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Algérie. Le Hirak au péril du coronavirus
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 28 - 03 - 2020

Une suspension pour le bien de tous… En raison des menaces liées à l'épidémie de coronavirus, le 20 mars 2020 a donc été le premier vendredi sans manifestations populaires depuis le 22 février 2019, date du déclenchement du Hirak. Une décision qui, au final, rencontre l'adhésion d'une population inquiète face à l'épidémie, d'autant qu'elle n'ignore rien de l'état de dégradation du système de santé algérien.
SOCIETES LAKHDAR BENCHIBA 23 MARS 2020
https://orientxxi.info/magazine/
En Algérie, le Hirak étant sans direction, la décision de renoncer aux manifestations a été discutée sur les réseaux sociaux et même lors de celle du vendredi précédent, le 13 mars 2020. Sa tenue a été dénoncée par les médias du pouvoir comme une attitude « irresponsable ». Pourtant, dans les faits, les mesures du gouvernement pour faire face à l'épidémie s'étaient limitées à la veille du 13 mars 2020 à une fermeture des établissements scolaires. Le 15 mars, le premier ministre Abdelaziz Djerrad s'est adressé ainsi à ceux qui manifestent : « Vous pouvez sortir comme vous le désirez, mais prenez vos précautions pour ne pas compromettre votre santé, celle de vos voisins, vos mères et vos pères et éviter de les exposer au risque. »
Le 17 mars, le président Abdelmadjid Tebboune a adressé un message télévisé pour annoncer une série de mesures, dont la fermeture des frontières terrestres, la suspension des liaisons aériennes et maritimes, la fermeture des mosquées, l'interdiction des manifestations… Le tout assorti d'un message rassurant : la situation serait sous contrôle et les Algériens n'auraient pas lieu de s'inquiéter.
De nombreux acteurs du Hirak avaient déjà appelé à suspendre les manifestations, conscients non seulement des risques sanitaires, mais également de l'existence d'une bataille de l'image livrée dans les médias audiovisuels publics et privés. La tendance dans ces médias était en effet de mettre en exergue les risques épidémiologiques liés aux manifestations sans aborder l'aspect très inquiétant de la nonchalance des autorités et leur désinvolture quant à prendre et à exécuter les mesures de précaution et de confinement.
La décision de suspendre les marches ne s'est pas faite sans peine et les débats ont été vifs et tranchés. « Avec le corona, on a 97 % de chances de s'en sortir. Avec vous, on n'en a aucune. » Cette pancarte portée par une manifestante le 13 mars 2020 à Alger résumait de manière lapidaire l'une des grandes appréhensions du mouvement de contestation : voir se refermer l'espace public que les citoyens ont ouvert et occupent sans discontinuer depuis le 22 février 2019.
La manifestation du 56e vendredi a drainé des milliers de personnes à Alger et elle a pris l'allure d'une bravade dans un contexte rendu anxiogène par la pandémie du Covid-19. Elle a été également un moment intense de consultations et de discussions sur l'attitude à adopter. La décision de renoncer aux marches était d'autant plus difficile à prendre que face à un régime qui n'a pas fait de concessions et qui continue de faire arrêter les activistes et les manifestants pour les condamner pour des accusations « d'atteinte à l'unité nationale » ou « d'attroupement non autorisé », l'occupation pacifique de l'espace public demeure l'acquis majeur du 22 février.
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Les options du Hirak étaient ouvertement débattues depuis une dizaine de jours, et pas seulement sur le coronavirus. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont vertement critiqué l'appel, lancé de Londres par Larbi Zitout, un ancien diplomate en poste en Libye et entré en dissidence dans les années 1990, pour une « escalade » à travers un « accrochage pacifique » (ichtibak silmi) avec les forces de l'ordre. Suivi par plus d'un million et demi de fans sur sa page Facebook, l'appel de Zitout, par son côté absurde, a surtout donné du grain à moudre aux partisans du pouvoir pour développer un discours conspirationniste sur le Hirak.
Les autorités parlent d'ailleurs volontiers de « néo-Hirak ». Ce nouvel élément de langage ayant été introduit par le ministre de la communication Amar Belhimer, pour laisser entendre que le Hirak n'a rien à voir avec ce qu'il était au début et qu'il est désormais pris en main par des « ONG qui ont pignon sur rue à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l'ex-FIS [Front islamique du salut] et des revanchards mafieux de l'ancien système [qui] travaillent d'arrache-pied, y compris derrière les barreaux ou à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), pour propager les mots d'ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence. » En clair, le « néo-Hirak » serait instrumentalisé par des forces hostiles à l'Algérie, accusation qui fait écho à celles proférées par le régime au début des marches en février 2019.
