécration de l'Etat civil à travers la naissance du GPRA. Mais la baïonnette a vite fait avorter cette consécration, faisant tomber une longue nuit sur le pays, qui refuse encore la succession du jour. C'est de la même manière que l'on devrait, d'ailleurs, aborder l'identité millénaire du pays. Cela ne peut se faire que par le concours de tous les enfants du pays, sans exclusion aucune. Il est urgent de reconstituer le lien social et le vivre-ensemble.On ne peut plus museler le pays et militariser l'Etat. Pour la première fois, l'échéance du régime constitue un tournant décisif pour le pays. C'est l'ultime chance, pour les décideurs, de déboiser leur langue et de goûter à la franchise. Il n'est un secret pour personne que les généraux sont les réels faiseurs de roitelets. C'est la réalité. Il ne sert à rien qu'ils se cachent derrière la mensongère neutralité et la fausse conformité aux missions constitutionnelles.Aucun Algérien sincère ne veut attenter à notre seul outil de défense, mais c'est une opportunité stratégique pour optimiser son efficacité à défendre l'intégrité et la sécurité du pays, en soldant définitivement cet encombrant contentieux. Au lendemain de la présidentielle, il sera trop tard si l'on n'a rien fait. Il ne s'agit pas d'un appel du pied à rééditer ce qui s'est déjà passé, mais pour un sursaut patriotique responsable qui engagera, irréversiblement, l'armée sur la voie de la professionnalisation. L'ébullition sociale, les multiples brasiers à nos frontières et la prédation néocoloniale commandent aux dirigeants du pays d'engager, sans délai, un vrai processus d'association de toutes les franges de la société pour une transition démocratique et pacifique. Les libertés publiques, la transparence et la justice sont les seuls gages pour la stabilité et la sécurité du pays. Sans une vraie ouverture, il n'y aura ni armée, ni nation, ni société. C'est pourquoi les patriotes sincères doivent, en urgence, faire de cette crise une chance pour un renouveau national. Un groupe de sages doit initier l'organisation d'un congrès national rassembleur, ouvert à tous, sans préalable, sans tabou ni ligne rouge. Ce n'est qu'à ces conditions qu'on pourra éviter au pays de sombrer, en l'accrochant au maillon de la IIe République. Convoquons ensemble le sacrifice de millions d'Algériennes et d'Algériens pour cette chère patrie. Passons à l'action pour que vive ce cher pays. Hamid Ferhat. Ex-président de l'APW de Béjaïa