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Il est temps que les Algérien(ne)s dignes prennent leurs responsabilités !
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 15 - 01 - 2014

Alors que le grenouillage politique bat son plein dans les officines et autres arcanes du régime et que des rumeurs sont savamment distillées par des plumitifs attitrés pour occuper le « ghachi » que nous sommes, à l'orée du nouveau carnaval électoral dit présidentiel d'avril 2014, quelque part à Alger et à Paris se réunissent les intrigants de l'oligarchie militaro-financière pour décider encore une fois du Destin de l'Algérie et trouver le Pantin idoine de la République, comme toujours, corvéable et malléable à merci, pour reconstituer la façade du pouvoir apparent, dans une tentative vouée à l'échec, de pérenniser ce système politique corrompu et déliquescent.
Nous ne sommes pas dupes au point d'ignorer qu'il s'agit d'un faux débat mené sur ordre des officines de l'oligarchie, par des opportunistes de tous bords issus de la base sociale du régime pour tenter de réanimer artificiellement une vie politique quasi inexistante, le temps d'une énième mascarade électorale. Des lièvres sont lâchés et des cadavres politiques déterrés pour animer ce carnaval national.
Bien entendu, il n'est pas question de revenir sur la triste situation politique et le délabrement socio-économique, qui sont connus de tous, mais il est utile d'en rappeler brièvement certains aspects.
Sur le plan politique, la désertification a pleinement réussi, hélas. Après la destruction par différents stratagèmes diaboliques, des rares partis à ancrage populaire, nous nous retrouvons en face de partis godillots, créés ou happés par les labos de la police politique, sans autonomie aucune, avec deux rôles principaux : servir de façade démocratique au régime dégénéré et de caisses de résonnance pour troubadours politiques lors des fausses échéances électorales. Sans ancrage populaire, incapables de produire des idées et de s'adapter aux réalités nationales et aux attentes citoyennes et de par leur asservissement et leur opportunisme, ils participent grandement au discrédit de la chose politique en Algérie. Qu'il s'agisse des «démocrates» non pratiquants ou des islamistes «tolérés» et dits « modérés », adeptes du Nifak politik, tous s'abreuvent aux mêmes sources de l'oligarchie militaro-financière.
La vacuité et la fatuité de cette «élite » politique tout aussi spéciale que les «services » qui l'ont créé et qui l'instrumentalisent et la faiblesse de ce qui reste comme opposition réelle qui continue à être prisonnière à la fois de ses carcans idéologiques stériles et à s'inscrire dans la stratégie tracée par le pouvoir, expliquent aisément la persistance, pour ne pas dire l'approfondissement de la crise et l'impasse politique suicidaire dans laquelle est engagé le pays.
Ce serait une insulte aux Sciences économiques que de parler d'économie nationale. La mafia de l'import et les hydrocarbures sont les deux mamelles de cette économie de quasi-bazar. Et ce ne seront ni les appels au bradage national ni le projet de transformation de l'Algérie en un vaste comptoir néocolonial par nos nouveaux coopérants techniques ultra-libéraux venus de Paris ou de Washington qui changeront les choses et qui assureront le décollage économique de l'Algérie.
Nous ne sommes pas naïfs pour croire que les «prouesses » sécuritaires dans la répression aveugle et sauvage d'une jeunesse sans présent ni avenir, le bricolage institutionnel et les mirages d'embellie économique soient les meilleurs moyens et signes de sortie de crise. La crise demeure et demeurera tant que ce système, véritable tumeur maligne qui ronge le pays et la société, restera en place et tant que la question de la LEGITIMITE DU POUVOIR (pendante depuis 62) n'est pas résolue. Et ne nous gargarisons surtout pas d'illusions d'une réforme du système de l'intérieur. Ceux qui ont détruit et ruiné le pays durant plus de 50 ans, ne peuvent aujourd'hui prétendre le reconstruire.
La situation est très préoccupante. L'effondrement des valeurs morales, la décomposition de la société, voire des familles, la structuration mafieuse avancée, la déliquescence du système politique tenant lieu d'Etat, la corruption généralisée, le délabrement économique, l'insécurité grandissante, la débandade des Administrations et la faillite morale des Services publics, le discrédit de la classe dite politique et la couardise de la classe dite intellectuelle ne poussent certainement pas à l'optimisme.
