Par: Hassane Saadoun 31 Mai 2019 TSA Les Algériens ont continué à manifester leur désir de changement vers une véritable démocratie tout au long du mois de Ramadhan. Pour ce vendredi 31 mai, le quatrième et le dernier de ce mois de jeûne, tous les indicateurs sont au vert pour de nouvelles manifestations tout aussi imposantes que les précédentes. Les Algériens seront, probablement, toujours aussi nombreux dans les rues et tout aussi déterminés à « dégager le système » que lors des précédentes semaines. En cas de succès, les acteurs de la protesta auront dépassé une énième épreuve, maintenir la mobilisation à un niveau élevé, malgré la faim, la soif, la fatigue et la chaleur en ce mois de Ramadhan, chose que beaucoup d'observateurs et d'acteurs pensaient – ou espéraient – difficile, voire impossible. Une chose est sûre, sur les réseaux sociaux, les appels à marcher ce vendredi sont tout aussi nombreux que lors des précédentes semaines. Les mots d'ordre lancés par les militants et les anonymes restent dans le même registre : pas d'élections avec Bensalah et Bedoui aux commandes, pas de dialogue avec eux non plus, maintien de la pression sur le pouvoir pour obtenir son départ et poursuite de la conquête des espaces publics. Ces appels à marcher sont souvent accompagnés d'appels à rendre hommage à Kamal Eddine Fekhar, le militant emprisonné depuis plus d'un mois et décédé, mardi, des suites d'une grève de la faim qu'il avait entamée depuis plus de 40 jours. Le décès du militant en détention a indigné une bonne partie des Algériens, dont certains ont même qualifié sa mort d'assassinat. Pour dénoncer cette mort et se recueillir à la mémoire du défunt, de nombreux activistes ont appelé à observer une minute de silence partout à travers le pays, ce vendredi à 15 heures. Des infographistes et artistes ont même préparé des affiches qu'ils ont diffusées sur les réseaux sociaux pour permettre aux manifestants de les imprimer et ainsi les brandir lors des manifestations de ce vendredi. La mort de Fekhar a choqué l'opinion publique nationale et a suscité une vive réaction de la rue. Des manifestations de protestation contre son emprisonnement jusqu'à la mort ont eu lieu, dès mardi soir, à Ghardaia, mais également à Béjaia, Tizi-Ouzou et Bouira. Ailleurs, des rassemblements et des veillées à la bougie ont été organisés par des militants en sa mémoire. Ces démonstrations de colère se reproduiront certainement ce vendredi que nombre de militants veulent dédier au défunt militant. Une autre question d'actualité qui agite l'opinion depuis quelques semaines sera, selon les appels lancés par les militants, elle aussi, soulevée lors des marches de ce vendredi, celle des libertés. Le décès de Fekhar en détention, le maintien d'autres militants en prison, comme Hadj Gharmoul, les pressions sur la presse, notamment les médias publics et les tentatives de restreindre la liberté des manifestants et leur accès à certains espaces publics, ont remis la question des libertés sur le devant de la scène. Déjà revendiquées lors des précédentes marches, les libertés de manifester, d'expression et de la presse, risquent de l'être de façon plus marquée ce vendredi 31 mai. Le droit à l'opinion est déjà inscrit sur de nombreuses banderoles et pancartes créées par des manifestants qui en ont publié leurs photos sur les réseaux sociaux. « Si j'ai un avis différent du tien, cela ne veut pas dire que je suis ton ennemi », dit l'une de ces pancartes. Cette revendication des libertés qui est au cœur du mouvement populaire contre le pouvoir sera d'autant plus d'actualité que déjà, dès jeudi après-midi, les accès menant vers Alger, notamment les routes menant vers les wilayas de l'est du pays, sont bouclées par d'impressionnants barrages de gendarmerie qui filtrent et restreignent fortement la circulation. Ce vendredi, les Algériens clôtureront, avec brio, leurs vendredis ramadhanesques de protestation, exigeront de nouveau leur rejet de l'organisation d'élections sous Bensalah et Bedoui, réclameront une vraie période de transition sans les figures du régime et le départ de celui-ci, dont ils dénoncent déjà les pratiques liberticides qui se poursuivent malgré le « départ » supposé du système avec le départ de Bouteflika. Ces pratiques, notamment la répression de certaines manifestations et de rassemblements, les entraves à la liberté de circuler, les arrestations arbitraires et massives de manifestants, comme celles que les forces de l'ordre ont effectuées lors du 14e vendredi interpellent les Algériens, leur rappellent que le système n'est pas parti et renforce alors leur détermination à poursuivre la protesta. Les appels à négocier, « à faire des concessions » et à voter, alors que des figures du système Bouteflika sont encore au pouvoir n'ont pas convaincu les Algériens qui, en ayant maintenu la mobilisation intacte malgré la répression et les manipulations d'abord, malgré Ramadhan par la suite, ont démontré qu'ils sont déterminés à aller jusqu'au bout et qu'aucun retour en arrière de leur part n'est possible.