D'abord le diagnostic : l'Algérie souffre de son système de gouvernance par suite d'erreurs politiques commises avec ou sans intention de lui nuire. En effet, au lendemain de l'indépendance proclamée, l'Etat devait être construit sur les valeurs scellées dans la proclamation de la Révolution et non pas sur le résidu de l'Etat colonial reconduit unilatéralement par l'armée des frontières formée par des algériens déserteurs de l'armée coloniale. Ainsi est cernée l'origine du mal algérien : un système impropre reconduit par des décideurs illégitimes et très certainement incompétents qui ont exclu du champ de la gouvernance les véritables enfants de la patrie dont certains ont été assassinés et d'autres exilés à l'intérieur (forcés au silence) et à l'extérieur du pays (y compris la fuite organisée des cerveaux). Pour ne pas continuer à supporter les conséquences désastreuses de cette situation entretenue au prix de milliers de morts victimes de ce système empoisonné, nous devons au plus vite prescrire une ordonnance médicamenteuse susceptible d'éradiquer sinon de proscrire le mal qui ronge notre pays et dont nous ne voyons pas la fin avec ce qui se fait maintenant, l'habitude étant devenue une seconde nature chez nous. A cet effet, commençons par le commencement qui n'a pas encore été entamé à ce jour. 1 Restaurer l'état des Algériens Par une décision simple qui va ressouder la cassure historique et donner aux algériens la preuve qu'ils ont existé en tant que nation avant la colonisation : hisser le drapeau national qui a flotté sur le pays pendant trois siècles. Cet emblème, plus fort symbole de la souveraineté, qui identifie notre existence universelle était constitué de trois bandes tricolores : rouge, vert et jaune. Il est la preuve historique irréfragable que l'Algérie, dans l'Empire ottoman, était indépendante et souveraine. Il ne s'agit pas de le substituer à l'emblème actuel qui incarne l'Algérie moderne mais de le hisser sur le fronton de trois institutions légataires du peuple algérien que sont la présidence de la République, le sénat et l'assemblée. Il est destiné à être exhibé en toute occasion protocolaire commémorant un anniversaire national, pour souligner la continuité de l'Etat qui a toujours existé dans l'histoire. Qui mieux qu'un emblème peut définitivement réconcilier les algériens avec leur histoire ? Car devant une belle image, les mots (et les discours) cessent d'avoir du poids. 2 Une assemblée constituante pour une nouvelle Constitution Cette revendication est vieille comme le temps, cependant elle reste d'actualité car les algériens ont l'impression d'avoir été grugés par les constitutions précédentes, du reste jamais respectées depuis celle de 1963. Et puis les temps ont changé et le peuple aussi. Le sentiment national sera renforcé avec l'avènement de la 2e République1 qui viendra organiser le destin national avec les nouvelles données géopolitiques mondiales et conforter le rang de l'Algérie dans son espace naturel euro-maghrébo-méditerranéen. Avec les élites formées depuis la restauration, nous sommes capables aujourd'hui d'additionner nos compétences pour élaborer un texte fondateur de la République destiné aux générations présentes et futures. Un texte démocratique qui réglera définitivement la question de la légitimité et de la légalité des pouvoirs en Algérie. C'est le vœu sincère de tous les Algériens, nous espérons qu'il sera concrétisé dans l'ordre et la discipline pour ne pas avoir à verser inutilement une goutte de sang. Ce sang qui a abreuvé trop longtemps le sol national pour une vie digne pour tous et toutes. Personne, depuis Octobre 1988 et la décennie noire, ne souhaite de désordre à son pays profondément meurtri pour ne pas reproduire les causes de la fitna nationale. Une telle exigence ne sera réalisable que si deux blocs constitutionnels se forment en Algérie. Par blocs constitutionnels, nous entendons la formation de deux grands partis politiques capables d'animer la vie politique nationale en concourant par des programmes soumis au suffrage électoral, sanctionnant la seule voie d'accès au pouvoir à tous les échelons depuis la commune qui reste à réorganiser pour constituer le noyau fécond d'où sortiront les équipes dirigeantes qui auront à gérer effectivement le territoire national à partir de ce point. 