Certains de nos compatriotes, fatalistes, nous diront alors que ce tableau peu réconfortant de la situation et cette gangrène avancée rendent fort aléatoire tout effort prospectif, tout espoir d'éveil des consciences et d'alternative de changement démocratique. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas entreprendre ? « . Les seuls combats qu'on risque de perdre sont ceux qu'on n'ose pas engager » disait, au siècle dernier, un intellectuel et homme d'Etat tchèque.
Nous sommes de ceux qui pensent que même si l'Algérie a atteint les bas-fonds de l'horreur et de la misère morale et physique, rien n'est totalement perdu tant qu'il existe encore des femmes et des hommes dignes. Et Dieu merci, il y en a encore, tant il est vrai que : « »Il n'est de richesse que d'Hommes ! » »
Des exemples éloquents existent de par le monde, de pays détruits par la bêtise humaine et reconstruits grâce à la volonté des enfants dignes et honnêtes de ces pays. Or une telle volonté, qu'elle soit formulée ou latente, existe bel et bien au sein de l'élite nationale – tant à l'intérieur qu'à l'extérieur –d'autant qu'elle est aujourd'hui sous-tendue par une prise de conscience réelle, sincère et d'essence patriotique, face aux dangers réels qui menacent actuellement, l'existence-même de l'unité nationale. Notre devoir à tous aujourd'hui, est de contribuer à insuffler une dynamique intelligente, saine et non-violente, qui soit capable de mobiliser la population et de bousculer le désordre établi.
Nous sommes de ceux qui pensent aussi que les Droits ne s'octroient pas plus qu'ils ne s'arrachent : Ces Droits ne peuvent être que le corollaire du Devoir et donc se méritent. Lorsque les politiques et les intellectuels dignes, se comporteront en éclaireurs avancés de la Nation dans les ténèbres de la tragédie que nous vivons et se hisseront, au prix des sacrifices exigés, au niveau des espérances et des attentes de notre peuple meurtri par trente années de mépris et deux décennies de manipulations sanglantes et criminelles, ce jour-là alors, nous oserons espérer changer sérieusement les choses.
Une maturation certes lente mais certaine est en train de s'opèrer au sein de la population. Les algériennes et algériens ne sont plus dupes. Ils ne croient ni aux supercheries des «gouvernants » ni aux discours creux et stériles d'une certaine «classe » politique compromise, discréditée et démonétisée. Ils savent discerner les véritables hommes politiques des pantins et troubadours de la «boulitique ». Nous restons persuadés qu'ils sauront, demain, se mobiliser lorsqu'ils auront à leur tête ou à leurs côtés une véritable élite digne et sincère, tant intellectuelle pour les guider que politique pour les gouverner. Ils l'ont déjà démontré à chaque fois que les conditions historiques s'offraient à eux. .
Nous restons persuadés que la longue et douloureuse marche depuis 1962, des algériennes et algériens dignes vers l'autodétermination, sur un chemin jonché des cadavres de leurs meilleurs fils, ne sera pas vaine, et que tôt ou tard, les chaînes de l'oppression se briseront et qu'après la longue nuit d'injustice et de hogra, le jour de la liberté se lèvera.
Nous appartenons à ces intellectuels et politiques qui refusent les fausses solutions et encore moins, les honteuses compromissions. Devant la gravité de la situation, nous devons faire preuve de pédagogie et d'honnêteté envers notre peuple, longtemps trompé et considéré comme un « bendir » qu'il suffisait de chauffer pour la cause. Sans concessions ni complaisance, nous devons poser les véritables problèmes de fond et proposer des solutions réalistes d'une authentique sortie de crise.
Nous demeurons convaincus que la solution à la crise nationale se trouve en Algérie, entre les mains des algériennes et algériens dignes qui se battent pour une Algérie de toutes et de tous, une Algérie de justice, de dignité et des libertés démocratiques. Nous ne devons compter que sur nos capacités et nos propres forces. Et elles sont grandes si nous en prenons conscience.
Nous ne devons pas nous leurrer au sujet de la bonne conscience ou de l' »aide » de l'Occident –en particulier de l'ancienne puissance coloniale – dans la résolution de notre crise. Car, nous sommes plus que jamais avertis sur la conception toute relative, qu'ont les gouvernements et les médias occidentaux, des Valeurs Universelles que sont les Droits de l'Homme, les Libertés publiques et la Démocratie ; une conception élastique, sélective et souvent déterminée à l'aune de leurs stricts intérêts... C'est-à-dire une conception jamais exempte de relents colonialistes ou de calculs marchands.
