25 octobre 2008 Shyankar Tu connais Gilad Shalit ? Mais oui, tu sais, le nouvel otage dont tous les médias parlent depuis la libération de la franco-colombienne Ingrid Bétancourt et des voleurs d'enfants de l'Arche de Zoé. D'ailleurs, tu les connais eux, non ? T'en a bien entendu parler ? Oui, évidemment. Et Salah Hammouri ? Non, toujours pas ? Tu m'étonnes… Alors ouvre bien tes mirettes, je vais t'expliquer. Salah Hammouri a 23 ans, soit deux ans de plus que Gilad Shalit. Il est emprisonné depuis trois ans et demi. Pour Gilad, ça fait plus de deux ans. Salah était un étudiant en sociologie de l'université de Bethléem. Gilad a reçu son diplôme de la Kabri Manor High School, avec mention. Des jeunes tout à fait normaux en somme. Après la libération d'Ingrid Bétancourt, le président de la République, N. Sarkozy, déclarait : « Je voudrais que mes derniers mots soient pour le soldat Shalit et pour ses parents. Nous ne l'oublions pas. » Si certains l'avaient oublié, le voilà revenu. L'entreprise médiatique Ingrid à peine terminée, le cabinet se trouvait un nouveau cheval de bataille. Mais rien de rien sur Salah. D'ailleurs, pourquoi en parlerait-on ? Et bien tout simplement parce que Salah Ammouri a été arrêté le 13 mars 2005. Parce qu'il a passé trois ans et demi en prison avant d'être jugé par un tribunal militaire (notes bien : tribunal militaire), puis condamné à sept ans sans aucune preuve matérielle. Oui oui, tu te goures pas : sans aucune preuve. Son crime ? Être « censé avoir participé à un complot visant à assassiner » un haut placé religieux. Mais, pire que tout : Salah « est aussi accusé d'appartenir » à un certain parti politique. Allez hop, ni plus ni moins, il écope de sept ans de taule. Imagines : tu es censé avoir participé à un complot visant à assassiner quelqu'un. Regardes-y de plus près : qui peut ne-pas-être-censé-avoir-participé-à-un-complot-visant-à-assassiner-quelqu'un ? Ni toi, ni moi. Tout le monde peut, « être censé avoir participé à ». Manquait plus que t'appartienne à un parti politique qui serait pas celui au pouvoir. Et là, bim. Question à un million d'euros : où sommes nous ? Dans quel horrible pays ? Dans une de ces dictatures africaine ou, pis encore, dans un des ces pays de « barbares » comme le dirait notre ministre, B. Kouchner ? Que nenni monseigneur. Nous sommes en Israël. Mais revenons en à Salah, qui serait donc sensé avoir participé à un complot visant à assassiner le rabbi Ovadia Yossfe, chef spirituel du parti Shas. Tu sais, le parti ultra-orthodoxe séfarade. Et le parti infâme auquel il appartient est le FPLP : le Front Populaire pour la Libération de la Palestine, tu sais ce truc d'islamo-crypto-gauchiste-révolutionnaire. Décadence, y'a pas à dire. Où va donc la jeunesse palestinienne ? Mais jusque là, tout va bien pourrait on dire. Un Palestinien dans des geôles israéliennes, quoi de plus normal ? Surtout un mec qui « est censé avoir participé à un attentat » (je te le répète pour pas que t'oublies). Mais le truc c'est que depuis quelques temps, on nous bourre le mou avec Gilad. Gilad par si, Gilad par là. A tel point que la mère de Salah, française mais marié à un Palestinien, en est venu à penser que son fils était « moins français que les autres ». A ce stade de l'explication, tu te demande, bon sang de bon sang, pourquoi le gouvernement n'y met pas du sien, un peu, ou au moins autant que pour Gilad. Et bien je vais te répondre : après trois ans passés en taule, en détention administrative, « c'est-à-dire sans supervision de la justice civile », le gouvernement fait pression (les mauvaises langues diront manière de) pour qu'un procès soit le plus rapidement mis en place. Chose faite, scandale : Salah plaide coupable. Là, ça se corse. Ça pousse même Alain Gresh à se demander : « Pourquoi a-t-il avoué ? » Réponse : « C'est que le procureur lui a proposé un marché. ». De quel type ? Là je te renvois à un article de Libé : « Si Salah reconnaît les faits, il prendra sept ans de prison : sinon ce sera quatorze. Le dossier est pourtant mince : aucune preuve matérielle, ni armes, ni mails, ni plan, ni écoutes. Les seules “preuves” sont les témoignages, aussitôt rétractés, de détenus palestiniens et l'aveu de Salah, qui a reconnu être passé devant la maison du rabbin avec un ami, accusé lui aussi. L'avocate conseille à la famille d'accepter, car les juges militaires suivent toujours les réquisitions. En tant que Palestinien de Jérusalem, Salah n'a droit à aucune remise de peine. Il ne peut faire appel. » Voilà où on en est. C'est marrant hein, de nous faire un si grand tramblament de l'affaire Shalit et de ne pas piper mot de l'affaire Hammouri. Quand tu déclares que tu veux sauver tous les français, il serait bon de s'y tenir, et pas qu'aux plus médiatiques. Dans l'histoire, c'est peut-être la mère de Salah qui a raison, car après tout, son fils n'est probablement pas « aussi français que les autres ». Franco-colombien passe, franco-israélien aussi, mais franco-palestinien, ah ça non !