Universitaire « Un problème bien posé est déjà résolu. » Henri Bergson Après au moins quatre années de tergiversations, il faut reconnaître que la ministre actuelle de l'éducation n'a pas pu ou n'a pas su établir des liens et des discussions sérieuses avec la communauté des pédagogues. Son slogan n'est que celui de : « les portes sont toujours ouvertes pour entamer des discussions». Ce dialogue a été entamé par les deux précédents responsables du secteur, Benbouzid et Baba Ahmed. Il dure depuis au moins dix années, depuis l'année 2008, année de la confection des statuts particuliers de ce secteur. C'est une vraie perte de temps pour le pays et la nation. Ce dialogue est de sourds. Il faut libérer les esprits et ne pas tourmenter les cœurs. On ne les connait même pas ou on ne les connait que vaguement. Elles sont constituées du salaire, de la gestion des œuvres sociales et normalement des conditions de travail pédagogique. Dans toute communication, il faut informer, sensibiliser, débattre et capitaliser ou mieux diffuser les résultats des négociations. Il est temps qu'une conscience pédagogique naisse en Algérie. Pourquoi il ne peut y avoir une suite positive à ces doléances? La voie salutaire consisterait à améliorer les conditions de travail encore médiocres du personnel enseignant. Avec l'inflation et la dévaluation, les mauvais salaires des enseignants sont démotivants. Chaque année, les enseignants de l'Education nationale sont contraints à la grève. Pourquoi on ne règle pas définitivement les questions en suspens depuis des années? Si les enseignants accordent de l'importance à la grève, c'est qu'elle illustre la nécessité d'agir sans tergiverser lorsqu'il n'y a plus d'autre choix pour rester maître de son destin. Dans les pays développés et civilisés, les syndicalistes sont appelés « partenaires socio-éducatifs ». Ils ne doivent donner aucun répit aux responsables. Est-ce que les « syndicats représentatifs » du secteur de l'éducation ont été associés aux débats fructueux sur » leur sort » ? On discute et on élabore des statuts avec des représentants de l'UGTA. Un enseignant est un éducateur. Les enseignants malheureux étaient autrefois entourés de considération et vivaient dans l'aisance. Ils sont tous dans une « misère relative » comparativement à d'autres franges de la société. Combien revient un enseignant en fin de carrière, soit après trente deux années de loyaux services? Trois cents euros ! Les études du primaire, du moyen, du secondaire et du supérieur ont été négligées. Malgré un recrutement massif, la pénurie d'enseignants qualifiés constitue le principal obstacle à la réalisation des objectifs éducatifs de notre pays. Cette situation pédagogique lamentable est due au niveau des anciens étudiants, devenus des enseignants de l'éducation nationale, de la médiocrité des enseignants de tout palier et l'incompétence de beaucoup de gestionnaires bureaucratiques de ces institutions pédagogiques et scientifiques. L'enseignement est une donnée éminemment politique. Quand un fleuve est pollué, il faut remonter aux sources de la contamination, du primaire, moyen, secondaire et supérieur. La pédagogie est un vieux débat. Depuis le dix neuvième siècle, il est reconnu que le talent de professeur est un don naturel qu'il est vain de vouloir apprendre. L'inspecteur général Joubert signale dans sa déposition en 1899 [1] « Je ne crois pas [...] à l'efficacité d'un enseignement pédagogique. Les qualités maîtresses d'un professeur de sciences sont la simplicité, la clarté et la précision : ce sont des qualités natives qui peuvent se perfectionner par l'exercice, mais qu'aucun enseignement dogmatique ne saurait donne ». Le stage est alors inutile et la certification scientifique par la discipline largement suffisante. Le recteur d'Aix, Ferdinand Belin, signale ainsi en 1899, que le développement de quelques conférences de la Science de l'éducation suffit à former les professeurs en les associant à un bref stage dans les classes (quinze jours à un mois maximum). « Si l'on est entré par vocation dans l'enseignement secondaire, et si on n'est point travaillé du désir d'en sortir à la première occasion, si on se préoccupe avant tout de sa classe, si on l'aime et si on s'y complait, on devient sans peine [...] un pédagogue estimable ou distingué. On