Beaucoup de cachiristes pensent que la solution à la crise politique algérienne doit être supervisée – voire contrôlée – par l'armée ou exactement par son haut commandement militaire. Bien que la haute hiérarchie de l'armée se soit arrogé ce rôle depuis 1962, il n'en reste pas moins que ce n'est pas le meilleur service que l'on puisse rendre à une institution dont la mission est de s'éloigner autant que faire se peut de la politique. Bien évidemment, dans le contexte actuel, le haut commandement militaire demeure – qu'on le veuille ou non – le détenteur réel du pouvoir. Donc, s'il veut continuer à assumer le pouvoir, l'état-major général n'a besoin ni de sollicitation et encore moins de supplication. Mais, est-ce que ce maintien est dans l'intérêt du pays ? Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, il ne s'agit nullement d'inférioriser ou de diminuer la valeur de notre armée. Même si elle s'éloigne de la politique, elle devra toujours demeurer forte et son rôle restera toujours capital. Le vrai sujet est le suivant : pour sortir de la crise politique, faut-il changer radicalement le système de gouvernance, lequel a échoué dans tous les domaines, ou procéder à quelques replâtrages ? Compte tenu de l'engouement populaire, c'est le changement de système qui est plébiscité chaque vendredi lors des grandes mobilisations de rue. A contrario, toutes les propositions émises par les détenteurs du pouvoir ne visent qu'à remplacer quelques têtes et en couper quelques-unes pour que le pays aille mieux. En d'autres termes, en tenant à organiser l'élection présidentielle, le chef de l'état-major permet de facto la pérennité du système. Bien qu'il se dise proche du peuple, lequel exige la fin de ce système pourri, la feuille de route de Gaid Salah ne permettra au mieux qu'à modifier la composante du régime honni. Du coup, après cinq mois de contestation, le problème reste le même. En effet, qu'il y ait un dialogue ou une négociation, le seul sujet à trancher doit être le changement radical ou le maintien pur et simple du régime. Pour le moment, c'est l'option du maintien qui s'impose. Malgré la fin du mandat du chef de l'Etat par intérim, le pouvoir en place fait comme si de rien n'était. Pire encore, alors que sa feuille de route était l'organisation de l'élection présidentielle sous les 90 jours de sa prise de ses fonctions, Abdelkader Bensalah limoge et nomme des responsables de façon anticonstitutionnelle. Pour toutes ces raisons, le maintien de ce système est uniment mortifère pour l'avenir du pays. Si l'on veut construire un pays sérieux où les institutions seront supérieures aux hommes, il faudra poursuivre le mouvement jusqu'au départ de ce système vicié. Pour parvenir à ce but, il est dans l'intérêt de tout le monde de changer de fond en comble les institutions du pays. Dans cette optique, l'armée aura un nouveau rôle à jouer : s'occuper de sa mission loin du terrain politique. De la même manière, les services de sécurité seront au service du pays et non du pouvoir politique. Cela passe par la restitution des rênes du pouvoir au peuple. C'est à lui in fine que reviendra la tâche de définir le calendrier politique et le type de transition à mettre en place. Comparé à la gestion hasardeuse des affaires du pays depuis 1962, l'avenir ne sera que meilleur, et ce, quelles que soient les erreurs du peuple.