Je tiens à préciser, avant toute chose, que cette histoire relève du frivole, d'inutile, et ne mérite même pas qu'on en parle ! Mais on a fait d'elle une vague qui a sillonné les deux rives de la méditerranée. Depuis quelques jours, je ne cesse de voir des titres de la presse qui évoquent cette «fatwa» visant le chroniqueur Kamel Daoud. Chemin faisant, je précise que la question n'est pas de savoir si on condamne ou non ce genre de provocation à l'encontre d'un homme de lettre, car la réponse est claire ! Mais je vais essayer, à travers ces lignes, d'analyser cette histoire sous un autre angle que n'abordaient pas les mass-médias. A titre personnelle, je ne connais pas ce «pseudo–Cheikh», qui lance des «fatawa» comme le jet des cailloux lors de la lapidation des stèles à La Mecque. D'ailleurs, il ne mérite aucune attention, bien évidemment ! Cependant, force est de constater que c'est Kamel Daoud, lui-même, qui en a parlé sur son compte Facebook, en disant qu'il y a une «fatwa» incitant à son assassinat. On peut ajouter à cela le fait que le chroniqueur pouvait s'en passer et laisser ce «gars» parler sans lui accorder la moindre attention. Mauvaise stratégie ou un marketing offensif (publicité) de la part de Kamel Daoud ? Je pense qu'il a plutôt misé sur une stratégie de pleurnicherie ou, pour faire simple, une «attitude victimaire» qui consiste à se placer comme une victime d'un «pseudo-salafiste» qui veut l'égorger comme font les criminels de DAECH ! Soyons sérieux un instant et regardons sereinement les choses, loin de cette hystérie collective! Je me demande, en effet, qui va prendre ce guignol au sérieux ? Ses mots ne peuvent être que ceux d'un gars qui veut sauver les apparences, avec son kamiss et sa barbiche. D'ailleurs rien que l'écouter suffira largement pour sonder la bassesse de son niveau intellectuel. Il y a de quoi à penser que c'est un charlatan qui, au mieux et pour rester poli, consulte les livres des wahhabites radicaux, mais sans avoir l'intelligence requise pour concevoir la fausseté et le danger de leurs interprétations, que dénoncent, par ailleurs, une large partie des savants musulmans «éclairés» . Les seuls égarés qui peuvent prendre cette «fatwa» au sérieux sont actuellement pourchassés par l'armée algérienne aux quatre coins du territoire national. Cependant, les Algériens qui connaissent bien les dessous de la « décennie noire» savent bien que les «islamistes-égorgeurs» n'avaient pas grand-chose dans les assassinats qu'avait subis le milieu intellectuel Algérien à cette époque. Les exemples sont abondants pour ceux qui veulent savoir. En effet, il ne faut pas perdre de vue une chose très importante : dans cette histoire, il ne s'agit que d'un chroniqueur qui, il n'y a pas si longtemps que ça, a choisi de nager loin des eaux troubles! Ajoutons à cela que les propos qu'il a tenu lors de son passage chez Ruquier, la cause de cette polémique, sont loin d'être inédits ! Plusieurs intellectuels, et hommes engagés disaient la même chose alors que la «guerre civile» était à son apogée ! La déférence est que ces derniers l'ont fait par conviction et non pas pour vendre un «produit» ou pour se démarquer d'un passé politique peu glorieux ! Une indignation à géométrie variable ! Il y a aussi une chose étrange dans cette histoire de la «fatwa». Il s'agit, en effet, de la mobilisation qu'elle a engendrée. Des personnalités de toutes tendances politiques en parlent et se solidarisent avec la «victime» ! Ils n'hésiteront pas d'ailleurs à brandir le drapeau de la menace «islamo-fasciste», qui peut mettre fin à la liberté et...! Hallucinant! Il faut rappeler à cette cohorte d'indignés que ce même personnage, A. Z. Hamadache, avait déjà lancé une «fatwa» visant un homme politique et un fils de chahid, à savoir Ferhat Mehenni. Précision s'impose quand on cite ce dernier : je suis aux antipodes de ses idées politiques et identitaires. Mais là, encore, n'est pas la question. En fait, il s'agit uniquement de s'interroger sur cet état des choses : d'un côté toute la doxa, le milieu intellectuel et politique Algériens... qui dénoncent et avec force la récente «fatwa» concernant le chroniqueur, mais, de l'autre côté, ces mêmes indignés ont fait passer sous silence radio l'autre «fatwa» à l'encontre de Ferhat Mehenni !!! Donc, on voit bien qu'il y a bel et bien le «deux poids et deux mesures» dans cette affaire de la «fatwa». Et c'est plutôt ça qui m'intrigue davantage que la «fatwa» en elle-même, qui ne vaut rien au final. Il faudrait, à cet effet, se demander si la liberté d'expression, chère à notre doxa, est garantie pour tous les algériens ou elle est sujette à des considérations subjectives ? Il y a aussi matière à débattre sur l'incohérence intellectuelle de ces indignés! Hier ils mettaient en avance l'absence de l'Etat de droit, ce qui est vrai et vérifiable à tous les niveaux ! Mais les mêmes demandent aujourd'hui à l'Etat d'assumer ses responsabilités et d'appliquer la Loi contre cette incitation au meurtre ! Sont-ils conscient du fait que cette «histoire» de la «fatwa» arrange certaines personnes ?! D'où ma question suivante : A qui profite vraiment cette «histoire» ? Cela ne peut échapper à personne. Cette affaire profite bien à notre gouvernement qui ne cherche qu'une nouvelle polémique pour divertir le peuple ! Un autre raccourcis pour ne pas aborder les problèmes économiques et sociaux. Rien ne peut l'aider davantage que ce genre de confusion. En cette période de tension sur les recettes, liée à la chute des prix du baril de pétrole, nos intellectuels trouvent plus intéressant de parler de ces «fatawa» (quoique dangereuses en période de paix et de prospérité, ce qui n'est pas le cas actuellement en Algérie) au lieu d'ouvrir un débat national sur les risques auxquels est exposé notre pays ! «Mettons les uns contre les autres, pendant que nous préparons nos plans de secours» disent nos dirigeants en ce moment. Cette affaire ne fait que leur rendre service et comme spécialiste de la propagande, ils vont en tirer le bénéfice qui va avec. «Ils sont encore incapables de se mettre d'accord sur un roman ou sur les dires d'un chroniquer, alors comment peuvent-ils s'autogouverner ou faire le bon choix politique?» disent encore nos gouvernants. «Si nous laissons, par malheur, le champ libre, cela veut dire une chose : l'autorisation est donnée pour les barbus afin de vous tuer si vous dépassez le sentier battu, l'islam», disent, encore, nos «maîtres» ! Pour en finir. Restons calmes et saisissons les choses à leur juste valeur. S'affoler pour moins que rien ne fait qu'aggraver la situation, confusion générale ! Dans l'état actuel, il faut savoir prendre du recul et voir avec lucidité que le frivole est juste inutile pour un débat sain et constructif. Dans l'intérêt de la nation, évitons «la guerre de tous contre tous» qui tourne au bas de l'échelle sociale. Mais visons plutôt ceux qui jouissent et tirent bénéfices de nos désaccords, les GOUVERNANTS ! Nabil de S'BIHA Universitaire