réussit toujours dans ce qu'on fait avec contentement et plaisir ». Le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, Jean-Baptiste Zeller, note lui aussi : « le don de l'enseignement est un don de nature. Il implique un ensemble de qualités de l'esprit et du cœur que l'on ne peut guère espérer d'acquérir par des procédés artificiels ». Il souhaite cependant que ces qualités natives soient cultivées par l'étude de la pédagogie et par la création d'un stage. Le recteur de Nancy, Amédée Gasquet, signale également : « Je ne vois aucune mesure pratique d'assurer la préparation des professeurs. Ils tiennent leurs dispositions de la nature et de l'expérience ; on n'apprend pas l'autorité et la persuasion ». « Tout ce qui est fait avec amour finit toujours par triompher. Un homme qui n'aime pas a raté sa vocation d'homme » est une formulation de Marguerite Barankitsé. Pour obtenir de bons résultats, il faut des maîtres pénétrés de leur devoir, des maîtres d'envergure et des maîtres de forte personnalité. Lorsque l'école n'apprend plus rien, les inégalités sociales se perpétuent tranquillement. Dans notre pays, comme dans d'autres, le destin du peuple repose sur l'éducation de l'enfant. Tout se vérifie de visu. Il n'y a pas d'égalité de droit, égalité de chances, égalité de situations, égalité de traitement, les différents types d'égalité sont définissables et parfois mesurables ; l'équité fait, au contraire, référence à un idéal qui peut être différent suivant les sociétés, les groupes sociaux ou les individus [2]. L'Ecole doit être un lieu du bien vivre. Les écoles et lycées d'élite ne sont pas concernés par ce fatras pédagogique. Ni, à vrai dire, par les réformes successives des programmes. On y étudie à l'ancienne, avec des résultats... à l'ancienne [3]. Les nouvelles technologies marginalisent davantage notre pays l'Algérie, victime de ce qui est appelée «la fracture numérique». A l'âge des réseaux sociaux et de l'Internet, menacer les enseignants de licenciement ou de radiation, serait un crime contre une frange de la population algérienne » en détresse « . Pourquoi les responsables algériens ont fait du salaire un sujet tabou ? Parce que, eux sont servis gratuitement. Ibrahimi, Benmohammed, Benbouzid, Baba Ahmed, Benghabrit et les autres qu'on n'a pas cité par oubli et non par omission, tous des MEN, ministres de l'enseignement national, ne sont pas originaires de l'Education nationale. Ils sont tous issus de l'Enseignement supérieur. C'est le nœud gordien, pour ne pas dire c'est le véritable mal fait à ce secteur. Le secteur éducatif est représenté par des universitaires ou des professeurs qui n'ont pas connu ce monde ni ses heurts, malheurs ou ses déboires. A notre connaissance, seul Kherroubi était de l'éducation. La Ministre est sociologue. Qu'elle donne les vrais droits aux enseignants et exige par la suite des vrais devoirs. Passer vingt cinq ans ou un quart de siècle à ne répondre qu'à des invitations, certes cordiales, et procéder à des réformes pédagogiques sans résultats probants, et cela depuis 1992, du temps de Benbouzid encore une fois, suscite un certain désarroi. Même les enseignants ne se retrouvent plus dans cette démarche infructueuse. Il faut attirer les meilleurs enseignants aux écoles, collèges et lycées en les payant correctement et pour leurs titres, licence, master, magister et même doctorat. Dans les pays développés, l'éducation est un nouvel outil qualitatif d'évaluation de leur développement. Cette situation morbide a trop duré. Une des résolutions salvatrices de l'avenir de notre progéniture tenue en otage est que les responsables politiques nomment le président du syndicat Cnapeste nouveau ministre de l'Education nationale. Il est locataire de la maison éducation nationale. Jacques Delors, un ancien syndicaliste, est devenu un pilier de la Communauté Européenne. Sur la sphère, comme sur notre terre, le chemin le plus court entre deux points n'est pas la ligne droite mais la ligne géodésique, la ligne qui « épouse » aussi le relief entre les deux points. A l'université, dans le module « résistance des matériaux », on apprend à nos étudiants que « la rigidité fait la cassure ». A bon entendeur. Fiche 56 : Egalité et Equité. 4e édition Bréal 2009, pp.132-133. de Bernard Lecherbonnier, Gallimard, 2005.