Des voix commencent à s'élever dans les tréfonds de la société algérienne pour exprimer leur opposition à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika pour un 5e mandat, certes acclamée par ses partisans, mais aussi mal vécue par nombre d'Algériens, les jeunes notamment. La première salve anti-5e mandat est venue d'Alger lorsqu'un petit groupe de citoyens a investi la place Emir-Abdelkader en scandant nombre de slogans comme "La Oujda la DRS, l'djazaïr hiya al assas" (ni Oujda ni DRS, l'Algérie c'est la base), "Noudh noudh ya chahid fibladek istiemar djdid" (lève-toi, ô ! martyr, un autre colonisateur a envahi ton pays), "Fiqou ya el ibad, rahoum baou gaa leblad" (réveillez-vous, citoyens, ils ont vendu le pays, ndlr), "La li ouhda al khamissa" (non au 5e mandat), "Makanch rais, kayene teswira" (il n'y a pas de Président, il y a un poster). Le lendemain, dans la nuit, des jeunes de Béjaïa ont sillonné la ville en scandant des slogans hostiles à la candidature de Bouteflika. Dans la nuit de lundi à mardi, c'était au tour des étudiants de Tizi Ouzou d'investir la placette de Hasnaoua, au cœur de la ville, pour faire part de leur rejet de la candidature du chef de l'Etat en scandant : "Oulach, oulach, oulach 5e mandat !" (Pas de 5e mandat). Le dispositif policier qui a vite encerclé le campus universitaire a quelque peu dissuadé les étudiants de sortir dans la rue, craignant des débordements. Toujours dans la journée du lundi 11 février, des jeunes Oranais, accompagnant Rachid Nekkaz, ont investi le siège de l'APC pour crier leur colère. "Bouteflika ! Makenche Ouhda khamissa" (Bouteflika, il n'y a pas de 5e mandat), scandaient-ils. Le même scenario se reproduira le lendemain, mardi 12 février, à Chlef, toujours à l'ouest du pays, où des jeunes ont fait leur le slogan exprimé dans la capitale de l'ouest du pays. Après le Centre et l'Ouest, la vague anti-5e mandat a gagné, mercredi 13 février, l'est du pays, Bordj Bou-Arréridj plus précisément, où de nombreux jeunes ont investi la rue pour scander des slogans hostiles au 5e mandat. Jeudi 13 février, à Oum El-Bouaghi, le secrétaire général de l'ANR s'est vu, lors d'un meeting en faveur de la candidature de Bouteflika, apostrophé par l'assistance qui lui a demandé : "Où est le Président ?" Outre le nord du pays, ce mouvement de rejet de la candidature de Bouteflika a atteint le Sud. Des travailleurs de Hassi R'mel ont observé un arrêt de travail sur le lieu même de leur chantier pour protester contre le 5e mandat et l'un d'eux a appelé tous les travailleurs de Sonatrach à faire de même. Exutoires par excellence où la jeunesse algérienne déverse ses colères et ses frustrations, les stades sont gagnés, eux aussi, par cette "fièvre" anti-5e mandat. Avant même l'annonce de la candidature de Bouteflika, des supporters de la JSK ont exprimé, le 4 février lors de la rencontre face au PAC au stade Omar-Hamadi de Bologhine (Alger), leur hostilité à un prolongement du règne de l'actuel chef de l'Etat. Après la victoire de leur équipe contre la JSK, jeudi 13 février, des supporters du CRB ont, à leur tour, crié leur opposition à la candidature de M. Bouteflika à l'intérieur même du métro. Des supporters de l'AS Aïn M'lila ont profité d'un match de leur équipe jeudi 14 février pour inviter le président Bouteflika à se retirer de la course. Mobilisés à travers les réseaux sociaux, plusieurs dizaines de citoyens, majoritairement des avocats et des étudiants, se sont rassemblés sur le cours de la Révolution à Annaba, avant-hier matin, pour dire non au 5e mandat. Le sit-in qui a eu lieu à 11h en face du théâtre régional Azzedine-Medjoubi a provoqué la curiosité des passants, dont certains ont fini par prendre part au mouvement. Brandissant des pancartes sur lesquelles l'on pouvait lire "Non au cinquième mandat", "Ne compromettez pas l'avenir de nos enfants" et "Non au mandat de la honte", les manifestants ont battu le pavé pendant une heure environ, avant de se disperser dans le calme. Me Amine Derradji, militant des droits de l'Homme, affirme que la manifestation s'est déroulée sans heurt, malgré une forte présence policière. "Nous avons tenté, à travers cette mobilisation, de prouver aux citoyens qu'ils n'avaient pas à avoir peur, qu'il fallait protester, mais de manière pacifique et civilisée." Ce mouvement anti-5e mandat semble spontané. Il tient de ce sentiment d'abattement que l'annonce de la candidature de Bouteflika a provoqué au sein de la société, notamment au sein d'une jeunesse dont la frustration est perceptible chaque jour. Reste à savoir si cette vague anti-5e mandat ira crescendo ou si, au contraire, elle s'estompera les prochains jours. Sur les réseaux sociaux, nombre d'internautes ont lancé des appels à manifester vendredi prochain contre la candidature de M. Bouteflika. Arab Chih