De très nombreuses voix du Hirak ont fustigé et raillé l'appel de Zitout en soulignant, à l'image de Abdallah Benadouda, journaliste en exil très suivi sur Facebook, que les appels de Zitout à des « accrochages pacifiques » et à « encercler les commissariats » n'ont « rien à voir avec le Hirak Silmi (pacifique) en vigueur depuis le 22 février 2019 […]On sait tous que la police est brutale et violente, mais depuis le départ l'idée est de les éviter, les contourner, ne pas les affronter parce que ça ne sert à rien ».
L'appel très critiqué de Zitout et exploité par les médias prorégime est intervenu alors que la menace du coronavirus imposait déjà l'idée d'une suspension des marches et donc d'un « désengagement » plutôt qu'un hypothétique « accrochage » n'ayant aucune chance d'être pacifique pour qui connaît les méthodes des forces de l'ordre algériennes. Des « ultras » du Hirak ont toutefois défendu l'idée que les manifestations de rues étaient moins dangereuses pour la santé publique que la faiblesse de l'action préventive des pouvoirs publics. Les autorités ont été ainsi accusées de ne pas avoir fermé la porte à temps à « l'importation » du virus en maintenant les vols aériens avec l'Europe, principalement de France.
En réalité, les vols avec l'Hexagone ont été maintenus jusqu'au 19 mars pour rapatrier les Algériens résidant dans le pays. La chose paraît logique, tous les Etats ayant pris ce genre de dispositions. Cependant des témoignages publiés sur Facebook affirment qu'aucun dispositif particulier n'avait été mis en place au moment de l'accès aux avions et lors du débarquement dans le pays. Dans certains cas, des rapatriés ont même refusé toute mesure de confinement ou de mise en quarantaine.
« Arrivée à Alger, des caméras thermiques passent en revue tous les passagers, tout le personnel avec masque et gants et à distance des passagers. Mais aucun message de confinement n'est diffusé à l'aéroport. Chacun est renvoyé à sa responsabilité. Le problème c'est que j'ai l'impression que les gens n'ont pas pris la mesure du potentiel danger qu'ils représentent, "ila kach ma kayen rabi sobhano" me dit un passager. Si quelque chose arrive, Dieu pourvoira. Voilà comment on se déresponsabilise en renvoyant tout à Dieu », témoigne ainsi une Algérienne de retour de Paris.
Une autre divergence a divisé les hirakistes. Pour nombre d'"ultras" ont parfois affirmé contre tout bon sens que la revendication de l'arrêt temporaire du Hirak venait des "démocrates" et des "bobos de gauche". Et de dénoncer l'irresponsabilité de ces derniers, qui laisseraient ainsi le champ libre aux islamistes. Néanmoins, ces voix jusqu'au-boutistes ont été très rapidement submergées par la multiplication des appels à la raison et à la suspension. "Suspendre les marches pour se protéger contre le corona, le régime ne nous protègera pas, qu'en pensez-vous ?", proclamait ainsi une pancarte lors de la marche du 13 mars.
Le Hirak — c'est sa force — n'a pas de direction ; ce sont les prises de position réitérées sur les réseaux sociaux qui imposent les choix définitifs. La suspension des marches était déjà largement actée lors du vendredi 13 mars, elle a été confortée par une succession de prises de position de "voix" du Hirak, comme celle des avocats Mostefa Bouchachi et Abdelghani Badi. Des médias électroniques engagés depuis le début dans la couverture du Hirak et qui ont ainsi brisé le black-out sur le mouvement des médias audiovisuels publics et privés ont annoncé qu'ils ne rendraient pas compte des manifestations au cas où elles auraient lieu.
Mardi 17 mars, des étudiants se sont même rendus sur la place des Martyrs à Alger, pour essayer de convaincre des groupes d'irréductibles, le plus souvent des personnes âgées, de renoncer aux marches et de respecter les consignes de prudence. Près de deux cents personnes ont tout de même entamé une manifestation, dispersée sans ménagement par les forces de l'ordre.
Nombre d'activistes ont tenu à ce que la décision de suspension vienne du Hirak lui-même afin de ne pas perdre la "bataille de l'image" où le régime apparaîtrait plus responsable que les contestataires. Pour Fayçal Sahbi, maître de conférences en communication, "la courbe du coronavirus va exploser dans quelques jours. C'est inévitable. C'est la science qui le dit. Devinez qui sera désigné comme responsable dans les plateaux télé et par les appareils de propagande ? Ce ne sera ni les prières du vendredi [que le pouvoir a tardé à interdire]. Ni le manque de rigueur des contrôles aux frontières. Ni les stades qui accueillaient encore du public il y a peu. Ce sera le Hirak qui sera mis en accusation pour avoir manqué de "prudence et de responsabilité" ».
