Sujet à controverse, pour avoir été de longues années durant au centre d'enjeux politiques et de pressions de la part de nombreuses ONG tant nationales qu'internationales, tache indélébile de la décennie écoulée, la question, qui ne manquera pas sans doute de faire jaser semble pourtant avoir trouvé son épilogue. Le dossier des disparus est-il rangé dans le rayon des “affaires classées” de la République ? Sujet à controverse, pour avoir été de longues années durant au centre d'enjeux politiques et de pressions de la part de nombreuses ONG tant nationales qu'internationales, tache indélébile de la décennie écoulée, la question, qui ne manquera pas sans doute de faire jaser semble pourtant avoir trouvé son épilogue. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale de consultation pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH), y croit en tout cas. Selon lui, entre 96 à 97% des familles ont accepté les indemnisations proposées par les autorités. “Je pense qu'une solution a été apportée à ce problème. 96 à 97% ont accepté des indemnisations”, a-t-il affirmé jeudi lors d'un forum organisé par la Chaîne II d'expression berbère. “C'est vrai qu'il y a un noyau, que je reçois du reste à chaque fois qu'il en fait la demande, qui revendique toujours la justice et dont je respecte le point de vue. Mais je crois que c'est un problème auquel une solution a été apportée. Il faut admettre que c'est un sujet qui était tabou avant 1999 et qu'aujourd'hui une solution lui a été apportée”, a estimé l'avocat. Même si aucun chiffre fiable n'est à ce jour disponible sur le nombre exact des disparus, il reste que les familles de ces “victimes de disparitions forcées”, selon un vocable usité par les ONG, l'estiment à quelque 8 200 personnes. A contrario de certains pays, à l'image du Maroc, de l'Afrique du Sud ou encore d'autres en Amérique latine, l'Algérie n'avait pas institué de commission indépendante, chargée d'établir la vérité et de rendre la justice sur les disparitions. C'est la CNCPPDH à laquelle a échu la mission. Son travail, s'il semble avoir agréé certaines parties, n'en a pas pour autant suscité l'adhésion de nombre de segments de la société qui doutaient de son indépendance et de la rigueur de ses investigations. Chaque mercredi, d'ailleurs, et depuis plusieurs années, de nombreuses familles tenaient des sit-in devant le siège de la commission pour revendiquer la vérité sur le sort de leur progéniture ou de leurs proches. Ksentini, qui était interrogé sur cette question des disparus, était invité pour parler notamment des droits de l'Homme. Un sujet sur lequel il s'apprête, comme de coutume en pareille période, à présenter un rapport annuel au président de la République qu'il remettra fin décembre prochain. “Les choses s'améliorent, la qualité de la police s'améliore, celle de la gendarmerie s'améliore… Tout cela grâce à la formation. Mais nous avons toujours dit que les droits de l'Homme, c'est une culture dont il faut imprégner nos concitoyens. Bon, certains pensent que les choses ne vont pas vite, mais nous disons que les choses s'améliorent”. Pratiquement bouclé, le rapport, contrairement à l'an passé où il avait porté sur la réconciliation nationale, s'est penché cette année sur la situation des hôpitaux, des prisons et sur l'état d'avancement de la réforme de la justice, jugé “substantiel”. “Nous avons visité nombre d'hôpitaux et nous avons constaté des choses positives, tout comme des insuffisances. Il y a certes la vétusté de certains établissements, le manque d'appareillages et le problème d'hôtellerie, par exemple, mais dans l'ensemble il y a des efforts qui sont entrepris. Ces insuffisances sont compensées par le facteur humain”, juge-t-il. “Mais je n'ai jamais dit, poursuit-il, que la situation des hôpitaux est catastrophique”, répondant ainsi à des propos qui lui ont été attribués par un quotidien national dont il a refusé de divulguer le nom. Ce constat optimiste de la situation est également valable pour les prisons. “Sans la moindre complaisance, les choses se sont substantiellement améliorées. Elles ne cesseront pas de s'améliorer avec la construction des nouvelles prisons. La norme européenne est de 9 m2, alors que chez nous, nous nous rapprochons de 7 m2. Il y a une volonté politique d'améliorer la situation, nous avons des assurances”, dit-il en réponse à la question sur la surpopulation carcérale. Selon Ksentini, la prison de Serkadji, qui date de l'époque turque, et d'El-Harrach datant de l'époque coloniale, laquelle abrite plus de 4 000 détenus, devraient être fermées à terme. Tout comme il qualifie la prison de Guantanamo de zone de “non-droit”. Par ailleurs, il affirme que “le dénouement de l'affaire des détenus algériens en Libye est proche”. Ces prisonniers seront transférés en vertu d'un accord vers des prisons algériennes. “La Libye est un pays souverain et la justice de ce pays est respectable (…) Un responsable m'a dit que le transfert est en voie de concrétisation. Le sujet est délicat, on ne peut pas invectiver”. Et la détention préventive qui dure parfois des années ? “J'ai toujours dit qu'on abuse de la détention préventive. Elle doit demeurer une mesure exceptionnelle. Il faut que le régime du contrôle judiciaire se généralise. J'espère qu'on remédiera à ce problème”. De fil en aiguille, Me Ksentini admet que ce problème est à lier avec l'insuffisance des effectifs — qu'il convient de tripler — des magistrats qui rend “lent” le traitement des dossiers toujours en nombre. Et comme toujours, il rappelle qu'il est favorable à l'abolition de la peine de mort, mais révèle t-il, des gens résistent à cette idée. “Il y a des gens qui résistent à cette idée avec des arguments tirés de la charia et qui n'ont rien à voir avec le droit”, soutient-il, mais sans désigner clairement l'identité de ces “gens”. “J'ai espoir que l'Algérie sera le premier pays arabe à supprimer la peine de mort”, clame-t-il en proposant en substitution une peine de longue durée. À la question sur ceux qui ont stigmatisé l'Algérie sur la question des libertés religieuses, notamment le département d'Etat, le président du CNCPPDH estime que les “affirmations des ONG sont inexactes”. “Ce qui a été réprimé, c'est le fait que des gens font dans le prosélytisme sans autorisation administrative préalable”. “L'Algérie entend que sa réglementation soit observée”. “Imaginez un imam prêcher sans autorisation en France ?” s'est-il encore interrogé. Enfin, il a jugé “excessive” la décision prise contre les personnes récemment condamnées pour n'avoir pas observé le jeûne. “Celui qui ne veut pas faire carême, c'est son problème, mais il ne doit pas heurter la sensibilité des gens. Nous sommes un pays musulman”, a-t-il toutefois observé. K. K.