3 Un système de gouvernance authentiquement algérien Comme toutes les nations, les Algériens ont pour eux le droit de puiser dans leurs sources culturelles lointaines et récentes pour dessiner leur système de gouvernance national : la démocratie des assemblées a longtemps vécu dans notre pays. Dans toutes les régions sa survivance est visible. Elle a besoin d'être modernisée avec les instruments de gestion existant aujourd'hui et qu'on ne peut ignorer au risque de laisser la porte ouverte aux charlatans et autres sorciers de la politique politicienne. Il s'agira tout le temps de favoriser avec ce système l'émergence des élites capables de gérer les ressources nationales avec rationalité, économie et efficience dans un cadre décentralisé de la décision politique et économique. L'association du droit moderne au droit traditionnel peut insuffler une vie nouvelle aux Algériens qui auront à saisir les contours de ce système à l'aune de la justice, de l'éducation et des modes de production et d'organisation des rapports entre les individus et l'Autorité. Il est bien clair que la matière brute existe, elle a donné la preuve de sa fiabilité hier quand les moudjahidine s'y sont emparés pour s'organiser dans les maquis et dans les villes. La révolution algérienne a donné naissance à un modèle d'Etat qui n'a pas survécu au silence des armes et l'on continuera toujours à se poser la question : Pourquoi l'Algérie restaurée n'a pas codifié les valeurs et principes qui ont guidé son combat armé couronné de succès. L'expérience était totale puisque le FLN et l'ALN ont doublé l'Etat colonial par des institutions parallèles d'une redoutable efficacité dans tous les domaines sensibles de la pratique d'une nation : justice, éducation, santé, finances, communication, culture, sport, économie vivrière, défense et sécurité, religion, formation militante et politique, etc. Oui, le FLN-ALN a créé un Etat qui a supplanté l'Etat colonial durant sept ans. C'est cet Etat qui devait être mis en place au lendemain de la restauration dans un cadre multipartiste et bien entendu démocratique, telle était la promesse du FLN de s'autodissoudre une fois l'indépendance obtenue. La promesse reste à réaliser. Il n'est jamais tard pour bien faire. 4 Un système économique et une vision de développement nationale Sauf à s'entêter et pratiquer la politique de l'autruche, il y a en Algérie un consensus réel qui demande à s'exprimer. Nous sommes d'accord pour laisser vivre et se développer dans notre pays une économie publique à côté d'une économie privée voulue performante créatrice de richesses et d'emplois. C'est du rôle de l'Etat qu'il faut débattre pour consacrer une fois pour toutes ses fonctions de régulation sociale. Avec l'argent public, l'Etat algérien a le droit de le consacrer aux transferts sociaux pour s'assurer la paix sociale et réaliser des programmes que le privé ne daigne faire que s'ils sont assurés de profit. L'Etat n'a pas à faire comme une entreprise de ce point de vue : sa raison sociale lui indique d'autres chemins pour d'autres raisons sociales à la base de sa pérennité. Néanmoins, rien n'interdit de fructifier l'argent public dans des entreprises performantes et à fort potentiel de développement. L'Algérie est dans une logique de développement d'infrastructures de toutes sortes sur un territoire qui demande à être humainement aménagé aux fins d'être occupé et exploité durablement. L'Etat dans cet ordre ne peut se désengager et laisser faire. Ses priorités, compte tenu de nombreux retards, lui commandent de favoriser les études d'ensemble qui s'inscrivent dans une vision de développement multisectoriel intégré, projetée à long terme. A partir des besoins présents et futurs des communes, ciblés et répertoriés, l'Etat, en favorisant les études de toutes natures, met en branle les capacités nationales d'engineering qui vont lui permettre de détenir, préalablement à toute action publique, l'image de ce que sera