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Les oeuvres macabres des « patriotes » miliciens durant les années de sang et de larmes
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 03 - 02 - 2015


03 février 2015
Algérie : Nouvelle condamnation de l'ONU pour l'exécution sommaire de Nedjma Bouzaout par la garde communale d'Oudjana (Jijel) le 26 janvier 1996
Le Comité des Droits de l'Homme des Nations Unies a établi, au cours de sa 111ème session, la responsabilité des autorités algériennes dans l'assassinat de Nedjma Bouzaout, épouse Bousseloub, le 26 janvier 1996 dans la commune d'Oudjana près de Taher (wilaya de Jijel). Les auteurs de cette exécution sommaire, des éléments de la garde communale d'Oudjana, étaient accompagnés lors de leur crime par des militaires de l'Armée Nationale populaire (ANP) stationnés dans ce village.
Exécution sommaire de deux mères de famille et d'une enfant de 6 ans
Vers 7h du matin, les agents de la garde communale ont encerclé les domiciles des familles Bousseloub et Yassad et ont commencé à tirer des coups de feu en direction des façades des deux maisons. Nedjma Bouzaout a alors ouvert la porte de son domicile et s'est retrouvé en face de du dénommé Rabie Sloubi, qui n'a pas hésité à tirer sur elle à bout portant la tuant sur le coup.
Un autre milicien, Abdelhamid Sloubi, est alors entré dans la maison menaçant les occupants de son arme et a violemment frappé l'époux de la victime, Saïd Bousseloub, lui occasionnant des blessures ; il l'a ensuite trainé dehors et embarqué dans un véhicule militaire blindé. Emmené au siège de la brigade de gendarmerie de Boucherka-Taher avec d'autres villageois, il a été sauvagement torturé pendant plusieurs jours avant d'être relâché.
Au même moment, d'autres miliciens du même groupe ont investi le domicile voisin occupé par la famille Yassad et ont tiré froidement sur Zahra Yassad, née Guenate, âgée de 40 ans et sa petite fille Soumia âgée de six ans les tuant de plusieurs balles.
Selon les témoins présents sur les lieux ainsi que les membres des deux familles de rescapés, plusieurs miliciens ayant participé directement à ces assassinats ont été formellement reconnus et identifiés ; outre Rabie Sloubi et Abdelhamid alias Mohamed Sloubi, étaient présents sur les lieux du crime Salim Bouank, ainsi que Rabie, Mohamed et Kamel Kaikaa.
Ces miliciens avaient alors ouvertement justifié cette opération, couverte par l'armée algérienne, comme des représailles à l'assassinat la veille de trois femmes de membres de la milice locale près du village d'Oudjana par des membres d'un groupe armé non identifié.
Le jour même de ces crimes, la chaine officielle (RTA) annonçait dans son journal télévisé de 20h l'assassinat de sept femmes dans la localité d'Oudjana, les imputant tous à des groupes terroristes. Il faut rappeler qu'au cours des années de la guerre civile, les médias algériens, imputaient systématiquement tous les massacres et crimes commis par l'armée nationale populaire (ANP) les milices du gouvernement et les divers services de sécurité au GIA (Groupe islamique armé) ou à des « groupes terroristes non identifiés ».
Dans le cas de l'exécution sommaire de Nedjma Bouzaout, le procès verbal de constat établi par la brigade gendarmerie nationale fait d'ailleurs expressément mention à « un groupe terroriste non identifié » comme auteur de ce crime.
Démarches entreprises par la famille
A la suite de cet assassinat, le juge d'instruction du tribunal de Taher a convoqué l'époux de la victime, Saïd Bousseloub, qui a rapporté les faits dont il avait été le témoin direct en citant les noms des membres de la garde communale d'Oudjana qui avaient participé à l'opération de représailles. Le juge d'instruction lui a alors reproché « d'accuser à tort les forces de sécurité » et a refusé de consigner ses déclarations.
Aucune information sur la suite donnée à cette procédure ne lui a été communiquée, ni par le juge d'instruction ni par le parquet du tribunal.
En raison du climat de peur et d'insécurité qui régnait alors dans la région, Saïd Bousseloub s'est abstenu de déposer une plainte pénale contre les membres de la garde communale qui agissaient dans une impunité totale et avaient un droit de vie ou de mort sur les citoyens.
Ce n'est donc qu'en 2001, lorsque la situation sécuritaire s'est relativement apaisée et que les exactions contre les civils ont cessé, qu'il a repris ses démarches en saisissant le parquet général de Jijel d'une plainte contre les auteurs de l'assassinat de son épouse. Le parquet général n'a cependant pas cru devoir requérir l'ouverture d'une enquête judiciaire sur le crime ni l'informer des suites légales de l'enquête qui aurait été menée après les faits par le juge d'instruction.
C'est donc en désespoir de cause et après avoir tenté en vain par tous les moyens d'obtenir justice dans son pays que l'époux de la victime a sollicité Alkarama pour déposer une plainte devant le Comité des Droits de l'Homme de l'ONU.
Le Comité des droits de l'homme, qui a condamné plus d'une vingtaine de fois ces dernières années le gouvernement algérien pour sa responsabilité dans des cas de disparitions forcées, a eu à se prononcer cette fois sur la question de la violation du droit à la vie à travers l'affaire de l'exécution sommaire d'une mère de famille algérienne par des agents de l'Etat.
La pratique des exécutions extrajudiciaires par les services de sécurité algériens, très largement répandue au cours des années 1990, en particulier dans les régions isolées, n'a jamais suscité une grande mobilisation des parents des victimes qui se comptent pourtant par dizaines de milliers à travers le pays.
Identification directe des auteurs du crime
L'affaire Nedjma Bouzaout constitue donc un précédent dans la mesure où les auteurs directs du crime sont des éléments de la garde communale clairement identifiés, lesquels agissaient d'une manière officielle, sous la protection et avec la complicité de militaires. Il n'est donc pas possible aujourd'hui pour les autorités algériennes d'invoquer les prétextes habituels de la « situation sécuritaire hors de son contrôle », de « dépassements individuels », d'« actes isolés » ou les dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale pour se dérober à son obligation impérative de prendre les actions concrètes édictées dans la décision du Comité de l'ONU.
Décision du Comité des Droits de l'Homme
Dans sa décision, le Comité, qui a rejeté la totalité des arguments et justifications du gouvernement algérien, a estimé que celui-ci avait violé ses obligations relatives à la protection du droit à la vie du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 6). Le Comité demande aux autorités algériennes d'ouvrir une enquête approfondie et rigoureuse sur l'exécution de Nedjma Bouzaout, de poursuivre pénalement les responsables et d'indemniser les proches pour le dommage subi.
Alkarama salue cette nouvelle décision et appelle les autorités algériennes à se conformer à ses obligations internationales et à rendre finalement justice à la victime et à ses proches en mettant un terme définitif à l'impunité qui protège encore les auteurs et les commanditaires de ces crimes.
L'Algérie dispose d'un délai de six mois pour informer le Comité des mesures qu'elle a prises suite à cette décision, qui sera publiée dans le rapport annuel du Comité des droits de l'homme à l'Assemblée générale des Nations Unies à New-York lors de sa prochaine session.
Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter l'équipe média à[email protected] (Dir: +41 22 734 1007 Ext: 810)
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