« Démocratie et Droits de l'homme en-deçà. Intérêts au-delà » ; tel semble être leur credo ; c'est peut-être de « bonne guerre » comme ils disent ; mais ce n'est pas notre conception, ni de la morale, ni de la politique. Et tant qu'à leurs yeux la valeur du baril de pétrole restera supérieure à celle de la dignité humaine, nous ne devons rien en attendre. Nous n'en faisons pas un drame mais ayons au moins la lucidité et l'honnêteté d'en tirer les leçons.
Soyons francs et honnêtes. A fortiori, nous n'avons rien à attendre d'une oligarchie qui n'a jamais souhaité un règlement politique de la crise. Et l'on se pose même plus la question de savoir si cette oligarchie ne fait pas tout pour entretenir cet état de crise et de chaos. Elle l'a prouvé à maintes occasions et il ne faudrait se faire aucune illusion là-dessus : n'a-t-elle pas provoqué une guerre fratricide pour sauver ses privilèges ?
Soyons clairs et levons d'emblée toute ambiguïté. La véritable société, sans exclusion ni exclusive a, seule et en toute souveraineté, le droit légitime de choisir ses représentants et ses gouvernants. Elle n'a besoin d'aucun tuteur, ni en col blanc ni en képi pour lui dicter une morale ou des règles dans la conduite de son destin.
Tout comme la paix véritable, celle des cœurs et des esprits, cette paix, ne retrouvera sa place dans le pays que si la politique, la véritable politique, au sens noble du terme, réconciliée avec l'éthique et la morale qu'elle implique, sera restituée à la Nation, pour lui permettre de régler pacifiquement les conflits qui se posent à elle, sans recours à la violence.
Tout comme nous devons réfléchir aux meilleurs mécanismes politiques pour permettre l'autodétermination des citoyennes et citoyens et pour que toutes et tous, soyons maîtres de notre destin. La population est lassée par les discours populistes et ringards et les simagrées clownesques d'un autre temps. L'Algérie meurtrie n'a besoin ni d'un «Mehdi » ni d'un «homme providentiel », mais seulement de tous ses enfants libres et dignes, pour la relever de cette tragédie programmée. Elle en a les moyens pour peu que tous prennent, encore une fois, leurs responsabilités.
Il est de notre devoir donc, face aux dangers de toutes sortes qui se profilent à l'horizon, d'appeler d'une manière pressante, au rassemblement de toutes les potentialités intellectuelles et politiques dignes et sincères afin d'aller vers un COMPROMIS POLITIQUE HISTORIQUE, seul moyen de mobiliser le peuple en vue d'un changement radical et pacifique. Sans ce rassemblement des véritables élites politiques et intellectuelles saines autour de principes fédérateurs acceptés et respectés par tous et sans une mobilisation populaire, le régime illégitime aura de beaux jours devant lui.
Faut-il rappeler encore une fois que la « force » du régime réside en notre faiblesse !
Notre action ne devra pas cependant se limiter à des discours et à des pétitions. « Les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes. » disait un sociologue. Il nous faudra donc unir l'acte et la parole.
Comment sortir de ce cercle vicieux d'un POUVOIR SANS LEGITIMITE ET D'UN PEUPLE SANS SOUVERAINETE, pour reprendre notre frère Moncef Al Marzouki ?
Nous devons, avant tout, briser la stratégie du régime qui consiste, depuis toujours à imposer les termes et les limites du débat politique et participer activement à la libération de la société. Certes, les choses sont plus aisées à dire qu'à réaliser, mais rien n'est impossible.
Le verrouillage de la vie politique par l'intrigue et la terreur ne doit plus désormais intimider les intellectuels et les hommes politiques dignes et leur imposer silence. Aujourd'hui, se taire et rester inactifs devant la tragédie imposée par la mainmise sur notre pays par l'oligarchie corrompue et antinationale, c'est participer d'une certaine façon, à la perpétuation de la dictature et des malheurs de la Nation
L'opposition réelle ou du moins ce qu'il en reste, certes éreintée par les coups de boutoir déstabilisateurs des officines, doit-elle pour autant demeurer empêtrée dans des luttes idéologiques stériles et des clivages doctrinaux paralysants que nous considérons comme indécents au regard des souffrances de toute une nation en voie de décomposition, laminée par une paupérisation et une déstructuration programmée ?