le futur du territoire aménagé. En détenant les plans d'aménagement intégrés (croisement de toutes les cartes socio-économiques), l'Etat veillera à leur réalisation mesurée et progressive en tenant compte de l'évolution des besoins des populations pour lesquelles ils sont destinés, voire en tenant compte des ressources disponibles selon la conjoncture (besoin urgent de sortir de la dépendance des hydrocarbures même si nous sommes favorables au développement de l'économie pétrolière encourageant les industries en amont et en aval de tous les segments de la production à la consommation, et les industries d'innovation dans le domaine destinées au moins aux besoins locaux dans un premier temps avant leur externalisation). Une économie mixte (de marché dite sociale) et une vision de développement à long terme, et même à très long terme (cinquante ans s'agissant d'aménagement de territoire), dont les objectifs sont arrêtés en impliquant le management national, sont susceptibles de réaliser l'harmonie nécessaire si l'on ajoute des préoccupations de lutte contre la corruption comme celle qui consiste à confier l'argent public, non pas aux ministères gestionnaires des projets de développement responsables uniquement de leur élaboration, mais, par exemple, à la caisse d'équipement public qui vient d'être mise en place et qui aura besoin d'être soutenue pour financer rationnellement le développement. Elle aura à favoriser le montage financier mixte pour des projets intégrés mixtes (que nous avons appelés financement multi sources et ressources) si l'on veut bannir le zoning déstructuré pour créer des villes modernes structurées comme un corps humain qui fonctionne avec des appareils reliés et étroitement interdépendants. Dans cette vision, il y a lieu de retenir que comme le corps humain une ville peut naître à partir d'une cellule fécondée associant les hommes et les femmes sans aucune discrimination. Ceux qui ont dit que « quand le bâtiment va, tout va » et la où « le rail arrive, le développement arrive » ont tout à fait raison. Dans ce sens, si l'on dessine un tracé ferroviaire d'un point A à un point B l'on favorisera forcément l'établissement humain en tout point du tracé qui permet l'activité humaine : agricole, industrielle ou de service. C'est ainsi que naîtront des embryons de pôles d'activités multiples entre l'élevage, l'agriculture, la production industrielle, agro-alimentaire et les services qui évolueront naturellement vers la formation de tissus urbains ou ruraux sur l'étendue du territoire national qui permettront la fixation et la répartition de groupes humains d'aujourd'hui et demain. L'expérience américaine est riche en enseignements de développement grâce au chemin de fer et les pionniers, entre éleveurs, mineurs et chercheurs d'or, qui ont été à l'origine de grandes villes aujourd'hui, s'en inspirer pour l'appliquer au contexte algérien peut faire découvrir des gisements insoupçonnés du génie national. Concluant par dire que ces quatre prescriptions, pour être efficaces, doivent être suivies graduellement et en même temps pour éviter la surdose comme l'a si bien dit le président Bouteflika, qui ne veut pas injecter plus de médicament que nécessite l'étape présente que traverse le pays, à moins que nos revendications coordonnées imposent plus de réformes au bénéfice de notre pays, grand malade devant le Seigneur et les hommes sincères qui refusent de se cacher derrière des chiffres, dont ils savent qu'ils sont manipulés à outrance pour masquer une réalité insoutenable à l'intérieur du pays profond comme partout du reste. Des hommes nouveaux recherchés par des Mechati patriotes sincères et dévoués qui refusent de servir de marchepied à d'autres hommes à l'ambition douteuse et que parce qu'ils n'ont rien fait au présent, qu'ils ne feront absolument rien au futur, quand bien même ils appellent à une constitution sur mesure pour l'actuel homme fort du pays. Il n'y a rien à attendre des serviles, l'histoire n'a jamais retenu leur nom. Note de renvoi 1) La faillite de la 1re République est totale, elle est dénoncée par le pouvoir lui-même et ses relais officiels.