L'espoir fait vivre, la déception ne tue pas, mais il est des vanités perverses et obstinations aveugles qui ratent immanquablement les leçons des affronts et contrariétés. Le camp de la honte Si la honte se refuse comme une torche lumineuse éclairant les fautes et inspirant des révisions, elle se radicalise alors en bouclier accusateur et agressif, et finit grotesquement tel un cocktail grisant, qu'on boit servilement pour étancher une soif inaltérable et assoupir une perversion incurable. Le récent coup d'Etat déjoué en Turquie divise. Tout comme le Président Erdogan. Les déçus, ce n'est pas seulement en Israël et en Occident, les arabes et les anti-arabes ne sont pas à la traîne. Les statistiques suggèrent pourtant que rien n'est perdu et qu'une nouvelle tentative pourrait bien réussir. La déception et la jubilation obéiront alors naturellement à la règle de l'alternance, mais même refoulée par l'euphorie, la honte ne changera pas de camp. Les récidivistes incorrigibles ne ressentent l'affront que dans la défaite, et non dans les moyens et voies menant vers la victoire, fussent-ils crapuleux et criminels. « L'armée a décidé de sauver la Turquie de la dictature d'Erdogan !» Ceux qui n'ont pas eu suffisamment de temps pour exulter ainsi, peuvent se consoler. Ils auront de meilleures occasions, même si c'est ailleurs qu'en Turquie, comme ils en ont déjà eu par le passé. L'évènement semble être en outre très fertile en inspiration pour eux, mais aussi pour les autres. Quand on se croit installé du bon côté de la dictature Le Président Erdogan a été élu par 52 % des voix du peuple turc, et ne manque donc pas d'adversaires politiques. Mais en débarrassant son pays des marionnettes manipulables et corruptibles, y compris et surtout ceux qui rivalisaient en servilité pour l'acclamer, il tire lui-même les dividendes d'une véritable classe politique, une presse authentiquement libre et responsable, et une opposition aussi farouche que digne. Ses adversaires idéologiques ne manquent pas d'arguments contre les tentations d'autoritarisme, mais ne sont pas, pour autant, prêts à renvoyer leur pays de la 14ème à la 111ème place, avec le retour ruineux des militaires et les œillères brutales de la logique de la force. Seules des voix et des plumes, en dehors de la Turquie, se réjouissant du privilège relatif et illusoire du « bon côté de la dictature », regrettent l'échec de « la révolution militaire et ses bienfaits », en gaspillant tant d'énergie intellectuelle. Les colonisables qui s'ignorent Malek Bennabi n'a jamais revendiqué la rigueur des sciences de l'ingénieur pour son diagnostic sociologique du pacte de dualité entre la tyrannie et la prédisposition à la servilité. N'était-il pas toutefois si bien inspiré, en prenant la Turquie comme exemple de nation non colonisable ? Outre cette pertinence consolidée, les récents constats permettent aussi d'affirmer, sans trop de risques d'erreurs, que la mutation de colonisabilité semble désormais acquise, et touche exclusivement des élites. Quel gâchis ! On ne peut accéder à la pertinence intellectuelle authentique sans le préalable de la sainteté intellectuelle, maudissant l'indifférence et l'indignation sélective. Et c'est en reconnaissant et célébrant les vertus de la liberté, tout en jugeant que certains en sont indignes, qu'un colonisable s'ignore. Et tant pis alors pour sa société ! Blanchir un criminel c'est inviter la récidive, le célébrer et le couronner c'est enfanter une société de tueurs en série. Mais avec, à la longue, forcément de plus en plus de balles perdues dans la mauvaise direction. Mais qu'a-t-il donc fait de si mal cet Erdogan ? En tout cas, il aurait pu faire mieux. Et c'est sincère. Succéder à un régime corrompu est presque impossible. Il se perpétue. Circulez donc ! On ne vous laissera pas faire ! Sinon, il n'y a pas plus facile ! Il n'est alors ni ambitieux ni glorieux de se contenter de faire mieux. En passant de la 114ème place dans les années 1990, position loin d'être enviée alors par l'Algérie, à la 14ème place mondiale, devançant ainsi plusieurs pays européens, la Turquie ne fait peut-être que retrouver son rang naturel. Et c'est plus par objectivité que par humilité, qu'Erdogan a livré cette réplique concise pour expliquer le bond économique miraculeux de son pays : « Je ne suis pas un voleur ». N'a-t-il pas, par ailleurs, réhabilité et amélioré le rendement du système éducatif tout en renforçant l'ancrage culturel ? Et justement, ne serait-il pas alors un peu terroriste, cet Erdogan ? Rétrograde ? Antimoderniste ? Ou du moins anormal et excentrique? Ne chercherait-il pas à déstabiliser et vider ses voisins arabo-musulmans en accueillant plus de deux millions de réfugiés syriens? Le nouveau sultan turc n'a plus aucune chance de faire accéder son pays à l'Union Européenne ! Il se permet même de diriger la prière dans le palais présidentiel ! Ce mec est complètement hors de son temps ! La mode n'est-elle pas plutôt d'hériter du dernier rang dans le partage de sa femme avec plusieurs célébrités ? Ou carrément s'offrir le plaisir de Don Juan en changeant régulièrement de Première Dame concubine ? En attendant vivement la consécration ultime du Président et de la Première Dame de même sexe ! Les colonisables, les démocrates non-pratiquants, et autres complices mais néanmoins victimes de l'islamophobie, qui prétendent pouvoir trouver un juste milieu, ne font que reculer de quelques décennies et quelques wagons dans le train de la perversion de l'Occident dominateur. Il ne s'agit ni de fatalité, ni de maktoub. L'être humain est une arène de conflits internes permanents, arbitrés par des concertations et négociations continues, et c'est la partialité conjoncturelle comptable du libre choix qui est décisive à chaque fois.