Le Hirak suspendu, de nombreux Algériens mettent désormais la pression sur les autorités dont la gestion ne brille pas par sa lisibilité. Beaucoup se demandent ainsi pourquoi le confinement n'a pas formellement été décidé par les autorités qui se sont limitées aux appels à la prudence et à rester chez soi. Alors que seuls les boulangeries et les commerces de produits alimentaires sont autorisés à ouvrir, le journaliste Mahrez Rabia montrait, ce samedi 21 mars, que d'autres commerces continuaient d'être actifs.
De même, le gouvernement a été très hésitant au sujet des mosquées — plus de 18 000 dans le pays —, clairement désignées par les médecins comme des lieux de propagation à haut risque. Le gouvernement s'en est remis à la commission de fatwas (avis religieux) qui a émis d'abord un avis, jugé aberrant par beaucoup, dispensant ceux qui ont peur pour leur santé de se déplacer à la mosquée et invitant les malades à s'abstenir.
Ce libre choix laissé aux fidèles a été jugé irresponsable et la fatwa a suscité un vrai tollé. Finalement, la même commission, soumise à « la pression de Facebook » comme disent mi-sérieux, mi-moqueurs des Algériens, a décidé la suspension de la prière hebdomadaire du vendredi et des autres prières collectives avec, néanmoins, le maintien de l'appel à la prière par les muezzins. Pour la première fois dans la vie même des plus âgés, les Algériens ont ainsi entendu mardi un appel à la prière où il leur était dit : « Priez chez vous » (Essalatou fi manaziloukoum). De même, la prière du vendredi n'a pas été assurée, les portes des mosquées étant restées fermées.
Les mesures des autorités montent en cadence, mais trop lentement aux yeux des spécialistes qui craignent une flambée subite des cas alors que les capacités d'un système de santé dégradé sont très insuffisantes. L'Algérie a importé, en une semaine, plus de 300 millions de dollars 279 millions d'euros) de matériel pour faire face au coronavirus, a néanmoins assuré, le 15 mars, le premier ministre Abdelaziz Djerad. « En une semaine, a-t-il expliqué, nous avons importé plusieurs millions de dollars de matériels, de caméras thermiques, de kits, de gants pour pallier les insuffisances que nous avions au début. » De son côté, le ministre de la santé Abderrahmane Benbouzid a assuré que l'Algérie avait « toutes les possibilités de riposte ».
Sur le front hospitalier, et jusqu'à la nuit du vendredi 20 mars, les cas augmentent doucement, mais hélas de manière continue : 11 morts et 95 cas de contamination. Les chiffres laissent sceptiques nombre d'Algériens qui les pensent minorés. Les craintes se renforcent, l'insouciance relative des Algériens laisse place à l'inquiétude. Dans son discours du 17 mars, le président Tebboune a assuré que l'Algérie en est encore au stade 2 de l'épidémie, mais qu'elle est prête à faire face à un passage au stade 3.
Sur les réseaux sociaux, le ton monocorde du président a été très critiqué, mais c'est surtout le chiffre de 2 500 lits de réanimation disponibles qu'il a avancé qui fait débat. Deux jours plus tôt, le ministre de la santé avait indiqué que l'Algérie disposait de « plus de 400 lits de réanimation ». Chiffre déjà jugé exagéré par des praticiens qui estiment le chiffre réel plus près de 300. Le ministre de la santé est revenu à la charge deux jours plus tard pour assurer que l'Algérie « dispose de 2 500 appareils de respiration artificielle, soit 2 699 lits de réanimation et 2 500 autres appareils anesthésiants et de respiration artificielle, outre 220 cliniques privées disposant de 3 à 4 lits de réanimation, soit un total de 6 000 lits de réanimation ». Des assurances qui ne convainquent pas toujours. Sur Internet, la vidéo d'une médecin en larmes de l'hôpital Zmirli à Alger qui raconte l'intubation dans des « conditions catastrophiques » et « sans gants » d'un malade est très largement partagée. « Protégez-vous, restez chez vous, p… de merde, restez chez vous, on ne peut rien pour vous », lançait-elle en guise d'avertissement.
LAKHDAR BENCHIBA
Journaliste (Alger).


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