https://maghrebemergent.info/ Lynda Abbou Il y a un an, le mardi 12 février 2019, une manifestation hostile au 5e mandat de Bouteflika est organisée dans la wilaya de Chlef (205 km de la capitale), par quelques dizaines de personnes. A partir de cette ville, le slogan « Bouteflika, yal merouki, makeche ohda khamsa», ( Bouteflika, le marocain, il n'y a pas de 5e mandat) a été lancé pour la première fois. Personne ne savait que cette action allait changer le destin de l'Algérie et faire boule de neige pour donner naissance à la révolution du 22 février 2019. Cette manifestation est intervenue après deux « provocations » majeures du pouvoir. La première est l'organisation du meeting de la Coupole du 5 juillet, à Alger, pour annoncer officiellement la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat, animé par ce qu'on appelle l'alliance présidentielle, le 09 février 2019. La deuxième est la déclaration de Ahmed Ouyahia, Premier ministre de l'époque, qui avait dit à la presse, le 11 février 2019, que le peuple algérien était heureux de la candidature de Bouteflika. Tout est parti ensuite d'une petite rue de Chlef et d'une petite vidéo publiée sur les réseaux sociaux. « Makeche Ohda Khamsa », (il n'y aura pas de 5e mandat) deviendra le slogan des millions d'Algériens aux quatre coins du pays, et fera chuter Bouteflika ! Le 14 février 2019, le jour de la saint- valentin, et par amour pour leur pays, des d'habitants de la wilaya d'Annaba ont organisé un sit-in contre la candidature de Bouteflika. Le cour de la révolution a accueilli ce jour-là une centaine de protestataires. Téléphone en main, le jeune Chems Eddine Lalami, dit Brahim, filme la marche qu'il avait organisée avec un petit groupe de jeunes à la wilaya de Bordj Bou Arreridj le vendredi 15 février 2019. Ils ont défié la peur et ont répondu à Ouyahia en disant que le peuple algérien n'était pas « content ». Ils ont scandé très fort « had chaâb la yourid, Boutefflika w'Said », (ce peuple ne veut ni Bouteflika ni Said). C'est un autre slogan qui résonnera dans toute l'Algérie, jusqu'à la chute des deux frères qui détenaient le pouvoir, le président et son conseiller. Brahim Lalami ne se contentera pas lors de cette manifestation des slogans hostiles à Bouteflika et Ouyahia, il visera le changement du système et dénoncera Tliba, Ghoul, Ben Younes et tous ceux qui plaident pour la continuité du régime et qui défendent la « momie ». Le jeune homme incarcéré aujourd'hui pour son activisme au Hirak, avait mis l'accent sur ce qui deviendra le point fort de la révolution en cours, c'est l'aspect pacifique des manifestations. « La tadmir, la takssir, nahno norido ataghyir », (pas de destruction pas de casse, nous voulons uniquement le changement) scandait Brahim et ses amis ce jour-là. Après les deux premières petites manifestations à Chlef et à Bordj Bou Arreridj, la première grande foule manifeste à Kherrata, dans la wilaya de Béjaia, le samedi 16 février 2019, contre le 5e mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika et contre le pouvoir en place. Plusieurs centaines de personnes de tous les âges ont marché avec des drapeaux noirs et ont scandé des slogans hostiles aux dirigeants du pays tel : « Y'en a marre de ce pouvoir ». Ils étaient munis de pancartes et des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « je suis Algérien, je suis contre le 5e mandat », « pouvoir assassin » ou encore « le mandat de la honte ». Ainsi, la mobilisation commençait à prendre de l'ampleur, les Algériens affichaient de plus en plus leur rejet du 5e mandat, et les influenceurs commençaient à appeler à un soulèvement populaire. Les dates 22, 23 et 24 février ont commencé à faire le tour des réseaux sociaux, c'est celle du vendredi 22 février 2019 qui va être retenue par des artistes et activistes, malgré l'anonymat de la 1e source de la proposition de cette date. Après Chlef à l'ouest et Bejaia au centre, arrive le tour de la wilaya de Khenchla à l'est du pays. Le mardi 19 février 2019, Un poster géant du candidat-président Bouteflika a été décroché de la façade de la mairie et piétiné par une foule de manifestants à Khenchela. « Nehi teswira o kheli laâlam », (enlève la photo et laisse le drapeau), c'est ainsi que les habitants de Khenchla ont rompu avec le règne de Bouteflika. Cette action était une réponse à un message provoquant posté la veille par le maire de la ville Kamel Hachouf qui s'est opposé à la visite de Rachid Nekkaz. Les manifestants se sont rendus au siège de la mairie et ont scandé « Nekkaz Président ! », « Non au 5e mandat ». Le vendredi 22 février 2019, des dizaines, des centaines, des milliers puis des millions d'algériens, des hommes et des femmes de tous les âges, de toutes les tendances et idéologies et de toutes les régions d'Algérie, ont pris leur destin en main. Ils veulent « un changement radical » du régime. Un an exactement nous sépare de la première étincelle qui a allumé la révolution de l'espoir, et qui bouclera dans dix jours, sa première année …