Ce qui reste comme individualités politiques et intellectuelles dignes doivent sortir des sentiers de la passivité, de l'incantation creuse et de l'indétermination. La politique de division des diverses forces de la société a certes produit ses effets en atomisant toutes les potentialités. Arabophones contre francophones, sociaux-démocrates contre islamistes, nationalistes contre gauchistes, berbérophones contre arabophones, régions de l'Est contre celles de l'Ouest...etc. Mais cela ne doit pas être une fatalité.
Nous devons sortir de nos querelles byzantines et de chapelle, nous libérer de nos complexes intellectualistes de colonisés et nous adapter aux véritables réalités nationales.
Abane Ramdane disait en 1956 : « La libération de l'Algérie sera l'œuvre de tous les Algériens et non pas celle d'une fraction du peuple algérien quelle que soit son importance ». Plus d'un demi-siècle plus tard, nous pouvons dire de même de la reconstruction de notre pays détruit par 50 années d'imposture.
Que certains de nos compatriotes du courant islamique comprennent que la démocratie au sens universel du terme n'est ni une religion ni une idéologie ! La pratique démocratique n'est qu'un moyen, le moins mauvais dans ce monde, pour gérer pacifiquement la Cité et choisir ses gouvernants ; c'est la souveraineté du peuple dans le choix de ses dirigeants, l'alternance politique, le pouvoir de la majorité et le respect de la minorité. Etant, de par nos valeurs civilisationnelles, la Oumma du juste milieu, nous refusons aussi bien les prêches incendiaires des excommunicateurs qui prétendent parler au nom de Dieu, que les discours des sans-dieu, d'ici ou d'ailleurs, qui prétendent nous éloigner de l'Islam.
D'un autre côté, il est temps que certains de nos compatriotes sociaux-démocrates, cessent de se poser en oracles patentés de la démocratie en considérant leurs autres concitoyens avec condescendance La décennie de sang et de larmes mais aussi de riches leçons d'Histoire, nous aura appris qu'il y avait d'authentiques démocrates aussi bien chez les islamistes, les nationalistes que les sociaux-démocrates pour ne citer que ces trois tendances les plus importantes de l'échiquier politique national. Elle nous aura aussi appris, à travers des faits précis et concrets, qu'il y avait aussi de très dangereux fascistes aussi bien chez ceux qui s'autoproclamaient démocrates que dans les rangs des autres courants.
Que nos compatriotes du courant nationaliste prennent conscience que la guerre de libération a été – à divers degrés certes – l'œuvre de tout un peuple, n'en déplaise aux imposteurs d'Oujda et Ghardimaou ! Ils ne doivent pas tomber dans le jeu malsain de certains faussaires de l'Histoire, qui se sont accaparés du monopole du patriotisme et de la libération du pays, pour en faire un honteux fonds de commerce. Le FLN originel qui a conduit la Nation vers la libération, fut le creuset de tous durant la guerre et appartient à la mémoire de tous, aujourd'hui. La conduite éhontée de certains opportunistes au lendemain de l'indépendance et dont les pratiques malsaines perdurent à nos jours, a grandement porté atteinte aux valeurs et aux symboles de la Guerre de Libération et de la Nation. Une véritable trahison de l'Idéal des martyrs.
Nous devons enfin et une fois pour toutes, comprendre, que nul n'a le monopole de l'Islam, de la démocratie ou du nationalisme et que notre identité, forgée par l'Histoire ne peut être fragmentée et servir de fonds de commerce aux aventuriers de tous bords.
Que les « tuteurs » de l'Algérie et leur base sociale d'affairistes véreux et de rentiers sachent aussi que le vent du changement souffle inéluctablement sur le Maghreb et le Machrek, après avoir soufflé hier sur l'Amérique latine et l'Europe de l'Est. Et ce ne sont pas les vaines tentatives criminelles et sanglantes des résidus de la Tyrannie que nous observons çà et là qui vont nous faire croire à l'échec de ce printemps libérateur et qui vont arrêter la marche de l'Histoire. « On peut piétiner les roses, mais on ne peut retarder le printemps ».
Devant cette dislocation sociale, ces manœuvres de division, les dangereuses intrigues des divers gangs du sérail et surtout face à ce TSUNAMI POPULAIRE qui pointe à l'horizon, il est grand temps que les Algérien(ne)s dignes prennent leurs responsabilités !
L'histoire, implacable, demain nous jugera !
Salah-Eddine SIDHOUM
Alger le 15 janvier 2014


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