Comme les fois précédentes, l'élection présidentielle d'avril 2014 a vu s'affronter deux clans opposants et rivaux qui non seulement appartiennent à la même famille politique, mais constituent les deux piliers fondamentaux du régime despotique algérien. Deux clans rivaux de longue date unis par le mensonge et la violence, mais qui ne se font pas de cadeaux lorsqu'il s'agit pour l'un d'eux de conquérir la totalité du pouvoir. Deux clans portés par la même philosophie d'existence et qui partagent la même responsabilité dans la faillite politique du pays. Pour cette raison d'une importance stratégique, il était inévitable que ce concours électoral décide de l'avenir à long terme du pays. Toutes les personnes concernées devraient avoir réfléchi très sérieusement à cette question critique: sans le devoir de mémoire et sans le devoir de vérité, les élections (quelles que soient leur importance) pourraient-elles créer les conditions capables de permettre d'établir la base du meilleur avenir possible pour les algériennes et les algériens? Cependant, la réalité objective est que l'élection présidentielle de 2014 comme du reste toutes les autres élections précédentes, n'auraient pas dû avoir lieu au moment où elles ont été organisées. Il était parfaitement prévisible qu'elles ne feraient que renforcer le conflit auquel elles étaient censées mettre fin : la guerre des clans qui retient en otage la république, depuis plus d'un demi siècle. Au vu des tiraillements et de la guerre que se livre la presse par medias interposés, en dépit d'un semblant de stabilité tant sociale, politique que sécuritaire, on a le sentiment qu'on est au bord du précipice, de l'explosion, que rien n'est plus sur, que le pays navigue à vue et qu'il est divisé en deux Etats, l'un officiel mais sans la moindre souveraineté, l'autre clandestin qui concentre entre ses mains presque la totalité des pouvoirs. Aucune élection ne peut venir à bout de la crise algérienne. A la vérité, il n'y a pas plusieurs solutions à cette crise. Sa thérapie nécessite le recours au devoir de vérité, à un travail de mémoire, qui passe par un travail de deuil, afin de pouvoir renoncer à l'objet perdu et de pouvoir tendre vers une mémoire apaisée, et vers une réconciliation avec le passé. Il y a mensonges, abus et violences inouïes contre le peuple algérien de la part du régime en place. Les similitudes entre Melouza et Bentalha sont plus que saisissantes. Les dirigeants algériens, notamment ceux de l'armée qui détiennent la réalité du pouvoir depuis le 1er novembre 1954 à ce jour, doivent demander pardon au peuple. La réconciliation c'est le rétablissement des liens du vivre ensemble qui ont été rompus par une succession de violences morales et politiques. Cette rupture que l'on pourrait également appeler crise de confiance entre le citoyen et l'autorité, est maintenue par la haine, la haine de soi, le ressentiment, voire une souffrance enfouie qui n'arrive pas à s'extérioriser. Quelles sont les actions qui permettent de guérir les blessures, de réparer les pertes et de reconstituer sur son propre fonds les formes brisées ? La mémoire est une sorte de fichier mental qui sert pour l'avenir : comment faire pour que celui-ci fonctionne comme un remède et non comme un poison qui mûrit au fil du temps ? Quand les possibilités du vivre ensemble sont détruites, le territoire commun (ou les valeurs qui unissent le peuple algérien sont plus fortes que celles qui les divisent) le territoire commun devient inhabitable. Cependant, au lieu de s'inspirer des expériences des autres pays comme l'Afrique du Sud, l'ex RDA, la Pologne,le Chili, l'Argentine, le Rwanda...ou la sagesse politique alternée entre devoir de vérité et amnistie a permis aux peuples de ces pays de retrouver la paix, le régime algérien mise par une série de mesures (la corruption, la clochardisation de la société et la destruction des lieux de socialisation) sur l'oubli, pour assurer l'impunité aux criminels. A cela s'ajoute la manipulation de la mémoire, rendue possible grâce aux crimes et aux méfaits commis par la colonisation durant plus d'un siècle d'occupation contre le peuple algérien. Celle ci a souvent tendance à user des stratégies de victimisation, dans la mesure où revendiquer la position de victime place le reste du monde en position de redevable, et de là, la victime apparaît légitime de gouverner à vie, de se plaindre, de protester, de réclamer. Sans le devoir de vérité et sans pardon, avec tous les modes de scrutins possibles, on ne fait que reporter la tragédie algérienne à une date ultérieure.